Le 19 octobre 2018 nous vous annoncions que le Tchèque Daniel Kretinsky (déjà propriétaire en France de Marianne et Elle) confirmait son intention de reprendre tout ou partie des actions de Matthieu Pigasse au Monde. Maintenant c’est au tour du Figaro d’être inquiet après la disparition de Serge Dassault et des tensions entre héritiers entre eux, ainsi qu’avec les managers du groupe.
Le groupe Figaro, un journal mais pas seulement
Depuis le rachat du journal en 2004 par décision de Serge Dassault, le groupe éponyme s’est considérablement transformé en une plate-forme multimédias. La croissance externe a été vaste : rachats de Viadeo (réseau professionnel concurrent de LinkedIn) qui est venu compléter Figaro classified dans les recherches d’emploi, de la billetterie TickeTac.com, du groupe CCM Benchmark (régie internet), de Marco Vasco (agence de voyages de luxe). Mais aussi interne avec des investissements significatifs dans la vidéo.
Le groupe (source Lettre A du 31 octobre 2018) pèse maintenant plus de 550 millions d’euros avec un résultat dépassant les 30M€. Mieux, son poids digital en fait le leader incontesté des médias français avec près de 30 millions de visiteurs uniques sur le web (presque un français sur deux) et pas loin de 14 millions sur le mobile. Comme l’exprimait après le rachat de CCM Benchmark, Marc Feuillé directeur général du groupe, sur le Journal du Net en 2015, « les synergies sont d’abord publicitaires, les deux groupes vont pouvoir proposer aux annonceurs des offres intégrées, le numérique pèsera 34% des activités ». On pourrait ajouter : sans doute plus de la moitié des résultats.
Mais la mort de Serge Dassault rebat les cartes
Serge Dassault décédé en mai 2018 avait indiqué dans son testament que la présidence du groupe n’irait à aucun de ses enfants mais à son fidèle Charles Edelstenne entré dans le groupe en 1960 comme chef des services financiers. Edelstenne a été président des Avions Dassault et cumule la présidence de Dassault Systèmes (le fleuron du groupe) et maintenant du Figaro.
Mais Edelstenne n’avait pas caché son scepticisme lors du rachat du quotidien en 2004 et ne verrait sans doute pas d’un mauvais œil un délestage plus ou moins rapide. Bémol, la famille Dassault dispose d’un droit de véto. Olivier Dassault, député LR de l’Oise, qui s’est essayé au journalisme au groupe Valmonde (Valeurs Actuelles) est très opposé à toute vente. Ce qui ne veut pas dire qu’il donnerait la présidence à son frère Laurent qui l’a réclamé pour lui-même. Seulement Charles Edelstenne a déjà 80 ans, sa disparition entrainerait un changement dans l’équilibre des forces familiales, déséquilibre propice à toutes les recompositions autour d’un groupe profitable et influent.