Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Alba Ventura, Virginie Le Guay : des journalistes de plus en plus agressifs et manipulateurs ?

26 mars 2019

Temps de lecture : 7 minutes
Accueil | Veille médias | Alba Ventura, Virginie Le Guay : des journalistes de plus en plus agressifs et manipulateurs ?

Alba Ventura, Virginie Le Guay : des journalistes de plus en plus agressifs et manipulateurs ?

Temps de lecture : 7 minutes

Il règne une drôle d’ambiance dans les studios de radio et sur les plateaux de télévision. L’agressivité des journalistes semblant être de plus en plus à l’ordre du jour. Le récent clash entre Nicolas Dupont-Aignan, Patrick Cohen et tout le plateau sur France 5 en est l’exemple récent le plus visible. Il est cependant loin d’être le seul. Deux cas d’espèce.

Out­re l’unanimité des idées entre jour­nal­istes et édi­to­ri­al­istes sur France 5, lors de l’émission qui a vu Patrick Cohen mimer de quit­ter le plateau, avant de se ravis­er devant le sou­tien tout aus­si unanime de ses cama­rades, il est frap­pant de voir com­bi­en la pro­fes­sion paraît ne plus du tout tenir compte de la plus logique tolérance, laque­lle est pour­tant une ver­tu citoyenne en France, en même temps que la moin­dre des politesses vis-à-vis d’une per­son­ne que l’on invite. C’est ce qui sem­ble dis­paraître. Les pré­ten­dus tolérants devi­en­nent l’intolérance même, refu­sant l’expression libre d’opinions dif­férentes. Exem­ples récents.

Quand Brunet invite Étienne Chouard, c’est Virgine Le Guay qui mord

Le 14 mars 2019, Brunet rece­vait Éti­enne Chouard dans Radio Brunet entre 13 h et 14 h sur RMC. Le début de l’émission est calme, Eric Brunet don­nant la parole à Chouard afin qu’il exprime ses idées poli­tiques. Chouard sou­tient les gilets jaunes, du moins ceux qui n’appartiennent pas aux casseurs. Brunet le laisse par­ler, sauf quand Chouard cri­tique la démoc­ra­tie représen­ta­tive. Une fois l’introduction passée et Chouard en con­fi­ance, Brunet met la pre­mière couche, ce pourquoi il patien­tait depuis plusieurs min­utes : la grande idée de Chouard, le RIC, n’intéresserait pas vrai­ment les gilets jaunes. La sec­onde couche vient peut après : pourquoi diantre vous con­sid­ère-t-on comme d’extrême droite et « com­plo­tiste ». Là, il s’agit de démon­tr­er à par­tir d’un mot obus qui assas­sine par nature la per­son­ne qui en est accusé. Brunet y va fort : « Soral vous aime bien ». Chouard n’en revient pas. « Vous revendiquez une ami­tié avec Meyssan », ordon­na­teur en chef des com­plo­tistes. Brunet veut que ce soit dit : Chouard = com­plo­tiste, entre autres.

À l’évidence, Brunet n’a rien suivi de ce que fait Chouard. Celui-ci indique qu’il est impor­tant de con­fron­ter des idées, de réfléchir, de par­ler, de voir où l’on se trompe. Il défend la tolérance et la lib­erté d’opinion, pré­cisant qu’une opin­ion cela change et n’est pas une essence, n’est pas inscrite dans la nature d’un homme. Ses inter­locu­teurs écoutent à peine. Tout est joué d’avance, mais le pire est à venir et ce pire est jour­nal­iste poli­tique de Paris-Match, Vir­ginie Le Guay, hargneuse. Le ton mérite vrai­ment d’être écouté, à par­tir de la 15e minute. Toutes les ques­tions sont ensuite à charge, et pas seule­ment. La jour­nal­iste de Paris-Match ne par­le pas comme une jour­nal­iste, au mieux comme une édi­to­ri­al­iste ou comme une invitée, ce qui n’est pas le cas. Elle est là comme jour­nal­iste. Pour­tant, sa visée n’a d’autre objet que de con­tester à Chouard toute défense : l’homme serait com­plo­tiste, d’extrême droite etc. Pour elle, les sites sur inter­net, les infor­ma­tions qui cir­cu­lent, n’ont pas « le même poids que les infor­ma­tions des jour­nal­istes » et ces sites appar­ti­en­nent à des « lob­bies », et il faudrait se « forg­er sa pro­pre opin­ion ».

Il ne lui vient pas à l’idée que la presse française est accusée de cela juste­ment, de forg­er l’opinion des gens, de la manip­uler. Pourquoi ? Chouard ose le dire : les « con­ner­ies », comme dit Brunet, sont aus­si dites chez les jour­nal­istes et chez les élus. Le Guay trépigne et pète un câble. Chouard demande des avis divers et des con­tro­ver­s­es, des opin­ions éclairées : c’est cela que Le Guay ne com­prend pas. Pour elle, hors de son opin­ion et de l’opinion dom­i­nante, il n’y a pas de lumière. Chouard n’arrête pas de refuser d’imposer un sens à deux inter­locu­teurs qui n’arrêtent pas juste­ment… d’imposer un sens. Le Guay se fâche et revient à Meyssan, son objec­tif étant de mon­tr­er que Chouard serait com­plo­tiste quant au 11 sep­tem­bre. Son erreur, à ce pau­vre Chouard : ne pas faire son aut­o­cri­tique en direct. Vir­ginie Le Guay est, ce jour-là, un pro­cureur de type par­ti com­mu­niste d’autrefois, avec une seule solu­tion pour sur­vivre : que Chouard admette les ver­sions offi­cielles. Ce dernier insiste : « je n’ai par­lé qu’une fois dans ma vie du 11 sep­tem­bre ». Une chose amu­sante sur cette ques­tion est que la suite du 11 sep­tem­bre a entraîné une guerre qui fut fondée sur de… fauss­es preuves, elles-mêmes pro­duites par un gou­verne­ment et relayées par toute la presse mon­di­ale, dont Paris-Match. Sans compter par exem­ple les charniers de Timisoara un peu plus tôt, où l’arrêt des risques nucléaires à la fron­tière de l’est de la France etc. Il n’y a plus de jour­nal­istes mais seule­ment des accusa­teurs, des pro­cureurs, sur le plateau.

