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Technikart, la queue de la comète bobos de gauche ?

7 janvier 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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Technikart, la queue de la comète bobos de gauche ?

Temps de lecture : 5 minutes

Le numéro de novembre 2018 de Technikart propose une (jolie) femme blonde dénudée, arborant le drapeau français, sur les épaules, modèle des « Facho-bohèmes ». De quoi avoir été aperçu de loin dans les kiosques des gares. L’OJIM s’est demandé si l’intérieur du magazine présentait autant de joliesse que sa couverture.

Tech­nikart est un vieux mag­a­zine qui autre­fois avait l’air jeune et branché, un peu comme les Inrocks. Tech­nikart a été fondé en 1991 comme mag­a­zine « socio cul­turel » se voulant obser­va­teur et ana­lyste des modes de la société, avec un ton rebelle, décalé etc. Un mag­a­zine de gauche bour­geois bohème clas­sique. Le jour­nal a eu une vie agitée, se déploy­ant sur divers sup­ports, lançant des mag­a­zines asso­ciés, étant par­tie prenante de tel groupe avant de le quit­ter, ten­tant des per­cées en Amérique ou en Chine mais aus­si subis­sant les foudres de lecteurs abon­nés ne le rece­vant pas. Tou­jours presque mort et tou­jours vivant, Tech­nikart a con­nu plusieurs retours, La Nou­velle République titrait ain­si en 2014 : « Après les cen­dres, la renais­sance ». Le men­su­el dis­ait-on était fauché, men­acé par des huissiers, ne ver­sait pas ses salaires… Il est cepen­dant repar­ti en avant sous la direc­tion de Lau­rence Rémi­la, tou­jours au manettes. Ce dernier (Lau­rence est un homme) dis­ait, lors de sa prise de fonc­tion en 2014, tou­jours dans La Nou­velle République, vouloir lut­ter con­tre la ten­dance de la presse à ne pas traiter du fond tout en con­ser­vant un côté « à rebrousse-poil ». Qua­tre ans plus tard en novem­bre 2018, avec une femme dénudée légère­ment vêtue du dra­peau bleu blanc rouge et ce titre « Facho-bohèmes : faut-il avoir peur de l’ultra droite en bas­ket », il est dif­fi­cile d’être con­va­in­cus (en plus la jeune femme porte des converses).

Facho-Bohèmes ? Qui ? Quoi ?

De qui et de quoi par­le donc Tech­nikart, mag­a­zine qui se veut tou­jours « décalé » mal­gré son rachat en 2016 par le groupe Ateo Finance ? De son petit monde clos très parisien branché, ce même ADN qui avait déclenché une rapi­de polémique en 2012 quand le men­su­el avait réal­isé une « enquête » dans la Creuse, par­lant de « ploucs », « con­san­guins », « viocs et bovins en surnom­bre ». Autant de mots qui écrits sur une ban­de­role de sup­port­ers du Paris SG au sujet de gens du Nord sont tout de suite taxés d’ultra droite. En novem­bre, Tech­nikart voit des « facho-bohèmes » partout. Char­lotte d’Ornellas par exem­ple qui illus­tr­erait « le côté sexy et bobo d’une droite plus dure que jamais ». Il y aurait gros dan­ger car « la ligne entre la fachos­phère et la bobosphère n’a jamais été aus­si ténue… ».

