Il règne une drôle d’ambiance dans les studios de radio et sur les plateaux de télévision. L’agressivité des journalistes semblant être de plus en plus à l’ordre du jour. Le récent clash entre Nicolas Dupont-Aignan, Patrick Cohen et tout le plateau sur France 5 en est l’exemple récent le plus visible. Il est cependant loin d’être le seul. Deux cas d’espèce.
Outre l’unanimité des idées entre journalistes et éditorialistes sur France 5, lors de l’émission qui a vu Patrick Cohen mimer de quitter le plateau, avant de se raviser devant le soutien tout aussi unanime de ses camarades, il est frappant de voir combien la profession paraît ne plus du tout tenir compte de la plus logique tolérance, laquelle est pourtant une vertu citoyenne en France, en même temps que la moindre des politesses vis-à-vis d’une personne que l’on invite. C’est ce qui semble disparaître. Les prétendus tolérants deviennent l’intolérance même, refusant l’expression libre d’opinions différentes. Exemples récents.
Quand Brunet invite Étienne Chouard, c’est Virgine Le Guay qui mord
Le 14 mars 2019, Brunet recevait Étienne Chouard dans Radio Brunet entre 13 h et 14 h sur RMC. Le début de l’émission est calme, Eric Brunet donnant la parole à Chouard afin qu’il exprime ses idées politiques. Chouard soutient les gilets jaunes, du moins ceux qui n’appartiennent pas aux casseurs. Brunet le laisse parler, sauf quand Chouard critique la démocratie représentative. Une fois l’introduction passée et Chouard en confiance, Brunet met la première couche, ce pourquoi il patientait depuis plusieurs minutes : la grande idée de Chouard, le RIC, n’intéresserait pas vraiment les gilets jaunes. La seconde couche vient peut après : pourquoi diantre vous considère-t-on comme d’extrême droite et « complotiste ». Là, il s’agit de démontrer à partir d’un mot obus qui assassine par nature la personne qui en est accusé. Brunet y va fort : « Soral vous aime bien ». Chouard n’en revient pas. « Vous revendiquez une amitié avec Meyssan », ordonnateur en chef des complotistes. Brunet veut que ce soit dit : Chouard = complotiste, entre autres.
À l’évidence, Brunet n’a rien suivi de ce que fait Chouard. Celui-ci indique qu’il est important de confronter des idées, de réfléchir, de parler, de voir où l’on se trompe. Il défend la tolérance et la liberté d’opinion, précisant qu’une opinion cela change et n’est pas une essence, n’est pas inscrite dans la nature d’un homme. Ses interlocuteurs écoutent à peine. Tout est joué d’avance, mais le pire est à venir et ce pire est journaliste politique de Paris-Match, Virginie Le Guay, hargneuse. Le ton mérite vraiment d’être écouté, à partir de la 15e minute. Toutes les questions sont ensuite à charge, et pas seulement. La journaliste de Paris-Match ne parle pas comme une journaliste, au mieux comme une éditorialiste ou comme une invitée, ce qui n’est pas le cas. Elle est là comme journaliste. Pourtant, sa visée n’a d’autre objet que de contester à Chouard toute défense : l’homme serait complotiste, d’extrême droite etc. Pour elle, les sites sur internet, les informations qui circulent, n’ont pas « le même poids que les informations des journalistes » et ces sites appartiennent à des « lobbies », et il faudrait se « forger sa propre opinion ».
Il ne lui vient pas à l’idée que la presse française est accusée de cela justement, de forger l’opinion des gens, de la manipuler. Pourquoi ? Chouard ose le dire : les « conneries », comme dit Brunet, sont aussi dites chez les journalistes et chez les élus. Le Guay trépigne et pète un câble. Chouard demande des avis divers et des controverses, des opinions éclairées : c’est cela que Le Guay ne comprend pas. Pour elle, hors de son opinion et de l’opinion dominante, il n’y a pas de lumière. Chouard n’arrête pas de refuser d’imposer un sens à deux interlocuteurs qui n’arrêtent pas justement… d’imposer un sens. Le Guay se fâche et revient à Meyssan, son objectif étant de montrer que Chouard serait complotiste quant au 11 septembre. Son erreur, à ce pauvre Chouard : ne pas faire son autocritique en direct. Virginie Le Guay est, ce jour-là, un procureur de type parti communiste d’autrefois, avec une seule solution pour survivre : que Chouard admette les versions officielles. Ce dernier insiste : « je n’ai parlé qu’une fois dans ma vie du 11 septembre ». Une chose amusante sur cette question est que la suite du 11 septembre a entraîné une guerre qui fut fondée sur de… fausses preuves, elles-mêmes produites par un gouvernement et relayées par toute la presse mondiale, dont Paris-Match. Sans compter par exemple les charniers de Timisoara un peu plus tôt, où l’arrêt des risques nucléaires à la frontière de l’est de la France etc. Il n’y a plus de journalistes mais seulement des accusateurs, des procureurs, sur le plateau.
