France Télévisions a annoncé un grand projet de rupture conventionnelle collective – le groupe espère ainsi rayer de la carte 10% de ses effectifs avec 1000 suppressions de postes sur la base du volontariat d’ici 2022 – 2000 départs et 1000 embauches. Il s’agit de participer aussi à l’effort d’économie (400 millions d’euros) demandé par l’État. Une occasion pour Delphine Ernotte d’ouvrir la chasse au « mâle blanc de plus de 50 ans » comme elle le déclarait à Europe 1 en septembre 2015.
Chèques de départ
Le groupe avait déjà réduit ses effectifs de 700 postes depuis 2012 et annoncé précédemment la suppression de 180 postes. Quatre syndicats (CGT, CFDT, FO et SNJ) se sont opposés à l’accord en l’état, le SNJ le qualifiant même de « double chantage ». Le syndicat dénonce notamment un plan au rabais par rapport au plan de départs volontaires de 2014 (400 postes) et des promesses non tenues.
Ainsi la direction fait miroiter jusqu’à 160.000 € de chèque : « dans la limite de 17 mois de salaire pour 42 ans d’ancienneté d’entreprise. Un plafond accessible à quelques cadres dirigeants, plafond incitatif moins juteux que les 240 000 € de la vague précédente » (détail des indemnités) Par ailleurs le SNJ dénonce la volonté de la rédaction d’imposer la polyvalence aux journalistes, qui seraient aussi reporters d’images (JRI) et monteurs.
« En agitant l’appât de la prime au départ pour les plus anciens et l’appât d’un CDI potentiel pour les précaires réguliers, la direction exerce un double chantage sur tous les autres salariés. », dénonce le syndicat, qui affirme aussi que l’accord collectif du 28 mai 2013 sur les RTT et l’ancienneté sera remis en cause par la suite.
FO défavorable
FO de son côté considère que « les salariés en capacité de partir à la retraite sont favorisés et ciblés dans ce plan de recomposition des effectifs, leurs indemnités sont doublées par rapport à un départ à la retraite conventionnelle…. Ces indemnités sont très nettement inférieures à ce qui est proposé dans notre convention collective ».
Par ailleurs, le syndicat considère aussi que « le projet proposé actuellement [de rupture conventionnelle collective] risque fort de se faire retoquer par le Direction du Travail … Et craint les « conséquences de cette RCC notamment sur les territoires. Nous craignons un déséquilibre des bassins d’emplois. Des services pourraient être entièrement décimés ».
Inversion de la pyramide des âges ?
Pour ce qui est de la division entre générations, la direction de France Télévisions a en effet imprudemment avancé la thèse de « l’inversion de la pyramide des âges » puisque à France Télévisions, les moins de 30 ans… représenteraient 3% des effectifs seulement. L’on savait déjà que la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte était fâchée (voir supra) avec les « mâles blancs de plus de cinquante ans » qui cumulent les divers défauts d’être souvent bien installés dans l’entreprise, solidaires, syndiqués – ou alors très grassement payés, voire tout cela en même temps, et peu enclins à exécuter les quatre volontés de la cheffe. Et blancs par dessus le marché.
La CGT de son côté a dénoncé avec vigueur « une redoutable ingénierie anti sociale : 1000 suppressions de postes à raison d’1 remplacement pour 2 départs d’ici 2022, ce sont 2000 départs programmés de seniors, près du quart des effectifs permanents de l’entreprise ! Delphine Ernotte, qui a perdu la bataille du financement de FTV, pense-t-elle réellement faire payer la facture aux salariés ?… A moins qu’il ne s’agisse d’accélérer la réduction du périmètre de l’entreprise ? ». Le syndicat a annoncé le 15 janvier qu’il quittait la négociation sur ce plan de départs et a demandé son retrait comme préalable pour revenir aux négociations.
Et selon certains, les départs volontaires ne le seraient pas tant que ça. La CGC-Médias affirme ainsi qu’au « service des Sports, circule une liste noire d’une demi-douzaine de noms, tous des seniors confirmés…pas des volontaires bien entendu mais des collaborateurs sur lesquels la pression va aller grandissante pour qu’ils se tirent ».
Bâton et carotte
Là où il y a le bâton, il y a aussi la carotte : toujours selon la CGC-Médias, les salariés qui voulaient partir, mais étaient refroidis par la petitesse du chèque proposé « ont eu droit à une nouvelle offre proche de deux fois la précédente… une négo à la tête du client en quelque sorte ». Il se trouve que le temps presse : la direction a fixé le délai de fin de négociation au… 15 mars 2019.
La direction a aussi lancé un recensement des CDD réguliers (CDD de droit commun, pigistes, intermittents du spectacle), afin de les prioriser sur les postes créés. Il s’agit des « des intermittents, cachetiers, pigistes ayant effectué 120 jours travaillés sur chacune des 3 années 2015 à 2017 ou 500 travaillés sur la période 2013/2017 en ayant travaillé au cours du second semestre 2017 ; les CDD de droit commun ayant effectué 210 jours payés sur chacune des 3 années 2015 à 2017 ou 900 jours payés sur la période 2013/2017 en ayant travaillé au cours du second trimestre 2017 ; tous les collaborateurs pouvant attester de plus de 1000 jours payés avec France Télévisions au 1er septembre 2018 et ayant travaillé avec France Télévisions au cours du 1er semestre 2018 ».
Cependant FO, considéré comme plus proche de la direction actuelle, indique que tous les salariés concernés n’ont pas reçu ce courrier. « Malgré nos demandes d’explications et nos relances, ni les DRH locales, ni la direction générale n’apportent de réponses cohérentes. Y aurait-il eu une sélection parmi les CDD ? ». A suivre.