Le 6 février 2019, comme en 2018, l’association Conspiracy Watch et la Fondation Jean Jaurès, marqués à gauche, publiaient leur seconde enquête consacrée au conspirationnisme. Globalement les enseignements sont les mêmes que l’année précédente. Par contre, il est intéressant d’écouter comment un média tel que RMC en rend compte.
Les principaux enseignements de cette nouvelle enquête méritent que l’on s’y arrête un instant, bien qu’étant quasiment identiques à ceux de 2017/2018. Pourquoi ? Ces éléments sont repris tels quels, sans esprit critique par les médias évoquant l’enquête les 6 et 7 février 2019, à commencer par Le Figaro ou RMC par exemple. Quasiment ? Le mot est important : le thème dominant de l’enquête est que « Les Français sont toujours aussi sensibles aux théories du complot ».
Première partie de notre dossier
Un regard différent ?
L’enquête n’interroge pas du tout le rapport que les jeunes ont à ces théories, parfois, ou souvent, avant tout ludique… mais comme les enquêtes ne se penchent pas sur ce critère…
Elle n’interroge pas plus le profil de ces jeunes : désœuvrés ? Dans une famille déjà sensibilisée au complotisme ? Etc. Les deux témoins filmés par BFM/RMC le 6 février, jeunes étudiants, s’amusent à l’évidence des questions et de leurs propres réponses, un peu comme nombre de jeunes envoient un demandeur à l’opposé de l’endroit recherché, pour s’amuser, quand quelqu’un leur demande sa route. La jeunesse est taquine.
Culture vidéo et jeux
De plus, nul, dans la sphère médiatique officielle, ne semble tenir compte de faits précis qui permettraient d’éclairer ce genre d’enquête avec un autre œil, si l’on ose dire.
Exemples :
- les théories du complot ne sont pas uniquement des faits politiques mais aussi, et souvent de façon dominante, en particulier chez les jeunes, des faits de culture : jeux vidéo, séries télévisées, films de cinéma, livres.
- en miroir, c’est du fait d’une certaine inculture, laquelle concerne toutes les « mauvais genres » de la culture, que certains analystes pensent les théories du complot et fourbissent leurs analyses. Le critère de la subculture, ou plutôt le fait de distinguer ce qui ressort de la subculture et ce qui ressort de la théorie complotiste manque. Ainsi, que des jeunes passionnés par la série, pour eux vintage, X‑Files, miment de croire que des extraterrestres contrôlent le monde et que le commissaire européen Juncker aurait fait un jour référence à cela lors d’une de ses interventions publiques tient-il de la croyance en une théorie ou de l’amusement lié à cette subculture ?
Les complots imaginaires peuvent cacher des complots réels
Quoi de neuf sous le soleil, en réalité ? Outre qu’il est de notoriété publique que l’histoire du monde n’a pas été exempte de complots, que l’on demande à Jules César ou à Bonaparte, que l’on pense au Watergate ou aux fumeuses armes de destruction massives présentées à l’ONU par la première puissance du monde, certaines des théories sont à ce point liées à la subculture qu’elles l’étaient déjà il y a 50 ans.
Il en va ainsi de l’influence supposée des extraterrestres sur le cours de notre monde, des OVNIS ou de la Terre Creuse dans laquelle des nazis se seraient réfugiés en 1945… Tout cela produit de l’imaginaire et du ludique, que l’on pense à Indiana Jones, lesquels sont par nature le lieu où navigue le plus la jeunesse. D’autres l’étaient déjà durant la Révolution française, ainsi le prétendu groupe des illuminati.
Notons que ce dernier irrigue le cinéma (Da Vinci Code), les jeux vidéo (Assassin’s creed), la littérature… Dans les années 1970, la revue Planète fondée par Jacques Bergier et Louis Pauwels dans la foulée de l’incroyable succès de leur best-seller Le matin des magiciens, livre promoteur de la notion d’ésotérisme nazi, et donc d’agissement « en-dessous de la réalité apparente », toujours disponible en format poche chez Gallimard, ce qui n’est pas anodin, développait absolument tous les thèmes que l’on trouve actuellement dans les théories du complot, à l’exception de celles nées depuis, par exemple autour du 11 septembre 2001 ou du terrorisme.
Les complots imaginaires sont de bonnes affaires commerciales
Ainsi, un des éléments entièrement oublié par les médias officiels est que l’essentiel des théories qui nourrissent les théories du complot sont promues par la culture mainstream, dans ses réseaux, en premier lieu à des fins commerciales, de libraires en grande surface en passant par les médiathèques, les éditeurs ou les sites de vente en ligne. C’est ainsi que sur RMC, dans Bourdin direct, l’on s’inquiète de la diffusion de ces théories tandis qu’à d’autres moments de la journée certaines, en particulier celles liées aux extraterrestres ou aux pouvoirs supposés surnaturels des Égyptiens, sont diffusées par RMC découverte.
Ceux qui critiquent la confusion des esprits seraient-ils de fait des esprits confus.
Les théories du Complot ? À quoi servent-elles alors ? A faire du bénéfice pour certains ? Et a discréditer certains autres ?