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Abascal s’allie à Kaczyński pour freiner la ‘menace’ du modèle européen de Macron : revue de presse espagnole

4 avril 2019

Temps de lecture : 6 minutes
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Abascal s’allie à Kaczyński pour freiner la ‘menace’ du modèle européen de Macron : revue de presse espagnole

Temps de lecture : 6 minutes

Le nom de Santiago Abascal n’est pas encore très connu en France. C’est pourtant lui qui avec son parti Vox a largement contribué à défaire le parti socialiste espagnol aux élections régionales en Andalousie, mettant fin à plusieurs décennies de domination du PSOE sur la région. Sa rencontre avec le leader du Pis (le parti polonais conservateur au pouvoir) n’est pas passée inaperçue de la presse en Espagne.

Points de vue de droite

Le titre du jour­nal de droite ABC le 20 mars, jour de la vis­ite à Varso­vie de San­ti­a­go Abas­cal, leader du par­ti espag­nol Vox, et de sa ren­con­tre avec le leader du PiS Jarosław Kaczyńs­ki, sem­ble d’emblée soulign­er qu’Abascal rejoint le camp des opposants européens au fédéral­isme du prési­dent français Emmanuel Macron : « Abas­cal s’allie à Kaczyńs­ki pour frein­er la ‘men­ace’ du mod­èle européen de Macron ».

Vox, c’est la force mon­tante en Espagne. Les 11 % obtenus aux dernières élec­tions régionales en Andalousie à la fin de l’année 2018, alors que le même par­ti avait fait seule­ment 0,2 % aux dernières élec­tions lég­isla­tives nationales, ont mis fin à l’exception espag­nole dans une Europe en proie aux « pop­ulismes » de droite. Tous les sondages con­fir­ment que Vox devrait faire son entrée au Par­lement nation­al aux élec­tions lég­isla­tives anticipées du 28 avril 2019 et que, après les élec­tions du 26 mai qui suiv­ront, il enver­ra égale­ment pour la pre­mière fois quelques représen­tants au Par­lement européen. Ten­ant un dis­cours plutôt con­ser­va­teur et cen­tral­isa­teur dans l’Espagne des autonomies régionales, et exp­ri­mant aus­si des posi­tions claire­ment anti-immi­gra­tion et plutôt sou­verain­istes au niveau de l’UE (qu’il souhaite réformer et non pas quit­ter ou détru­ire), ce par­ti sus­cite le même genre d’émotions en Espagne que le Rassem­ble­ment nation­al en France, la Ligue en Ital­ie ou l’AfD en Allemagne.

Les deux jour­naux de droite ABC et La Razón, restés plutôt favor­ables au Par­ti pop­u­laire (PP) mal­gré l’évolution de ce dernier vers un pro­fil idéologique plus libéral-lib­er­taire que libéral-con­ser­va­teur sous les gou­verne­ments de Mar­i­ano Rajoy, n’ont toute­fois pas eu recours, à l’occasion de la vis­ite d’Abascal à Varso­vie, aux épithètes infamants util­isés par les médias de gauche lorsqu’ils par­lent de ce type de mou­ve­ments. ABC indique qu’à l’approche des élec­tions européenne, « Vox a déjà com­mencé à tiss­er ses pre­mières alliances inter­na­tionales » et il sig­nale que Vox « drague » le PiS « depuis plusieurs mois ». Le jour­nal cite ensuite les expli­ca­tions des lead­ers de Vox pour qui la réu­nion de Varso­vie entre Abas­cal et Kaczyńs­ki s’est déroulée dans le but « com­mun de frein­er le pro­jet de mod­èle européen que pré­tend met­tre en œuvre » Emmanuel Macron, dont les poli­tiques sont con­sid­érées par les deux par­tis comme « une men­ace pour les nations européennes ». Pour ABC, la ren­con­tre entre les dirigeants de Vox et plusieurs secré­taires d’État polon­ais ain­si que la réu­nion entre le dirigeant de Vox et celui du par­ti polon­ais Droit et Jus­tice per­met de croire que Vox rejoin­dra le groupe du PiS plutôt que celui du RN au prochain Par­lement européen. Ce qui rap­proche les deux par­tis, et ABC n’est pas le seul jour­nal à le soulign­er, c’est aus­si leur attache­ment aux valeurs chré­ti­ennes et leur volon­té de met­tre fin à l’immigration illé­gale en Europe.

