Dans le monde des médias libéraux culturels, les positions se gagnent à force de pensée conforme. Une médaille en forme de rente de situation, sur France Inter, c’est ce qui vient d’arriver à Pierre Haski.
Après 27 ans à officier à la même heure et après qu’il soit devenu une sorte de gourou du « bien penser » en matière de géopolitique, faisant entendre sa voix chaque matin sur la radio la plus écoutée des libéraux culturels, France Inter, le départ de Bernard Guetta était de nature à provoquer des « ouf ! » de soulagement. Et sans doute est-ce le cas. Le quidam aux prétentions journalistiques n’avait jamais véritablement troqué sa mitre gauchisante radicale, devenue tendance bobo, contre une casquette de déontologie. L’OJIM a déjà exposé le mode de pensée et le parcours du militant issu du trotskysme culturel, auquel l’État a étrangement confié les clés de l’analyse géopolitique officielle par média public interposé. Bernard Guetta quittant France Inter, cela pouvait générer l’espoir d’une voix géopolitique un peu autre…
La France Inter se donne au soldat Haski
Un petit soldat en remplace donc un autre, Pierre Haski, choisi par la directrice Laurence Bloch. Les deux se connaissent assez bien pour pouvoir recommencer à travailler ensemble, s’étant fréquentés en une époque pas si lointaine où ils étaient journalistes en Afrique, Pierre Haski, c’est l’arrivée d’un historique de Libération à France Inter, Libération où il a émargé de 1981 à 2007. Tout juste sorti des écoles de journalisme bien pensantes officielles. De quoi vous marquer un cerveau au fer toujours rouge. Ce qui est le cas, du gros rouge post 68 même, que Pierre Haski a poursuivi en co-fondant et écrivant dans Rue 89, tout en étant élu à la présidence de Reporters sans frontières en 2017. Les Européennes approcheraient-elles tant pour qu’il faille médiatiquement tout encadrer ainsi ? Peut-être… Gardons à l’esprit que le pure player de Pierre Haski, Rue 89, hébergé à L’Obs, a été financé par Mathieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre Bergé, et même très souvent renfloué par les mêmes puisqu’il n’a jamais été à l’équilibre. Un Rue 89 qui pratique donc le libéralisme culturel dans les bras de L’Obs, ce qui donne parfois ceci. Mais bon… les médias ont les amis et les employés ou stagiaires qu’ils veulent, même s’ils font un peu peur ici et là.
Quelle est cette Église bâtie sur ce Pierre ?
Un peu la même que celle qui existât 27 ans durant sur le compte en banque de Bernard Guetta, l’église de la sainte bien pensance « intériste » libérale culturelle matinale. Pierre poursuit l’œuvre de son prédécesseur. Deux exemples :
Le 10 septembre 2018, petit Pierre pense que « Le modèle suédois se brise sur la peur des migrants ».
Pas le drame, pas la catastrophe inhumaine etc, non, la « peur », celle des petits blancs, blonds aux yeux clairs de Suède. Que nous dit Pierre ? Les récentes élections ayant vu « l’extrême droite » (une droite, en fait) gagner beaucoup de suffrages « constituent un choc ». Cela « vient briser l’image idyllique d’un pays qui a longtemps semblé exemplaire. Exemplaire, il l’a sûrement été en 2015 en accueillant plus de migrants que n’importe quel autre pays européen par rapport à sa population », ce qui ne l’a pas empêché de conserver forte croissance et chômage au plus bas (comme quoi, les migrants, hein…). Et pourtant, il y a ce score « spectaculaire de l’extrême droite ». Cela montre que « la question de l’accueil des migrants est d’abord identitaire (sic) dans un pays qui était autrefois d’une homogénéité culturelle absolue et qui s’est transformé en l’espace de moins d’une génération en une société multiculturelle ». Haski : « La Suède ne ressemble plus à son mythe », « les errements européens de la dernière décennie ont fini d’ébranler les certitudes ». Les « démocrates de Suède » ? À l’origine, « un groupuscule néo nazi ». Il est certain que si le chef du PCF actuel était invité par Pierre Haski, ce dernier indiquerait que le PCF était autrefois un parti stalinien ayant collaboré au meurtre de masse soviétique. Non ? Maintenant, ils sont « nationalistes » (c’est la guerre, cela, a dit Macron il y a peu). En Suède, c’est donc un « électrochoc ». Cette « extrême droite » gagnera si les partis politiques « traditionnels » ne trouvent pas les bonnes réponses, dit petit Pierre. Par contre, ce qu’il ne dit pas, c’est que la situation qui paraît l’embêter est le résultat des politiques menées par ces mêmes partis, à l’échelle de l’Europe, politiques menées aussi en suivant l’idéologie de tous les Pierre Haski du continent.
