Dans la masse et la mode des médias visant à décoder l’actualité afin de lutter, dit-on, contre les rumeurs, et souvent plutôt contre les pensées différentes, les principaux médias n’oublient pas la jeunesse. C’est ainsi que France Télévisions se propose de décoder l’actualité pour nos adolescents.
Le media s’intitule Décod’actu et est hébergé sur la plateforme de France.tv éducation dédiée aux lycées et aux collèges. L’OJIM s’est déjà intéressé à France.tv éducation, faisant ressortir l’uniformité bobo-idéologique de la plateforme dite éducative. Dans le cas de Décod’actu, l’objectif est de fournir une information rapide et officialisée aux lycéens et aux collégiens, mais aussi au corps professoral censé pouvoir utiliser les documentaires proposés en classe.
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Il y a un peu tous les sujets et tous les domaines, de « la montée des eaux » à « l’agriculture urbaine », en passant par « la mer, avenir de la planète » ou des documentaires sur le sida, la cyberguerre, les migrations… Si l’on met de côté le fait que de très nombreux documentaires abordent le thème de l’écologie, nombre de sujets traités le sont sans présupposés particuliers. Reste qu’il s’agit clairement d’une préoccupation à la mode. Objectivité ? Il n’en va pas de même de tous les documentaires, loin de là, d’autant que le principe est théoriquement de coller à l’actualité. Trois exemples récents.
Nucléaire, le point de vue de Greenpeace
« Nucléaire par ici la sortie ! » : le titre dit assez la tonalité choisie. La France est le pays le plus nucléarisé par habitant au monde. Pour la majorité des Français, il s’agirait, selon un sondage, d’une technologie à risques, dont les déchets ne sont pas aisément recyclables, et les centrales sont susceptibles d’être touchée par un attentat.
Décod’Actu s’appuie uniquement sur les données de Greenpeace. Pouvons-nous sortir du nucléaire ? C’est possible pour 2050, en France, par un mixte d’électricité 100 % renouvelable. Le documentaire donne ensuite les solutions. Ce qui est étrange ? Ce n’est ni une analyse de l’actualité ni un cours mais un documentaire de propagande pour le non nucléaire. Ce peut être une chose positive, tout dépend des opinions et c’est justement ici que le bât blesse : il n’est vraiment aucun argument en faveur du nucléaire ? Aucune réponse de ce côté.
Les gaulois, déconstruction historique et méli-mêlo
« Nos ancêtres étaient-il gaulois ? » : bien entendu, le fait de poser ainsi la question induit la réponse « À l’heure où un groupe politique comme Les Républicains (apparition d’un dessin de Wauquiez à l’écran brandissant une pancarte et disant « défendons nos valeurs, réapproprions-nous notre histoire ») réfléchit à une « Charte des peuples européens réaffirmant l’identité et les racines judéo-chrétiennes de l’Europe », il est peut-être temps de dépoussiérer certains mythes, notamment celui de nos origines… pas si gauloises que ça. », est-il dit pour démarrer.
Puis, le commentaire évacue ainsi la réalité civilisationnelle des celtes : « Pour commencer, le terme « gaulois » était employé par Jules César en 50 avant J.-C. pour qualifier toutes les tribus qui menaçaient le nord de la péninsule italienne. Pourtant, ces peuples présents sur les territoires conquis étaient tous différents ! On y trouvait des Ambiens, des Helvètes, des Pictes et beaucoup d’autres tribus celtes. Rien à voir, donc, avec un peuple uni. » Nos ancêtres les gaulois ? Il s’agirait uniquement d’un mythe patriotique forgé au 19e siècle. Surgit alors le véritable objectif de ce documentaire qui affirme clairement des opinions politiques : « Que fait-on alors de toutes les vagues successives d’immigration ? Afin de combler les pénuries de main‑d’œuvre, l’immigration, d’abord frontalière à la fin du XIXe siècle, s’est ensuite diversifiée, notamment parce que la France faisait venir de ses colonies des vagues de travailleurs. Une partie de nos ancêtres est certes issue des peuples de Gaule, mais aussi des Francs, des Vikings, des Marocains, des Sénégalais, des Espagnols, des Italiens, des Polonais, des Arméniens, ou encore des Portugais.
Si certains en sont persuadés, l’idée d’une « origine unique du Français » n’a pas vraiment de sens. Il n’existe pas d’ancêtre singulier puisqu’hier, comme aujourd’hui, l’histoire montre et démontre que l’humain et ses conquêtes, souvent sanglantes, n’ont eu de cesse de brasser les gênes, les peuples et les cultures. L’humanité est une et ses origines multiples. La France n’échappe pas à ce constat. » Ce n’est pas réellement le sujet mais… au moins c’est clairement du formatage de conscience.
Avortement et Simone de Beauvoir
« Menaces sur le droit à l’avortement » : Le titre induit la réponse. Le documentaire fait d’abord le point sur ce « droit », indiquant que 40 % des femmes vivent encore dans des pays où elles ne l’ont pas, sans cependant questionner l’idée que ce soit un droit. C’est donc une évidence de départ, un présupposé et une opinion qui peut être défendable mais bénéficierait d’être soumise à contradiction. L’objectif de ce démarrage ainsi que du tour d’horizon géographique qui suit est de conduire à cette affirmation : « Les croyances et coutumes religieuses sont souvent les principales raisons de cette animosité envers l’IVG. Certains considèrent le fœtus comme un être humain à part entière, doté d’une âme ou d’une conscience. Pour eux, l’avortement est un meurtre. Pourtant, la science n’est pas de cet avis puisqu’une étude du Royal College of obstetricians & Gynaecologists sortie en 2010 conclut que le cerveau d’un fœtus n’est pas formé avant 24 semaines. Il ne ressent donc pas la douleur et ne manifeste aucun signe de conscience. A ce stade, il n’est donc pas considéré comme un être humain. » Là aussi, c’est une opinion.
La question est donc : pourquoi une autre conception des choses n’est-elle pas exprimée auprès des lycéens et des collégiens ? L’auteur du documentaire, Sarah el Makhzoumi, connaît bien la leçon : « Manifestations « pro-vie » en France et ailleurs, tentative de restrictions légales de ce droit en Espagne en 2013, en Pologne en 2016, ou encore aux Etats-Unis quelques semaines après l’élection de Donald Trump, le droit à l’avortement est sans cesse remis en cause. Comme l’a dit la romancière et féministe Simone de Beauvoir « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis ».
Dans l’ensemble, le média qui décode l’actualité à destination des adolescents répercute le politiquement en vigueur sur tous les sujets. De ce fait, la vraie question est : quid de l’esprit critique, base de l’éducation selon ces Lumières dont l’école se revendique aujourd’hui ? La réponse se trouve dans ce programme « éducatif ».