La Razón a choisi un titre posi­tif pour son arti­cle rela­tant la vis­ite de San­ti­a­go Abas­cal à Varso­vie : « Abas­cal se réu­nit avec les dirigeants polon­ais à Varso­vie où ils abor­dent l’avenir de l’UE et le con­trôle de l’immigration illé­gale ». Avant d’écrire : « Avec cette vis­ite, les gens d’Abascal com­men­cent à jeter des ponts avec cer­tains de ceux avec qui ils pour­raient tomber d’accord à l’approche des élec­tions européennes. Vox parie sur une réforme de l’Europe et ne croit pas à la dérive fédéral­iste. Et il parie aus­si sur une UE défen­dant ses fron­tières et ses racines chré­ti­ennes. » Plus loin dans son arti­cle, le jour­nal met en car­ac­tères gras un pas­sage sur « le retour aux valeurs sur lesquelles s’est con­stru­it le con­cept d’Europe ».

Et de la gauche libérale

À l’inverse, le jour­nal de gauche El País – qui occupe dans la presse espag­nole une place et une pos­ture équiv­a­lentes à celles du Monde dans la presse française – a abor­dé ce voy­age d’Abascal en Pologne de manière totale­ment dif­férente, avec en titre : « Abas­cal voy­age en Pologne pour se réu­nir avec l’ultra-catholique Kaczyńs­ki ». Puis le jour­nal explique que « Vox a ini­tié il y a déjà plusieurs mois un rap­proche­ment avec le par­ti ultra-catholique qui gou­verne la Pologne ». El País four­nit ensuite « l’information » suiv­ante, chargée d’émotions néga­tives : « Vox n’a pas encore décidé avec lequel des groupes euro­phobes et de l’extrême droite européenne – la Française Le Pen, l’Italien Salvi­ni, le Hon­grois Orbán – il s’alliera, mais tous les indices pointent vers Jus­tice et Droit [sic!], un par­ti avec lequel l’unit, en plus de la xéno­pho­bie et du nation­al­isme, l’ultra-catholicisme. » Dans la phrase suiv­ante, El País explique alors à ses lecteurs que « Le par­ti de Kaczyńs­ki aura besoin des futurs eurodéputés de Vox pour for­mer un groupe par­lemen­taire au Par­lement européen après le départ des con­ser­va­teurs bri­tan­niques, avec lesquels il siège aujourd’hui ». Le jour­nal ne pré­cise pas si les con­ser­va­teurs bri­tan­niques sont aus­si des xéno­phobes, des nation­al­istes et des « ultra-catholiques » puisqu’ils sont dans le même groupe que leurs col­lègues du PiS. Pour ses lecteurs qui n’auraient pas bien com­pris le dan­ger et la vraie nature de San­ti­a­go Abas­cal et de son par­ti Vox, El País explique toute­fois que « Kaczyńs­ki con­trôle à dis­tance le gou­verne­ment polon­ais que la Com­mis­sion européenne men­ace de sanc­tion­ner en le pri­vant de droit de vote dans l’UE pour avoir porté atteinte à la sépa­ra­tion des pou­voirs et sapé le sys­tème démoc­ra­tique ».

Si donc les lecteurs des deux grands jour­naux de droite se sont vus servir plutôt des faits et des déc­la­ra­tions de per­son­nes impliquées dans la ren­con­tre de Varso­vie, ceux du grand jour­nal de gauche ont eu droit à une bonne dose de prêt-à-penser.

Les autres médias espag­nols ont glob­ale­ment suivi l’un de ces deux mod­èles en fonc­tion de leur pro­fil idéologique, avec cer­taines vari­antes séman­tiques pour les expres­sions util­isées par les médias de gauche et les médias libéraux dans le but de dis­créditer Vox aux yeux des électeurs espag­nols, comme dans le cas de la télévi­sion Ante­na 3 qui par­le du par­ti « ultra­na­tion­al­iste et catholique Droit et Jus­tice » dirigé par Kaczyńs­ki ou le quo­ti­di­en El Econ­o­mista qui explique aux lecteurs peu aver­tis, juste en dessous d’un titre pure­ment infor­matif, que « Le par­ti polon­ais Droit et Jus­tice est con­sid­éré comme ultra­catholique et con­ser­va­teur ».

Pré­cisons qu’en Pologne-même, rares sont les com­men­ta­teurs, y com­pris dans les médias libéraux et de gauche, qui iraient jusqu’à qual­i­fi­er le PiS d’« ultra-nation­al­iste » ou « ultra-catholique », ce par­ti se con­sid­ère lui-même sim­ple­ment comme con­ser­va­teur et chrétien-démocrate

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