C’est un joli scoop du 25 janvier 2019 de l’hebdomadaire Marianne : la vieille Huma (qui n’est plus depuis longtemps le « journal de Jaurès » de 1904, chère Célia, mais celui du PCF depuis 1920) ne pourra pas assurer les salaires de janvier.
Pertes sur pertes
Dès 2016, le directeur de la publication (également député européen, on se demande comment il peut remplir ces deux missions) Patrick Le Hyaric sonnait le clairon sur un mode alarmant : une collecte auprès des lecteurs en 2015 venait de récolter par souscription entre deux et trois millions d’euros, bouchant partiellement un trou estimé à 5/6M€, soit cinquante centimes par exemplaire diffusé. Notre article du 9 avril 2016 est ici. Rebelote quelques mois plus tard et nouvel appel aux lecteurs.
Subventions sur subventions
Ce ne sont pas pourtant les aides qui ont manqué au quotidien communiste. En 2013, l’État abandonne purement et simplement une créance de 4M€ comme nous le relations dans notre article du 10 décembre 2013 :
« L’amendement voté par les députés mardi dernier 3 décembre, a décidé, en quelques minutes, que « les créances détenues sur la Société nouvelle du journal L’Humanité au titre du prêt accordé le 28 mars 2002, réaménagé en 2009 et imputé sur le compte de prêts du Trésor n° 903‑05, sont abandonnées à hauteur de 4 086 710,31 euros en capital. Les intérêts contractuels courus et échus sont également abandonnés. » Il estime que L’Humanité « ne peut faire face au remboursement de sa dette contractée auprès de l’État (…) parce que ses résultats financiers sont très faibles et qu’elle ne possède plus d’actifs ».
Pour Patrick Le Hyaric, président du directoire et directeur de L’Humanité, « il s’agit d’un des trois prêts que nous avons contractés en 2001–2002 quand nous étions proches de la cessation de paiement. Nous avons remboursé les deux premiers mais nous étions dans l’incapacité de rembourser le troisième »…
Nous constations « On peut s’interroger sur la nécessité pour l’État, et donc pour le contribuable, d’éponger la dette d’un journal dont la diffusion et les abonnements ne cessent de chuter (sur un an, la diffusion France payée a baissé de 7 %, à 41.623 exemplaires) et dont les pertes sont importantes : 1,9 million en 2011, 200 000 euros en 2012 et sans doute plus cette année, pour un chiffre d’affaires de près de 30 millions.
Selon un rapport de la Cour des comptes, L’Humanité a été le titre le plus subventionné par l’État (0,48 euro par exemplaire vendu à 1,40 euro, soit 32 % du prix), entre 2009 et 2011, touchant 6,8 millions d’euros par an en moyenne. Vous pouvez consulter toutes les subventions accordées par l’État au journal (mise à jour juillet 2016) sur notre infographie ».
Encore en 2016, le quotidien recevait plus de 3,6M€ d’aides directes, voir notre tableau du 2 janvier 2018.
Des effectifs pléthoriques et un lectorat vieillissant
Malgré l’aide de Google en 2016 et une nouvelle aide du même projetée pour 2019 afin d’aider à la réalisation d’Humagora, le futur support digital du journal, ni les finances ni les lecteurs ne suivent.
Au fil des ans la rédaction devient composite, avec de jeunes (et parfois brillants) journalistes se retrouvent de vieux militants communistes recasés en période de disette électorale. Pas loin de 180 salariés, plus de 120 cartes de presse pour un public communiste qui disparaît sur le plan politique pour ne plus constituer qu’un souvenir du passé. On trouve encore parfois sur les marchés de vieux militants qui proposent le journal le dimanche, mais le sauvetage viendra d’ailleurs. Gageons que les trous seront de nouveau bouchés via Google ou l’État via des abandons massifs de créances et des subventions exceptionnelles. En attendant, les salaires de janvier 2019 seront assurés par le régime de garantie des salaires avant un redressement judiciaire qui permettra sans doute une poursuite (poussive) de l’activité.
PS : Rions un peu. Le samedi 26 janvier vers 7h40, le journaliste de service sur France Inter parle pudiquement au sujet du quotidien communiste de « mise sous la protection du tribunal de Bobigny ». On ne doit pas apprendre dans certaines écoles de journalisme le terme redressement judiciaire, ou bien s’agit il d’un euphémisme confraternel…