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George Soros et la société ouverte. Première partie

28 décembre 2018

Temps de lecture : 9 minutes
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George Soros et la société ouverte. Première partie

Temps de lecture : 9 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 08/11/2018 — L’Observatoire du jour­nal­isme (Ojim) se met au régime de Noël jusqu’au 5 jan­vi­er 2019. Pen­dant cette péri­ode nous avons sélec­tion­né pour les 26 arti­cles de la ren­trée qui nous ont sem­blé les plus per­ti­nents. Bonne lec­ture, n’oubliez pas le petit cochon de l’Ojim pour nous soutenir et bonnes fêtes à tous. Claude Chol­let, Président

Nous avons souvent évoqué à l’Observatoire l’activité multiforme de George Soros dans les médias et comme un des intervenants majeurs dans une politique d’influence globale libérale libertaire. Le premier livre en français consacré à Soros vient de paraître aux éditions Le Retour aux sources, sous la signature de Pierre-Antoine Plaquevent. Avec l’autorisation de l’éditeur, nous en publions les bonnes feuilles sur quatre articles. Le premier analyse l’origine des fonds de George Soros, la spéculation contre les monnaies. Certains intertitres sont de notre rédaction.

George Soros, prédateur de la finance internationale

C’est réelle­ment dans les années 90 que George Soros va se ren­dre célèbre auprès du grand pub­lic par son action bour­sière la plus reten­tis­sante : l’attaque con­tre la banque d’Angleterre en sep­tem­bre 1992 lors du célèbre « mer­cre­di noir » ; jour qu’il appellera quant à lui « mer­cre­di blanc ». Une attaque finan­cière au cours de laque­lle il empochera 1,1 mil­liard de dol­lars en 24 heures grâce à une opéra­tion menée con­tre la livre ster­ling. Spécu­lant sur le fait que la Banque d’An­gleterre ne pour­rait relever ses taux pour pro­téger la livre et la main­tenir dans le Sys­tème moné­taire européen, Soros com­mença à ven­dre mas­sive­ment la devise :

« Après avoir ven­du des quan­tités impres­sion­nantes de livres ster­ling pour les racheter moins cher après, Soros et son équipe ramas­saient une mise supérieure à un mil­liard de dol­lars ! Un record. Ce fut, selon les ter­mes de Nor­man Lam­ont, le min­istre des finances bri­tan­niques de l’époque, « le casi­no le plus déli­rant de l’Histoire ». Pen­dant cette nuit de folie, un témoin a racon­té que Georges Soros était « en proie à une intense exal­ta­tion ». Il n’arrêtait pas de dire à ses équipes : « Vendez, vendez, il faut con­tin­uer à ven­dre. » (1)

« Il trai­ta au télé­phone avec son adjoint Druck­en­miller pour 10 mil­liards de dol­lars. Quand la livre sor­tit du SME avec une baisse de 14 % face au mark, il gagna 1 mil­liard, tan­dis que Kovn­er, un autre hedge fund, gagna 300 mil­lions de dol­lars. Les 8 prin­ci­pales ban­ques améri­caines empochèrent 800 mil­lions. » (2)

Soros qui avait observé atten­tive­ment les ten­dances poli­tiques et économiques en Europe, prédit que Lon­dres aug­menterait ses taux d’intérêt afin de défendre la livre mais qu’elle fini­rait par être déval­uée. Il appelle en ren­fort cer­taines des plus grandes ban­ques améri­caines dans la pré­pa­ra­tion de cette opéra­tion d’ampleur, la curée se prépare :

« À la fin du pre­mier semes­tre 1992, il bâtit une stratégie d’investissement. Elle repose sur une ligne de crédit de 15 mil­liards de dol­lars que Quan­tum se voit accorder en con­trepar­tie d’une garantie de 1 mil­liard de dol­lars, c’est ce que l’on appelle un effet de levi­er. Il ral­lie aus­si à sa cause d’autres fonds d’investissement (Cax­ton Corp, Jones Invest­ment…) et des grandes ban­ques améri­caines (JP Mor­gan, Chase Man­hat­tan, Bank of Amer­i­ca), les per­suadant que la livre sor­ti­rait bien­tôt du Sys­tème moné­taire européen. » (3)

(…)

Après l’Angleterre, l’Italie

C’est à la même époque et avec une méthodolo­gie sim­i­laire, que George Soros s’attaquera ensuite à la lire ital­i­enne. Entre l’été et l’au­tomne 1992, la Banque d’I­tal­ie pul­véris­era ain­si une par­tie de ses réserves à hau­teur de 48 mil­liards de dol­lars « dans une défense inutile du taux de change, com­mandée par le chef du gou­verne­ment Giu­liano Ama­to et le min­istre Piero Baruc­ci. » (4)

