Une nouvelle légende urbaine est née, celle des infox (les fake news anglo saxonnes). Elles permettent d’une part d’expliquer l’inexplicable (le Brexit, les élections de Trump ou d’Orban, les succès de Salvini en Italie), mais surtout de justifier toutes les censures à venir pour conjurer le retour de telles catastrophes. Pour formater le public rien de mieux que de le prendre au berceau via l’éducation aux médias. Le blog d’Hubert Guillaud, repris par Le Monde du 6 juin 2018 voulait répondre à la grave question : de quelle éducation aux médias avons-nous besoin ? Le décryptage est toujours d’actualité.
La référence américaine
À tout Seigneur tout honneur, une partie de la solution se trouve aux États-Unis via la chercheuse Danah Boyd. Le recours aux experts lointains permet toujours de donner une touche scientifique aux présupposés politiques.
Nous apprenons que « Danah Boyd « a un profond respect pour l’objectif de l’éducation aux médias », qui « vise à la fois à autonomiser les individus et à leur donner des outils pour créer une société démocratique ». Mais cette tâche, « l’éducation aux médias à l’heure de la post-vérité » rend la belle Danah nerveuse. Car les jeunes peuvent « faire les recherches par eux-mêmes et ils sauront mieux que quiconque ce qui est réel. Ce qui n’est pas sans poser problème » (sic).
D’ailleurs la société de Danah, Data and Society , a observé les « pratiques de recherches d’information de conservateurs américains » et surprise « les termes que l’on recherche ne sont pas neutres ». On doit en déduire par défaut que les termes de recherches des progressistes américains fleurent bon une douce neutralité. De plus ajoute-t-elle, beaucoup de gens ont appris à se méfier des médias et ainsi sont devenus enclins à ne pas faire confiance à Clinton.
Disparition du média de famille
Le médecin de famille a vécu, celui qui vous avait vu naître, suivi, et qui s’occupait ensuite de vos enfants. Et avec sa disparition, la confiance n’a pas survécu. Les nouveaux médecins n’ont pas le temps, sont trop chers et trop compliqués. Au même moment les patients peuvent s’informer sur internet. Il en est de même pour les médias regrette Danah. Les gens n’ont plus confiance dans les médias. Alors que 95% des quotidiens américains soutenaient Clinton, ils ont quand même voté Trump, obtenant des informations via les réseaux sociaux.
Fake news : le triomphe de la polarisation
Résultat : après l’élection de Trump, Danah « estime qu’en tant que défenseur de l’éducation aux médias, elle a raté son objectif. « Mes croyances et hypothèses ne s’alignent pas avec celles de la plupart des Américains ». Que faire ? « L’éducation aux médias n’existe pas vraiment dans les écoles explique-t-elle. On n’en trouve qu’une version dégradée invitant les élèves à distinguer CNN de Fox News ». Sous entendu, CNN = Bien, Fox = Mal. Car « pour une progressiste comme elle », il faut repenser l’éducation aux médias. Par exemple « comprendre comment les communautés conservatrices comprenaient les propos contradictoires du président américain ». Pour les remettre dans le bon camp.
Mais il y a pire, Russia Today (improprement appelé Russian Today) a réussi à faire douter certains américains de bonne foi du comportement irréprochable de leur pays « Et de rappeler que les militants progressistes eux-mêmes, notamment, se demandent parfois si le gouvernement américain est responsable du terrorisme dans d’autres pays ». Les liens des États-Unis avec l’Arabie saoudite ont dû échapper à la rédactrice de l’étude, on ne saurait tout savoir.
La liberté d’expression et d’information en question
« Nous vivons dans un monde où nous assimilons la liberté de parole au droit d’être amplifié. Mais est-ce que tout le monde a le droit d’être amplifié ? ». La réponse implicite (naïve) est claire : tous sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres. Certains doivent être amplifiés, d’autres mis en sourdine, d’autres enfin réduits au silence. Car
« La plupart des gens croient que les gens qu’ils connaissent sont crédules à de fausses informations, mais qu’ils sont eux-mêmes équipés pour séparer le bon grain de l’ivraie. Nous pensons tous être capables de vérifier l’information et d’être autonomes, mais ce n’est pas le cas. » Prenez les jeunes par exemple, « Beaucoup de gens, en particulier les jeunes … veulent poser des questions inconfortables, interroger les hypothèses et interroger les évidences qu’on leur assène…Mais, il y a des questions qu’il est inacceptable de poser en public (comme à l’école) ». Eureka ! Si une question est inacceptable en public selon Sainte Danah, elle ne devra pas être posée du tout. Les risques de dérapage existent, car les « communautés sont devenues glissantes », et « il est nécessaire de développer des anticorps pour aider les gens à ne pas être trompés…L’empathie est une émotion puissante que la plupart des éducateurs encouragent. Mais comment résister lorsque vous commencez à sympathiser avec des personnes ou des visions du monde toxiques ».
Une vision médicale des médias
Les mots sont prononcés clairement: certaines visions du monde (conservatrices) sont toxiques. Les innocents (inéduqués, ceux que Clinton appelait « Les déplorables ») doivent fabriquer des anticorps, mais ils sont incapables de les produire eux-mêmes. Qui les fabriquera ? Les dames patronnesses comme Danah Boyd, aidés par les diacres du Monde , de CNN et du Washington Post.
Même si dans la fin de l’article Danah et ses servants reconnaissent ne pas avoir de solution toute faite et immédiatement opérationnelle, le ton est donné. Le public ne DOIT PLUS s’informer directement, il DOIT passer par un filtre, celui des nouveaux médias de famille qui sauront lui donner accès à la bonne information, celle où jamais, jamais, les États-Unis ne pourront être soupçonnés de complicité de terrorisme. Celle à travers laquelle jamais, jamais, Trump, Orban ou Salvini ne pourraient parvenir au pouvoir. Amen.
L’article complet : internetactu.blog.lemonde.fr