À peine neuf mois après la mort de François-Régis Hutin, Ouest-France – qui emploie à ce jour 576 journalistes dans l’ensemble de son empire de presse – met en œuvre un plan de rationalisation qui tire une croix sur les engagements du défunt patron à maintenir l’emprise et les effectifs des journaux de Loire : Presse-Océan (Nantes, Saint-Nazaire), Le Courrier de l’Ouest (Anjou, Mauges) et Le Maine Libre (Sarthe, Mayenne). Une grève a été lancée ce 17 septembre à Ouest-France et chez les journaux précités contre les 56 suppressions de postes projetées.
Unification ou uniformisation de l’information
« L’abandon des territoires et des lecteurs — dans la Sarthe, le Maine-et-Loire, la Loire-Atlantique, le Finistère ou le Calvados — risque fort, malheureusement, de n’être qu’une première marche vers d’autres reculs et renoncements », explique l’intersyndicale. Le projet prévoit aussi une uniformisation de l’information : en Maine et Anjou, Ouest-France reprendra une partie des articles publiés par Le Courrier de l’Ouest et Le Maine Libre, tandis qu’en Loire-Atlantique, Presse-Océan reprendra ceux de Ouest-France.
Dans le détail, une dizaine de journalistes seront conservés en poste en Sarthe et Anjou sur une trentaine au total. Trois agences, Cholet, Sablé-sur-Sarthe et La Flèche seront fermées et un document d’orientation de la direction annonçait 76 postes en moins, révèle la CGT Ouest-Médias. En Sarthe, ne seront maintenus que « 8 postes sur les 28 Équivalents temps plein actuels : 2,5 postes de reporters, 3,5 postes de secrétaires de rédaction et deux aux sports », précise la motion des rédactions du Maine libre en Sarthe.
La moitié des lecteurs perdus en dix ans, Presse-Océan bientôt rayé de la carte ?
Des réductions d’effectifs sont aussi prévues en Finistère et Normandie. Côté Presse-Océan, 12 à 18 postes seront supprimés et la rédaction de Saint-Nazaire fermée. Les journalistes d’Ouest-France fourniront le quotidien de Presse-Océan là où il sera fermé. Si les fermetures en Anjou, Mauges et Maine n’ont pas suscité de réactions – et devraient même plutôt réjouir dans les Mauges où le Courrier de l’Ouest ne s’est pas montré avare en parti-pris ces dernières années, il n’en est pas de même en Loire-Atlantique. Cette fermeture a déjà suscité diverses réactions à Saint-Nazaire, dont, celle, assez inattendue du Rassemblement National local qui regrette un « coup dur pour le pluralisme ».
« Sans nous faire d’illusions sur la manière dont notre formation était traitée depuis ces dernières années, surtout depuis notre entrée au conseil municipal de Saint-Nazaire, nous devions bien constater qu’au sein du groupe SIPA (également propriétaire de Ouest-France) le traitement réservé par Presse Océan aux mouvements politique en général, et au FN-RN en particulier, était notoirement plus professionnel, déontologique et impartial que ce à quoi nous étions habitués. L’on peut même parler de neutralité politique de Presse Océan, par rapport à Ouest-France ».
Enjeux financiers
Cependant l’enjeu est aussi comptable. En dix ans, Presse-Océan a perdu 20.514 exemplaires, soit la moitié de ses lecteurs, tandis que Ouest-France a perdu 108.694 exemplaires, soit un lecteur sur 7. Au point que Presse-Océan soit menacé de disparition ? « C’est assez flagrant à Nantes, par exemple avec les travaux de l’ancienne maison d’arrêt, pourtant sous les fenêtres de Presse‑O, rue Deshoulières. Ce sont les journalistes d’Ouest-France basés sur l’île Beaulieu, à 2 kilomètres de là, qui s’en occupent », relève un lecteur habitué à Nantes.
Depuis le départ fracassant du rédac-chef de Presse-Océan Hervé Louboutin lors du rachat par Ouest-France, le premier titre, jadis numéro 1 en Loire-Atlantique et Vendée (abandonnée) a beaucoup décliné. Il avait lancé Le Nouvel Ouest pour le remplacer et s’était finalement replié dans la presse économique en Bretagne et Pays de la Loire.
« Presse-Océan est beaucoup plus menacé que le Courrier de l’Ouest et le Maine Libre », relève un proche du dossier. « Il est à la traîne et en fort déclin sur sa zone de diffusion alors que les deux autres sont restés prépondérants. Même du vivant de François-Régis Hutin Presse-Océan a déjà été beaucoup vidé de sa substance. Il ne reste qu’à l’achever ».