Quand Alba Ventura entre en campagne européenne
La question est ainsi de dénoncer la prétendue façon dont tout opposant au pouvoir actuel surferait sur des thèses complotistes, serait en lien avec des gens « louches », aurait des opinions fondées sur des infox ou prétendues telles. Et cela se fait de façon violente sur le plan tonal, madame Le Guay en est une démonstration. Alba Ventura aussi. Lors de son éditorial politique du vendredi 15 mars, la journaliste de RTL prend Marine Le Pen dans son viseur. Il est 7 h 18. Ouverture de l’éditorial par une question d’Yves Calvi : « Invitée hier soir de l’émission politique, Marine Le Pen a été prise plusieurs fois en flagrant délit de fake news. A ce stade, c’est une tactique Alba ? ». Réponse : « exactement ». En clair :
- « Marine dit SA vérité »
- « On n’a pas le droit de surfer sur de tels mensonges »
- « C’est une collection de fake news »
- « Il arrive que Marine Le Pen parte d’une vérité et la déforme »
Il serait intéressant qu’Alba Ventura ne se concentre pas uniquement sur les personnalités politiques avec lesquelles elle est viscéralement en désaccord. Elle pourrait par exemple s’intéresser aux multiples fake news répétées à satiété depuis 30 ans par les courants qui lui correspondent mieux, ainsi l’idée dite et redite sans cesse entre 1981 et 2007 selon laquelle l’immigration n’avait pas augmenté en France depuis 1974, ou cette autre affirmation incessante selon laquelle la croissance économique créait des emplois. Certains emploient encore cette infox au quotidien, de même que d’autres indiquent que le ruissellement des richesses est porteur d’égalité sociétale. Comme d’autres disaient, peut-être même Alba Ventura (?), en 2013, que le Mariage pour tous n’ouvrirait pas le droit à la PMA et à la GPA (l’affirmer alors conduisait à être accusé de prononcer une fake news). Durant la chronique, Calvi opine du chef et est heureux de ce qu’il entend. Ce serait « un piège » pour les journalistes : poser une question à ces hommes politiques ferait d’eux « un adversaire »…
Autrement dit, là aussi, comme pour Brunet, comme pour Cohen, pas de responsabilité dans leur situation chez les journalistes, juste des complotistes dangereux qui, face à eux, menaceraient une démocratie dont ils seraient des garants. Ils paraissent réellement ne plus se rendre compte qu’ils ne « posent pas de questions », contrairement à ce qu’ils prétendent, mais qu’ils utilisent leurs prérogatives pour manipuler leurs interlocuteurs et asséner des vérités officielles. Les leurs.
Pourtant…
Ah… un détail tout de même… Alba Ventura fait la moitié de sa chronique sur l’une des « fake news » de Marine Le Pen : le fait que le parti de Macron à l’échelle européenne, l’ALDE, serait financé par Bayer-Monsanto, fabricant du glyphosate. Ventura l’affirme c’est faux. L’œil du 20 heures de France 2 dit pourtant le contraire : les amis de Macron perçoivent bien plusieurs centaines de milliers d’euros, ce que reconnaît précisément Stéphane Sejourne, directeur de campagne LREM pour les européennes. Il n’y a donc pas d’infox. Sauf… de la part d’Alba Ventura : affirmer que Marine Le Pen ment sur ce point est propager une fake news, sur laquelle évidemment la journaliste ne reviendra pas les jours suivants. Elle aura ainsi dit… SA vérité, déformé la vérité, surfé sur une fausse information. Décidément… la campagne des européennes est lancée et les médias sont en ordre de marche. Tous les coups journalistiques sont permis semblent-ils contre ceux qui ne supportent plus les castes de privilégiés.