Citer le début du reportage vaut son pesant de jour­nal­isme très parisien :

« Espèce de Fa-bo ! » « Fas­ciste-bohème toi-même ! » « Je ne suis pas pro-Mar­i­on, mais… ». La scène se déroule en ter­rasse, une fin de soirée un peu arrosée à Saint-Ger­main-des-Prés. Un groupe d’amis – le genre qui préfère oubli­er les heures les plus som­bres de notre his­toire récente (l’arrivée au pou­voir du prési­dent Macron) – délire sur l’actu du moment… « Mais où va le monde ?! Si on ne peut même plus louer un ven­tre de Philip­pine tran­quille­ment… » D’autres blagues suiv­ront, pas tou­jours du meilleur goût. Et très rapi­de­ment, je me rends à l’évidence. On a beau en par­ler en rigolant, être entre lecteurs de Libé et des Inrocks (le vote le plus extrémiste de l’assemblée ayant été pour Mélen­chon en 2017 – et unique­ment au pre­mier tour, hein), la récente et déli­rante droiti­sa­tion du pays sem­ble avoir déteint sur cha­cun d’entre nous… suis-je con­damné à voir le nom­bre de mes amis « facho-bohèmes » – un bobo en glisse­ment pro­gres­sif vers les idées d’extrême-droite – explos­er ? Une anec­dote, inimag­in­able il y a quelques années. Fin sep­tem­bre, Michel Houelle­becq se mari­ait en petit comité. Au dîn­er de noces qui suit la céré­monie, chez Lapérouse, une table est réservée aux amis jour­nal­istes. À sa grande sur­prise, Nel­ly Kaprièlian, la red­outée cri­tique livres des Inrocks, se retrou­ve placée à côté de la jeune garde d’un autre mag, l’ultradroitier Valeurs actuelles (un heb­do moyen­nement fan de Chris­tine and the queens). Se plaint-elle de la présence de ses enne­mis idéologiques ? Déguer­pit-elle sur le champ ? Du tout. Une fois les présen­ta­tions faites, Nel­ly et son com­pagnon passeront le dîn­er à dis­cuter, très cour­toise­ment, avec leurs con­frères Geof­froy Leje­une et Char­lotte d’Ornellas. »

Ils sont donc partout ?

Ce qui inquiète Tech­nikart ? Que la jeunesse bobo parisi­enne se mette à trou­ver des qual­ités sur tel ou tel sujet à Zem­mour ou à Mar­i­on Maréchal. Pourquoi ? Le mag­a­zine ne s’interroge pas sur des caus­es qui pour­raient être socié­tales ou poli­tiques, voire con­crètes et ayant trait à la vie des gens, non, la rai­son est toute autre : s’ils ont de l’influence sur les jeunes de gauche, ceux qui seraient, d’après Tech­nikart trop à droite, eh bien, c’est parce qu’ils passent trop dans les médias. « On les entend trop », en somme. Pas de doute, Tech­nikart est quant à lui tou­jours un média de gauche : les idées d’autrui « n’ont jamais autant été médi­atisées », enten­du « trop ». Char­lotte d’Ornellas, Ober­tone, Jacques de Guille­bon, Zem­mour mais aus­si L’Incorrect sont trop présents. Le mag­a­zine, par­lant de « dom­i­na­tion cul­turelle » des « facho-bohèmes », inter­roge Bruno Jeudy, lequel se demande « si nous avons là l’avant-garde de l’arrivée au pou­voir d’une Le Pen ou pas ». Et pour Dominique Reynié, c’est « l’ultra droite des idées qui don­nera le La à la prochaine prési­den­tielle ». Tout cela vis­erait à pré­par­er la prise de pou­voir future de Mar­i­on Maréchal, quelque chose comme une con­quête des « élites parisi­ennes » par les idées, et avec l’aide, entre autres de la « pas­sion­ar­ia », « l’égérie de la généra­tion iden­ti­taire », Char­lotte d’Ornellas et de l’ISSEP, l’Institut lyon­nais de Mar­i­on Maréchal. Les « mini Mau­r­ras » seraient « en ter­rasse » et au ser­vice de Mar­i­on, « tout ça pour ça ? », des gens « vague­ment pen­sant ».

Le mag­a­zine sem­ble crain­dre ce qu’il appelle l’ultra droite (sans jamais expli­quer ce que c’est) et une « alliance entre droite et extrême droite », sans jamais non plus définir ce dernier terme. Cama­rades encore un effort !

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