Encore aujour­d’hui la perte réelle subie par la Banque d’I­tal­ie reste un mys­tère. Les jour­naux transalpins ont avancé des chiffres colos­saux et un gain pour le spécu­la­teur George Soros de plus d’un mil­liard de dol­lars. Soros com­mentera froide­ment cette séquence, démon­trant par là ce que recou­vre sa pré­ten­due phil­an­thropie : « L’at­taque spécu­la­tive con­tre la lire était une opéra­tion finan­cière légitime. Je m’é­tais basé sur les déc­la­ra­tions de la Bun­des­bank, qui dis­ait que la banque alle­mande ne sou­tiendrait pas la mon­naie ital­i­enne. Il suff­i­sait de savoir les lire. Les spécu­la­teurs font leur tra­vail, ils n’ont pas de fautes à se reprocher. Celles-ci, si elles exis­tent, sont celles des lég­is­la­teurs qui per­me­t­tent à ces spécu­la­tions d’avoir lieu. Les spécu­la­teurs ne sont que les mes­sagers des mau­vais­es nou­velles ». (5)

Puis le yen et le franc français

L’année suiv­ante, en 1993, le fond Quan­tum atta­que­ra tour à tour le yen et le franc. « Je ne spécule pas con­tre le franc », clame alors George Soros dans une inter­view au Figaro« je ne veux pas être accusé de détru­ire le sys­tème moné­taire européen ». Pré­con­isant une déval­u­a­tion de « seule­ment 3,6 % » du franc pour sor­tir la France de son cou­plage avec la Bun­des­bank, il encour­agera de fait l’action des spécu­la­teurs. Il met­tra alors en échec Édouard Bal­ladur qui avait basé sa poli­tique économique sur un franc fort, une baisse des taux et la maîtrise des déficits publics. George Soros déclara ouverte­ment sur TF1 le 31 juil­let 1993 : « le franc est tombé. Si votre gou­verne­ment ne le com­prend pas, les marchés vont le forcer à le faire. » Le Nou­v­el Écon­o­miste titrait alors : « Qui veut la mort de l’Europe ? ». Une ques­tion tou­jours trag­ique­ment d’actualité. (…)

C’est finale­ment en 1992 que George Soros devien­dra l’homme le mieux payé de Wall Street avec 650 mil­lions de dol­lars accu­mulé en 12 mois. En 1993 ses biens per­son­nels attein­dront cette fois 1,1 mil­liard de dol­lars. C’est la plus grande quan­tité d’argent gag­née en une année à Wall Street à l’époque. Dès lors sa for­tune ne fera qu’augmenter, pas­sant de 7,2 mil­liards de dol­lars entre 2004 et 2006, à 24,9 mil­liards pour l’année 2016 selon le classe­ment Forbes. (6)

Fin 2017 il trans­met­tra 18 mil­liards d’eu­ros de sa for­tune per­son­nelle vers l’Open Soci­ety Foun­da­tions. (7) (…)

Un réseau de réseaux entremêlés

Comme nous l’avons déjà exposé, la plu­part de ses biographes offi­ciels et Georges Soros lui-même nous présen­tent sa for­tune démesurée comme le résul­tat d’un tra­jet per­son­nel : celui d’un homme qui se serait qua­si­ment con­stru­it tout seul face à l’adversité. Il aime ain­si à se présen­ter comme un out­sider qui serait arrivé par la seule force de son tra­vail et de son intel­li­gence à attein­dre les som­mets de la haute finance inter­na­tionale. Mais une for­tune aus­si grande serait impens­able sans être impliqué est implan­té dans tout un ensem­ble de réseaux et de clubs par­mi les plus influ­ents de la planète. Comme par exem­ple le célèbre Coun­cil on For­eign Rela­tions (CFR) dont il est l’un des mem­bres influ­ents. Le CFR est un think tank améri­cain qui rassem­ble depuis 1921 les per­son­nes les plus impor­tantes du milieu des affaires, de l’é­conomie et de la poli­tique améri­caine. Il est l’un des organes offi­cieux où s’élabore la poli­tique étrangère de l’empire améri­cain depuis les années 20. (8)

L’étrange groupe Carlyle

En tant que mem­bre du CFR, George Soros sera à l’origine de la créa­tion en Europe de l’Euro­pean Coun­cil of For­eign Rela­tions dont nous repar­lerons plus loin. George Soros fait aus­si par­tie de l’Inter­na­tion­al Cri­sis Group (ICG), créé par un autre mem­bre du Coun­cil on For­eign Rela­tions : Mor­ton Abramowitz, ancien prési­dent de la Fon­da­tion Carnegie. Mais surtout George Soros fait par­tie des investis­seurs du groupe Car­lyle, un groupe qui pèse à lui seul 188 mil­liards de dol­lars, con­sti­tu­ant ain­si le pre­mier groupe d’investissement privé de la planète. L’École de Guerre Economique – EGE — a pub­lié en France plusieurs études très doc­u­men­tées sur ce groupe tentaculaire :