Quand Alba Ventura entre en campagne européenne

La ques­tion est ain­si de dénon­cer la pré­ten­due façon dont tout opposant au pou­voir actuel surferait sur des thès­es com­plo­tistes, serait en lien avec des gens « louch­es », aurait des opin­ions fondées sur des infox ou pré­ten­dues telles. Et cela se fait de façon vio­lente sur le plan tonal, madame Le Guay en est une démon­stra­tion. Alba Ven­tu­ra aus­si. Lors de son édi­to­r­i­al poli­tique du ven­dre­di 15 mars, la jour­nal­iste de RTL prend Marine Le Pen dans son viseur. Il est 7 h 18. Ouver­ture de l’éditorial par une ques­tion d’Yves Calvi : « Invitée hier soir de l’émission poli­tique, Marine Le Pen a été prise plusieurs fois en fla­grant délit de fake news. A ce stade, c’est une tac­tique Alba ? ». Réponse : « exacte­ment ». En clair :

  • « Marine dit SA vérité »
  • « On n’a pas le droit de surfer sur de tels mensonges »
  • « C’est une col­lec­tion de fake news »
  • « Il arrive que Marine Le Pen parte d’une vérité et la déforme »

Il serait intéres­sant qu’Alba Ven­tu­ra ne se con­cen­tre pas unique­ment sur les per­son­nal­ités poli­tiques avec lesquelles elle est vis­cérale­ment en désac­cord. Elle pour­rait par exem­ple s’intéresser aux mul­ti­ples fake news répétées à satiété depuis 30 ans par les courants qui lui cor­re­spon­dent mieux, ain­si l’idée dite et red­ite sans cesse entre 1981 et 2007 selon laque­lle l’immigration n’avait pas aug­men­té en France depuis 1974, ou cette autre affir­ma­tion inces­sante selon laque­lle la crois­sance économique créait des emplois. Cer­tains emploient encore cette infox au quo­ti­di­en, de même que d’autres indiquent que le ruis­selle­ment des richess­es est por­teur d’égalité socié­tale. Comme d’autres dis­aient, peut-être même Alba Ven­tu­ra (?), en 2013, que le Mariage pour tous n’ouvrirait pas le droit à la PMA et à la GPA (l’affirmer alors con­dui­sait à être accusé de pronon­cer une fake news). Durant la chronique, Calvi opine du chef et est heureux de ce qu’il entend. Ce serait « un piège » pour les jour­nal­istes : pos­er une ques­tion à ces hommes poli­tiques ferait d’eux « un adver­saire »

Autrement dit, là aus­si, comme pour Brunet, comme pour Cohen, pas de respon­s­abil­ité dans leur sit­u­a­tion chez les jour­nal­istes, juste des com­plo­tistes dan­gereux qui, face à eux, men­ac­eraient une démoc­ra­tie dont ils seraient des garants. Ils parais­sent réelle­ment ne plus se ren­dre compte qu’ils ne « posent pas de ques­tions », con­traire­ment à ce qu’ils pré­ten­dent, mais qu’ils utilisent leurs prérog­a­tives pour manip­uler leurs inter­locu­teurs et assén­er des vérités offi­cielles. Les leurs.

Pourtant…

Ah… un détail tout de même… Alba Ven­tu­ra fait la moitié de sa chronique sur l’une des « fake news » de Marine Le Pen : le fait que le par­ti de Macron à l’échelle européenne, l’ALDE, serait financé par Bay­er-Mon­san­to, fab­ri­cant du glyphosate. Ven­tu­ra l’affirme c’est faux. L’œil du 20 heures de France 2 dit pour­tant le con­traire : les amis de Macron perçoivent bien plusieurs cen­taines de mil­liers d’euros, ce que recon­naît pré­cisé­ment Stéphane Sejourne, directeur de cam­pagne LREM pour les européennes. Il n’y a donc pas d’infox. Sauf… de la part d’Alba Ven­tu­ra : affirmer que Marine Le Pen ment sur ce point est propager une fake news, sur laque­lle évidem­ment la jour­nal­iste ne revien­dra pas les jours suiv­ants. Elle aura ain­si dit… SA vérité, défor­mé la vérité, sur­fé sur une fausse infor­ma­tion. Décidé­ment… la cam­pagne des européennes est lancée et les médias sont en ordre de marche. Tous les coups jour­nal­is­tiques sont per­mis sem­blent-ils con­tre ceux qui ne sup­por­t­ent plus les castes de privilégiés.

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés