Première diffusion le 11/10/2018 — L’Observatoire du journalisme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 janvier 2019. Pendant cette période nous avons sélectionné pour les 26 articles de la rentrée qui nous ont semblé les plus pertinents. Bonne lecture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chollet, Président
« Histoires (avec un « s ») d’une nation » est une série documentaire en quatre épisodes lancée avec grand bruit sur nos écrans par France 2. La chaîne publique l’indique : « Les histoires d’une nation sont celles de toutes ces générations venues faire leur vie dans un nouveau pays, la France ». Quatre épisodes et un décryptage en cinq parties. Partie 1 : Histoires d’une nation, de quoi s’agit-il ?
France 2 a diffusé, à raison de deux épisodes par semaine (25 septembre 2018 puis 2 octobre 2018), la série documentaire Histoires d’une nation, composée de quatre épisodes en tout. France 2 insiste aussi sur la mise en place du replay, promouvant ce dernier de la même manière que le documentaire en direct et avec l’aide de toutes les chaînes publiques, à commencer par FranceinfoTV et radio qui diffuse automatiquement et massivement les replays. Une série annoncée comme un « événement » par le communiqué de presse de la chaîne promu sur francetvpro. Que racontent ces « histoires d’une nation » ? D’après France 2, « 150 ans de l’histoire de notre pays ». Autrement dit, l’histoire de ces « générations venues faire leur vie dans un nouveau pays » depuis 150 ans. La France est une nation, dixit France 2, depuis 150 ans, c’est-à-dire depuis la IIIe République et le développement d’une immigration d’abord européenne (belges, italiens, polonais). Un postulat de départ qui sera sans aucun doute contesté par l’université française (la France, une nation depuis seulement 150 ans ?) mais soutenu par la gauche culturelle et ses radicalismes, puisque d’une certaine manière un tel postulat correspond à la vision du monde des Indigènes de la République et du libéral libertarisme. Ce point fera l’objet du décryptage proposé par l’OJIM, épisode par épisode. Dans un premier temps, voyons de quoi il s’agit concrètement.
La série documentaire telle qu’annoncée par France 2 avant la diffusion
Près d’un mois avant sa diffusion, France 2 ameutait l’ensemble des rédactions au sujet d’une série « événement » qui raconterait l’histoire de la France en tant que nation, mais du point de vue des immigrés, supposés être « ceux qui ont fait la France ». Il s’agit, comme à la fin du 19e siècle puis à l’époque du Front populaire, d’aspirer le thème politique de la nation vers la gauche culturelle. Il s’agit aussi, c’est assumé, d’écrire l’histoire contemporaine autrement, d’écrire une histoire autre que celle des supposés « dominants » (terme en usage dans tous les amphithéâtres) en somme, autrement dit ceux qui se disent (France 2 conteste le point) Français de longue date. Si la nation France commence il y a seulement 150 ans, alors il n’y a pas de Français de « souche ». Une approche qui sera celle de l’épisode 1 de la série. 150 ans, c’est en gros autour de 1870. Pour ce documentaire, un « nouveau pays », la France, qui n’existait pas avant, serait né de la défaite de 1870. Et ce « nouveau pays » serait né par la grâce de l’immigration.
Le récit est conté par Roschdy Zem, comédien et réalisateur franco-marocain, donc de « ceux qui ont fait » ce « nouveau pays » qu’est la France, dont les compétences et l’expertise en matière historique pourraient être discutées . Ce ne sera pas le cas puisqu’en tant que descendant de migrants, le comédien est supposé avoir justement une expertise supérieure à toute autre personne, même diplômée en Histoire de la période et du sujet. C’est la rengaine ancienne : « d’où parles-tu ? ». La parole du migrant et de ses descendants sera ici unique parole légitime, le premier épisode l’indiquera, l’émotionnel individuel, la reconstruction personnelle et le petit bout de la lorgnette remplaçant ce grand angle qu’est théoriquement l’Histoire. La réécriture de l’histoire aux fins idéologiques contemporaines, avec Histoires d’une nation, est en marche, et cela ne s’était pas fait de façon aussi outrancièrement idéologique depuis les grands récits propagandistes du siècle passé. Ce qui est nouveau aussi : avec cette série documentaire diffusée à 21 heures, les immigrés ne font plus partie de la France, ils sont la France. La seule France. Leurs histoires ne sont pas des histoires parmi d’autres mais l’histoire même de la France. La France existe, France 2 l’a rencontrée : elle serait multiculturelle depuis son origine (en 1870). Autre nouveauté : exit la Révolution française, au commencement était le Verbe de la IIIe République.
Un communiqué de presse qui mérite d’être regardé de près
Dans son communiqué de presse, France 2, présente les choses ainsi : « France 2 mobilise son antenne autour de sa série documentaire événement de la rentrée : « Histoires d’une nation ». La France racontée par ceux pour qui être Français a été toute une histoire. »
Le résumé :
« Les « histoires d’une nation », ce sont celles de toutes ces générations venues faire leur vie dans un nouveau pays, la France. Elles nous racontent 150 ans de l’histoire de France, 150 ans qui ont conduit à ce qu’aujourd’hui, un quart de la population française trouve ses racines à l’extérieur du territoire.
De Michel Drucker à Camélia Jordana, de Ramzy à Estelle Mossely, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants d’Italiens, de Polonais, d’Arméniens, de Russes, d’Algériens, de Marocains, de Cambodgiens ou de Chinois, connus ou pas, nous racontent leurs histoires familiales.
Elles croisent le récit national qu’elles éclairent à la lumière de la manière dont la République les a accueillis et a redéfini les lois sur la nationalité.
Notre Histoires d’une nation commence quand la IIIe République, traumatisée par la défaite face aux Allemands et la guerre civile qui s’est ensuivie en 1871, décide de construire une véritable nation. Dans chaque village, dans chaque quartier, à l’école comme sous le drapeau, tout le monde doit se sentir Français.
Dans un pays qui est toujours allé chercher sa main d’œuvre et ses ressources au-delà des frontières et chez qui les hommes n’ont cessé de chercher refuge, cette idée simple peut unir autant qu’elle divise.
Histoires d’une nation jette un nouveau regard sur ce projet républicain et l’histoire de ses habitants, enfin complète. »
Les mots de la note d’intention :
Une note d’intention suit le résumé. Extraits choisis :
« Ce projet a pour objectif de raconter ces histoires de France en partant de ce qui est commun à toutes les vagues d’immigration depuis que celles-ci sont identifiées comme telles, c’est-à-dire – pour le résumer rapidement – depuis la fondation de l’idée de nationalité à l’avènement de la IIIe République. »
« il s’agit de faire comprendre un mouvement, une aventure, un enracinement, dans le cadre collectif du projet républicain qui voit le jour en 1870. Il existe de nombreux films qui ont raconté des histoires d’immigrés. La plupart se centre sur un lieu, une communauté. Rares sont ceux qui l’ont raconté à l’échelle de la France, avec l’envie de tisser tous ces récits ensemble pour éclairer la manière dont la République s’est efforcée de tenir « ses promesses », comment elle est restée fidèle ou non à son projet d’égalité, comment la nation se réinvente à chaque génération. »
Les auteurs et producteurs
Le documentaire a été réalisé par Yann Coquart, habitué d’Arte, Canal + et France Télévision. Le texte est écrit par Carl Aderhold, spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle, ancien directeur éditorial chez Larousse, puis fondateur des éditions Vendémiaire qu’il a quittées en 2014. Ils sont accompagnés de Françoise Davisse dont l’orientation politique ne souffre pas de discussion. La série est coproduite par France 2 et Point du Jour, située rue de Cronstadt, à Paris, dont le site s’ouvre sur des photographies très dans l’air du temps. Ses documentaires récents portent sur meetoo, mai 68, la guerre des six jours… À venir sous peu, « Imam, celui qui est devant » et « Le Ramadan en Europe ». Le directeur est Luc-Martin Gousset. Histoires d’une nation s’est fait avec « le soutien du fond d’images de la diversité », autrement dit du CNC.
Les objectifs de cet organisme interne au CNC : « Le Fonds Images de la diversité a pour objectif de soutenir la création et la diffusion des œuvres cinématographiques, audiovisuelles, multimédia ou de jeux vidéo contribuant à donner une représentation plus fidèle de la réalité française et de ses composantes et à écrire une histoire commune de l’ensemble de la population française autour des valeurs de la République, et favorisant l’émergence de nouvelles formes d’écritures et de nouveaux talents, issus notamment des quartiers prioritaires de la politique de la ville. »
Les aides sont destinées à ceux qui :
- Représentent l’ensemble des populations immigrées, issues de l’immigration et ultramarines qui composent la société française, et notamment celles qui résident dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
- Représentent les réalités actuelles, l’histoire et la mémoire, en France, des populations immigrées ou issues de l’immigration, ainsi que des populations ultramarines et des quartiers prioritaires de la politique de la ville situés en territoire urbain ;
- Concourent à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la politique d’intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à l’origine réelle ou supposée ;
- Contribuent à la reconnaissance et à la valorisation de l’histoire, du patrimoine et de la mémoire des quartiers de la politique de la ville.
La commission est composée de :
Président : M. Reda Kateb, acteur
1er collège
Vice-Président : Chad Chenouga, comédien, scénariste et réalisateur
Titulaires :
- Xiaoxing Cheng, réalisateur
- Alice Diop, réalisatrice
- Alexandre Gavras, producteur (KG Production)
- Isabella Pisani, directrice des achats et coproductions documentaires (LCP- AN)
- Mathilde Le Ricque, directrice de l’association Mille Visages
2ème collège
Vice-Présidente : France Zobda, productrice (Eloa Prod)
Titulaires :
- Pascal Blanchard, historien et documentariste
- Pierre Cattan,producteur (Studio Small Bang)
- Hakim Jemili, humoriste, auteur, comédien
- Olivier Wotling,directeur fiction (ARTE)
- Edouard Zambeaux, journaliste et réalisateur
Le caractère ethnique comme idéologique de cette commission n’échappera pas, avec par exemple la présence de Pascal Blanchard, militant du multiculturalisme sectaire, invité permanent du 28 minutes d’Arte, ou de la directrice de l’association Mille Visages, dont l’activisme militant et « racisé », bien que discret, commence à se voir, avec l’aide financière de la Mairie de Paris et de La France s’engage de l’ancien président François Hollande, une association productrice par exemple du film Divines, le film sans blancs. Là où il y a de la diversité, il y a de fait beaucoup beaucoup d’argent public. On se reportera à l’enquête menée par l’OJIM au sujet de Mehdi Meklat, une des anciennes stars de Mille Visages, un peu mis sous le boisseau depuis la polémique révélant son antisémitisme. Avec lui les quartiers promus justement par Mille Visages, le CNC et son fond d’images de la diversité. Sans oublier l’amicale complicité des nombreux amis médiatiques installés sur France Inter ou Canal +.
Avec le temps, cela ressemble à des activités en bande organisée, activités dont Histoires d’une nation est le dernier avatar, en forme de bombardement idéologique massif. L’accueil médiatique officiel a été dithyrambique, Télérama trouvant par exemple la série « formidable », lui attribuant ses fameux TTT, et louant « la France riche de sa diversité », tandis que FranceinfoTV consacrait un « instant détox » à la série, sur le thème « Est-ce que l’immigration apporte quelque chose à la France ? ». La réponse est dans la question, et dans le chapeau de l’article puisqu’une « personne sur quatre en France a un de ses grands-parents d’origine étrangère », soit 25 % des habitants, auquel il faudrait ajouter ceux qui sont actuellement de nationalité étrangère. Autant de données chiffrées qui étaient jusque-là attribuées à… la « fachosphère »… Histoires d’une nation n’est pas un documentaire, c’est une véritable offensive idéologique, à mettre en relation par exemple avec L’Histoire mondiale de la France, une offensive bénéficiant de toutes les officines de l’État (médias, éducation nationale, promotion de France TV éducation etc, subventions…) et de la majorité des médias libéraux culturels. Ainsi, le mardi 2 octobre 2018, en son « 3 minutes », par Dorothée Barba, France Inter indique que la série est « salutaire, à l’heure où les xénophobes prennent plus que jamais la lumière médiatique » et que « la nation se réinvente à chaque génération ». Il s’agit d’inventer une nouvelle France à travers l’invention d’un nouveau récit national. Cela passe par des images et des interprétations qui sont à décrypter épisode par épisode, ce à quoi l’OJIM va s’attacher dans les quatre prochains articles de cette série : un article de décryptage pour chaque épisode de soviétisation des esprits. Où l’on verra que même Le Monde a été choqué par les dérives idéologiques de la série, ce qui n’est pas peu dire.