Les aides à la presse constituent un maquis presque inextricable : TVA à 2,1%, tarifs postaux, aides au portage, aides au pluralisme, fonds stratégique de développement etc… Benjamin Dormann, dans son indispensable Ils ont acheté la presse (Jean Picollec éd.), les évaluait à plus de deux milliards d’euros en 2013. La Lettre A du 29 janvier 2019 fait un point sur les principaux bénéficiaires de 2012 à 2017.
Dassault, Arnault et Niel/Pigasse en tête
Bien entendu ce ne sont pas feu Serge Dassault ou Bernard Arnault ou le couple médias Xavier Niel/Mathieu Pigasse qui ont empoché les aides sur ces six années, ce sont les médias qu’ils contrôlent.
- Médaille d’or : Le Figaro (68,1 M€)
- Médaille d’argent : Le Parisien/Aujourd’hui en France (64,7 M€)
- Médaille de bronze : Le Monde (64,5 M€)
Un premier accessit pour Ouest-France (49 M€), un deuxième pour Libération (47 M€), un troisième pour Bayard/La Croix (43 M€), un dernier pour L’Humanité (30 M€). Ces trente millions d’euros n’auront pas suffi au quotidien communiste qui est en redressement judiciaire.
En 2017 Bernard Arnault rafle la mise
Pour la dernière année connue (2017), le groupe médias de Bernard Arnault empoche 13,7 M€ devant Sipa/Ouest France (8,9 M€), le groupe Crédit Mutuel et ses neuf titres régionaux (6,5 M€), Le Figaro (6,2 M€), le groupe SFR médias dont nous vous parlions récemment (Libération/ L’Express, 6,1 M€), Le Monde (6 M€) et L’Opinion (2,3 M€).
L’Opinion, journal des grandes fortunes
Le quotidien économique représente un cas à part. Financé de manière particulièrement opaque par de grandes fortunes (Arnault encore lui, famille Bettencourt, famille Bich, Claude Perdriel) et de grandes entreprises (Newscorp, Galeries Lafayette) ses ventes restent très marginales par rapport aux Échos. La société éditrice vient de lever en 2018 2,6 M€ auprès de ses actionnaires. Mieux, le quotidien dirigé par Nicolas Beytout annonce une nouvelle augmentation de capital de 10 M€. Une augmentation qui voit la montée au capital de Rupert Murdoch et de ses alliés. Au total, le journal aura levé près de 25 M€ pour une diffusion sans doute marginale mais qui permet à ses actionnaires de disposer d’une voix dans le concert médiatique.
Une posture finalement peu différente des entrepreneurs qui dominent les médias. Leur investissement dans les médias ne représente qu’une part très minime de leur activité globale. Abondamment subventionnés, ils peuvent se permettre des pertes qui souvent remontent dans les holdings et diminuent ainsi l’impôt sur les sociétés. Un mécanisme déjà étudié par Jean Stern dans son ouvrage Les patrons de la presse nationale (La fabrique éd.). Comme disait ma grand-mère on ne prête qu’aux riches.