Première diffusion le 19/04/2019
Après avoir analysé le 1er épisode de cette édifiante série de 6, l’OJIM se penche sur le 2e intitulé « l’ombre russe ». La « fabrique du mensonge » vue par des fabricants quotidiens d’informations très orientées. Épisode 2, émission diffusée aussi le 31 mars 2019.
Consacré au brexit, le 1er épisode ne voyait et surtout ne cherchait pas d’autres causes à la volonté du peuple britannique de quitter l’Union Européenne que la « manipulation » des populistes, en particulier autour d’un chiffre magique de 350 millions d’euros. Que dit France 5 d’un autre grand méchant, la Russie, pays qui serait avec Poutine un influenceur de toutes les élections des pays dits démocratiques depuis au moins 2017 ? Avec une mention spéciale pour celle d’un Trump depuis lors blanchi (sans que les médias français par exemple ne l’évoquent trop… après avoir assuré durant deux ans qu’une sorte d’inféodation de Trump à Poutine était fort probable, à infox, infox et demie ?)
La Russie de Poutine l’autoritaire est partout dans vos ordinateurs
Une entrée en matière qui démarre avec la réception de Poutine par Macron le 29 mai 2017 : « Le nouveau président va briser l’usage diplomatique en taclant deux médias proches du Kremlin » (un peu comme France 5 l’est de l’Elysée ?). Macron accuse Russia Today et Sputnik d’avoir joué un rôle de média d’influence pour empêcher son élection (il est en réalité très vexé). « Une sortie violente qui vient en réalité mettre fin à une guerre qui s’est déroulée dans l’ombre durant toute la campagne présidentielle. Durant des mois, Emmanuel Macron et son parti ont dû faire face à des tentatives de piratage ». Ce serait la « face cachée de la campagne ».
Indices et raisons du prétendu délit, en vrac
→ « tentatives d’ingérence étrangère »
→ « fake news »
→ « désinformation numérique »
→ « manipuler l’opinion »
→ à l’écran, apparaît souvent un individu cagoulé, type anonymous.
→ « les équipes d’En Marche ont en tête un séisme mondial », celui de l’élection de Trump, présentée comme issue directement d’attaques russes (ce n’est pas mis en doute, alors que le contraire a maintenant été établi)
→ la Russie interviendrait par Wikileaks, « diffusion par Wikileaks »…
→ « haine du candidat »
→ homophobie
→ « gens qui ne sont pas porteurs des mêmes valeurs que nous »
→ Macron ayant été attaqué aurait manqué de peu de subir les conséquences de cette campagne.
→ « RT et Sputnik font de la propagation de fausses nouvelles »
→ « hackers russes », « groupe structuré »,
→ arrive évidemment Marine Le Pen, reçue par Poutine. Du coup, « Poutine l’adoube ». Il manipule et il choisit Le Pen…
→ Pawn Storm arrive aussi : un groupe de hackers très organisé et surveillé par des experts en cyber-attaques. Un mois avant les élections, qu’En Marche serait menacée par la Russie et ses hackers.
→ débat du 2e tour : apparition d’un message sur un « forum bien connu de l’extrême droite américaine qui laisse entendre que Macron aurait un compte caché aux caraïbes ». Ce ne peut évidemment être qu’un coup des Russes repris par Marine Le Pen.
→ un analyste pensant que cela vient des russes, que les infox sont propagées par ceux qui partagent le plus Russia Today. Les équipes de Macron le contactent. Le reportage ne s’interroge pas sur la fiabilité de l’analyse.
→ dernier soir avant l’élection : fuite de documents. « La fuite est bien réelle » : 9 Giga de « données ultra confidentielles ». On peut en douter, rien n’ayant impressionné les électeurs. En tout cas, ce sont des documents de peu d’intérêt en soi mais qui apportent un crédit utile à la théorie (du complot ?) selon laquelle le candidat Macron aurait été victime d’attaques cachées.
→ La NSA aurait indiqué que cette tentative d’ingérence russe serait vraie. Le journaliste ne se demande pas quel intérêt peut avoir la NSA à cette affirmation au sujet de la Russie.
Pas d’enquête, des opinions sans contradiction
Une seule opinion, pas d’informations contradictoires, jamais aucun doute, tout étant présenté non sous forme de suppositions mais comme vérités avérées. Et un seul intervenant récurrent : Mounir Mahjoubi, autrement dit le responsable de la campagne numérique d’Emmanuel Macron, qui apparaît comme la réincarnation du chevalier blanc. Étrange manière de présenter un reportage sur un sujet grave, « informant » les Français que la démocratie serait menacée par une puissance étrangère. La Russie ne doit pas être si puissante que cela, Macron n’est-il pas arrivé en tête au soir du 1er tour ? Une question aussi : pourquoi diantre vouloir tant empêcher Macron de devenir président ? De même qu’aux dernières nouvelles nul n’a fourni de preuves de l’origine de ces messages et autres infox qui finalement ont bien plus servi à faire élire Macron qu’à le faire perdre, en particulier le soir du débat du 2e tour quand Marine Le Pen a repris en direct la (déjà probablement connue comme fausse), information du compte des Caraïbes.