Le 13 septembre 2018, petit Pierre s’intéresse à Viktor Orban
Où l’on parle, comme toujours finalement sur France Inter, de « l’extrême droite ». Pierre Haski démarre en trombe : « C’est la fin de l’impunité pour le premier ministre hongrois et chef des illibéraux en Europe » (petit Pierre a son dictionnaire du langage macronien en permanence sous le coude). « Le déclenchement d’une procédure contre la Hongrie est véritablement historique » (trémolos jubilatoires dans la voix). Pourquoi ? Car « cela fait longtemps que la Hongrie multiplie les atteintes à la justice, à la presse, à la société civile, et défend des positions xénophobes sans que l’UE ne réagisse ». Ce qui est intéressant dans cette affirmation, c’est que justement, l’UE ouvre une procédure pour voir si tout cela a lieu. Pourtant, dans l’esprit de Pierre Haski, l’ouverture d’une enquête semble valoir condamnation… Il n’y a pas de présomption d’innocence pour la Hongrie, dans la bouche de petit Pierre, une présomption qui est pourtant un des socles de l’État de droit. Si nous étions un Pierre Haski, nous en conclurions certainement que le chroniqueur est coupable d’atteinte au socle qu’est l’État de droit, rien qu’en ouvrant une discussion à ce sujet. Le libéralisme culturel est cette position qui connaît déjà toutes les réponses (morales) avant de poser les questions. Sans le vouloir, Pierre Haski indique la raison de la procédure : « elle prend tout son sens à 9 mois des élections européennes ». …les citoyens avaient compris. De crainte de perdre quelques privilèges, nos libéraux culturels européens enquêtent ici, veulent bloquer des fonds là, entre autres manœuvres évidemment respectueuses de l’idéal démocratique. C’est que Merkel, explique Haski, voudrait qu’un bavarois membre du PPE devienne le nouveau patron de la Commission européenne, alors évidemment il convient qu’Orban aille voir un peu hors PPE si l’herbe est plus bleue… Et ce que dame Angela (et fiston Emmanuel) veulent est par nature pour notre bien à tous. La procédure, du coup ? Une « rupture lourde de sens alors que les forces populistes et d’extrême droite se sentent pousser des ailes à travers l’Europe ». Pourquoi ? Orban « s’était attaqué à Merkel puis à Macron », dans l’été, et a été vu en train de discuter avec Salvini, alors évidemment… « Orban est donc repoussé à l’extrême droite de l’échiquier, auquel il appartient en réalité ».
Voilà une sacrée chronique de géopolitique ! Toute en nuances et en finesse, avec un bon gros brin de militance. Comme avec Bernard Guetta avant, personne n’apprend rien sur ce qui se passe dans le monde ; par contre, chacun a droit à son sermon quotidien contre les méchants diablotins populistes ou radicalement de droite, autrement dit contre ceux qui ne pensent pas comme Pierre Haski ou Nicolas Demorand . Comme Pierre Haski fait une fixette sur les fake news (des populistes, bien entendu) et réfléchit à comment les éradiquer, ce sera certainement plus simple en étant dans un des donjons du système.La campagne menée officiellement par Guetta pour le « Oui » au référendum sur le Traité de Lisbonne, chaque matin sur France Inter, avait été remarquée. Il devrait en être de même avec Pierre Haski en vue des européennes de 2019. Les appareils se lèvent tous pour l’Europe libérale libertaire ! Hop, En Marche toute !
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