Première diffusion le 13/02/2019
Fondé par Glenn Greenwald, l’un des principaux protagonistes de l’affaire Snowden, The Intercept est un site d’information qui se situe très nettement à la gauche du Parti Démocrate, dans la mouvance de Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez. A ce titre, il s’oppose aussi bien au Parti Républicain qu’aux néo-conservateurs très présents au sein des médias qui ont soutenu la candidature d’Hillary Clinton.
Sous la plume de Greenwald, The Intercept a publié plusieurs articles démontant de manière argumentée les théories du complot russe qui apparaissent régulièrement dans les médias dits « mainstream ». En voici un florilège particulièrement significatif :
1) La chaîne russe Russia Today a piraté la chaine parlementaire CSPAN
Le 12 juin 2017, le magazine Fortune annonçait que la chaîne russe était parvenue à pirater la chaîne CSPAN et à émettre pendant plusieurs minutes sur le réseau à la place des émissions habituelles. Cette information a immédiatement été reprise par le New York Magazine.
Peu de temps après, la Direction de CSPAN dément avoir été piratée et précise qu’un de ses techniciens avait par inadvertance capté le flux de RT (« an internal routing error »).
2) Des hackers russes piratent le réseau électrique du Vermont
Le 30 décembre 2016, le Washington Post déclare que des hackers russes, les Grizzli de la Steppe, ont pénétré un des réseaux électriques dans la ville de Burlington, dans le Vermont en Nouvelle Angleterre, pour priver de chauffage les habitants de cet état pendant l’hiver.
Les chaînes de télévision ne sont pas en reste : ABC y voit la main malveillante du voyou Poutine (“One of the world’s leading thugs, [Putin] has been attempting to hack our electric grid ») tandis que CNN renchérit de son côté : « Russain malware targets Vermont utility »
Le Washington Post est contraint de se rétracter deux jours plus tôt, après que la compagnie d’électricité ait annoncé que seul un portable était infecté et que celui-ci n’était pas relié au réseau.
3) Le Kremlin aurait créé plus de 200 sites sur les réseaux sociaux pour diffuser sa propagande
Le 24 novembre 2016, le Washington Post annonce avoir mis au jour plus de 200 sites secrètement opérés par le Kremlin pour répandre sa propagande à destination des électeurs américains.
A l’examen, il s’agissait d’une collection de sites républicains (The Drudge Report), de la gauche hostiles à Hilary Clinton (comme Truthout, Black Agenda Report) ou libertariens. Les animateurs de ces sites étaient bien connus, comme le député républicain libertarien Ron Paul. Le Washington Post ne s’est pas rétracté.
4) Un proche de Donald Trump lié un fonds d’investissement russe
Le 22 juin 2017, CNN annonce qu’Antony Scaramucci, l’un des principaux membres de l’équipe de transition de Donald Trump et futur Directeur de la Communication de la Maison Banche, a dirigé le fonds d’investissement russe Russia Direct Investment Fund.
Le 23 juin, la chaîne a publié un communiqué reconnaissant le caractère mensonger de ces affirmations et présentant ses excuses à l’intéressé. Les trois journalistes responsables ont été licenciés pour manquement aux standards éthiques de la chaîne.
5) L’ambassade américaine à Cuba cible d’attaques russes aux infrasons
Le 11 septembre 2017, NBC News et CNBC révèlent que 26 membres de l’ambassade américaine à La Havane ont été victimes d’attaques aux infrasons provoquant des désordres psychiques. (« US officials suspect Russia in sonic attacks on diplomats in Cuba and China »)
L’enquête a révélé que le son incriminé provenait très certainement du chant d’un cricket, l’anurogyrllus cerelenictus.
6) Donald Trump communiquait avec les Russes à l’aide d’un serveur informatique secret
Le 31 octobre 2016, le magazine en ligne Slate dévoile que la campagne de Donald Trump reçoit des informations (voire des instructions ?) par le biais d’un lien menant au serveur de la banque russe Alpha Bank
Le 2 novembre, Slate reconnaît que la banque russe a pu être destinataire d’un mailing commercial de masse de la Trump Organisation (« More likely, the Trump server was sending marketing material »)
7) L’homme des Russes au sein de la campagne Trump derrière les informations de Wikileaks ?
Le 27 novembre 2018, le quotidien anglais Guardian révèle que Paul Manafort, soupçonné par le procureur Mueller (parce qu’il a conseillé l’ancien président ukrainien Ianoukovitch) de collusion avec la Russie, s’est introduit secrètement dans l’ambassade de l’Equateur à Londres pour y rencontrer à trois occasions (en 2013, 2015 et début 2016) Julian Assange, le fondateur de Wikileaks. Voir notre dernier article sur Assange LA https://www.ojim.fr/julian-assange-les-etats-unis-veulent-sa-mort/ .
Non seulement cette information a été formellement démentie par l’ambassade en question, mais le Guardian n’a jamais été en mesure d’apporter la moindre preuve de ses assertions et les caméras de vidéosurveillance de la police londonienne ne portent aucune trace d’une telle visite.
8) Trump aurait utilisé son avocat comme intermédiaire auprès des Russes
Le 27 juillet 2018, CNN annonce que Donal Trump avait été informé par avance d’une rencontre à la Trump Tower de son ancien avocat Michael Cohen avec des représentants russes qui affirmaient détenir des informations compromettantes à propos d’Hillary Clinton et avait donc approuvée cette visite. En effet, Cohen l’aurait avoué au procureur R Mueller.
Le lendemain, le bureau du Procureur Mueller démentait que Cohen ait fait une telle déposition.
9) Trump aurait demandé à son avocat de mentir à propos de ses projets immobiliers en Russie
Le 18 janvier 2019, le site d’information Buzzfeed affirme que, selon des mails et des témoignages en possession du procureur Mueller, Donald Trump aurait demandé à son ancien avocat Michel Cohen de mentir lors de son témoignage devant le Congrès à propos de projets d’implantation d’un hôtel de la Trump Organisation en Russie.
L’information de Buzzfeed a été démentie par le bureau du procureur Mueller dès le 19 janvier 2019.
10) Le fils de Donald Trump aurait été informé par avance du contenu des archives diffusées par Wikileaks
Le 9 décembre 2017, CNN affirme que Donald Trump Junior aurait reçu par avance le contenu des documents de la campagne d’Hillary Clinton, probablement piratés par des hackers russes et diffusés ensuite par Wikileaks. Ceci établirait qu’il était complice de ce piratage et liés aux hackers russes.
Il apparait que Donald Trump Jr a bien reçu un mail l’informant que Wikileaks avait publié ces documents, mais après que ceux-ci aient été mis en ligne, si bien que tout le monde était au courant.
CNN et MSNBC ont retiré toutes les vidéos qu’elles avaient publiées sur ce sujet, et demandé à YouTube d’en faire autant.
On ne peut que s’interroger sur la rapidité avec laquelle ces informations ont été publiées, sans aucune vérification, alors qu’elles ont le plus souvent été démenties dans les jours qui ont suivi, voire le lendemain même. Ceci témoigne d’une dégradation des standards éthiques d’une partie non négligeable de la profession. Une explication possible ? Une grande partie de la presse américaine cède à des réflexes pavloviens de démonisation de l’adversaire et s’enferre dans des théories complotistes pour expliquer le revers électoral qu’ont subi les Démocrates en novembre 2016.