« Le groupe Car­lyle est un fond d’investissements qui lève des cap­i­taux auprès des insti­tu­tions finan­cières et des for­tunes privées. A par­tir de son siège situé à Wash­ing­ton DC, le groupe gère plus de 535 investis­seurs dans 55 pays. Par­mi les 535 investis­seurs on trou­vait il y a peu la famille Ben Laden (Saou­di Bin­laden Group). (…) Avec treize mil­liards de dol­lars d’actifs en ges­tion, des par­tic­i­pa­tions dans 164 sociétés employ­ant plus de 70 000 per­son­nes à tra­vers le monde, et 16 mil­liards de revenus par an : le Car­lyle Group est, de son pro­pre aveu, le pre­mier groupe d’investissement privé de la planète. De fait, 450 insti­tu­tions lui font con­fi­ance, et non des moin­dres : ban­ques d’affaires inter­na­tionales, com­pag­nies d’assurance, for­tunes privées des émi­rats pétroliers, fonds de pen­sion publics et privés » (9)

Le jour­nal le Monde avait pub­lié le 30 avril 2004 un long arti­cle sur le groupe Carlyle :

« La col­lec­tion de per­son­nages influ­ents qui tra­vail­lent, ont tra­vail­lé ou ont investi dans le groupe ferait l’incrédulité des adeptes les plus con­va­in­cus de la théorie du com­plot. On y retrou­ve entre autres : John Major, ancien pre­mier min­istre bri­tan­nique, Fidel Ramos, ancien prési­dent philip­pin, Park Tae Joon, ancien pre­mier min­istre de la Corée du Sud, le prince saou­di­en Al-Walid, Col­in Pow­ell,  actuel secré­taire d’Etat, James Bak­er III, ancien secré­taire d’Etat, Cas­par Wein­berg­er, ancien secré­taire à la défense, Richard Dar­man, ancien directeur du bud­get à la Mai­son Blanche, le mil­liar­daire George Soros et même des mem­bres de la famille Ben Laden. On peut ajouter à cette liste Alice Albright, la fille de Madeleine Albright, anci­enne secré­taire d’Etat, Arthur Lewitt, ancien prési­dent de la SEC (le gen­darme de Wall Street), William Ken­nard ex-patron de l’autorité des télé­com­mu­ni­ca­tions (FCC). Enfin, il faut ajouter, par­mi les Européens, Karl Otto Pöhl, ancien prési­dent de la Bun­des­bank, feu Hen­ri Martre, qui a été prési­dent de l’Aerospatiale, et Eti­enne Davi­gnon, ancien prési­dent de la Générale de Bel­gique »(10)

On pour­rait encore ajouter dans ses mem­bres : George Bush père et fils ou Olivi­er Sarkozy et David Ruben­stein, co-fon­da­teur du groupe Car­lyle et co-prési­dent de la Brook­ings Insti­tu­tion, par­tic­i­pant de la réu­nion du groupe Bilder­berg de 2017 et 155 ème for­tune du classe­ment Forbes. La Brook­ings Insti­tu­tion est classée quant à elle par l’influente revue For­eign Pol­i­cy, comme le pre­mier think tank améri­cain en 2009. Son précé­dent prési­dent, Strobe Tal­bott, fut min­istre adjoint des Affaires étrangères de Bill Clin­ton. (11) (…)

Notes

(1) « L’incroyable his­toire de George Soros, mil­liar­daire, spécu­la­teur et mécène. » Anne-Marie Rocco
(2) lesechos.fr/03/08/2009/lesechos.fr/300367269_saul-eisenberg–l‑ami-israelien-des-chinois.htm
(3) valeursactuelles.com/economie/1992-george-soros-fait-chuter-la-livre-29737
(4) Cor­riere Del­la Sera — Lune­di 27 gen­naio 1997
(5) Cor­riere Del­la Sera — Lune­di 27 gen­naio 1997
(6) ibillionaire.me
(7) francais.rt.com et fortune.com
(8) cfr.org
(9) carlyle.com, infoguerre.fr/fichiers/carlyle_group.pdf, voltairenet.org
(10) libertesinternets.wordpress.com
(11) foreignpolicy.com

Soros et la société ouverte, Le Retour aux sources éd. octo­bre 2018, 366p, 25 €. Site de l’édi­teur : leretourauxsources.com

Crédit pho­to : Hein­rich-Böll-Stiftung via Flickr (cc)

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