Les deux premiers épisodes de la série de France 5 prétendument consacrée aux infox, « le brexit » et « l’ombre russe », montrent comment les médias officiels fabriquent la vérité qu’ils veulent promouvoir. La « fabrique du mensonge » se penchait aussi sur les vaccins en ce même 31 mars 2019. Analyse, épisode 3.
Consacré au rôle supposé de Poutine, dont il est affirmé qu’il interviendrait dans le processus électoral des démocraties, l’épisode 2 se terminait par une scène croustillante, avec le recul : indiquant que la Russie était « déjà intervenue » dans ce processus « dans le passé », avec en toile de fond une image nocturne de la maison blanche, pour que nous comprenions bien les « liens » entre Trump et Poutine, le documentaire produit sa propre infox. Ce lien est justement passé à la trappe depuis. Un exemple concret des obsessions des médias officiels, obsessions telles que les journalistes de ces médias ne s’aperçoivent plus combien ils font le jeu de ce qu’ils prétendent combattre, la « fabrique du menonge » justement. Ce 31 mars 2019, après deux épisodes directement politiques, France 5 entraîne ses auditeurs vers un sujet qu’ils connaissent moins : les vaccins.
Tu seras un Vacciné, mon fils (Kipling, relu par l’OJIM)
Les indices qui accusent selon France 5 :
- Le documentaire part d’un article du Monde, dont le sérieux n’est pas douteux, paru le 20 décembre 2017, qui classait « les dix principales fake news » diffusées sur Facebook, parmi elle « une vieille rumeur selon laquelle il y aurait un lien entre vaccination et autisme ». Le documentaire revient aux origines supposées de la rumeur, fin 1990 : « l’histoire de l’une des plus grosses escroqueries scientifiques de l’histoire de la médecine » qui concerne à la fois l’autisme et la rougeole, le vaccin contre cette dernière maladie, entre autres, le vaccin ROR, ayant été considéré comme cause de l’autisme. Notons que cette fake news a été publiée la première fois dans le prestigieux journal médical, The Lancet, autrement dit : c’est en premier lieu le monde officiel de l’information qui produit la source de cette infox.
- Il n’y a pas d’opinion concernant les vaccins mais « des militants anti vaccins ».
- « retour sur une rumeur sans fin aux conséquences bien réelles qui aura permis à une maladie éliminée de faire son retour en France ». Cette phrase est intéressante en avril 2019, mois où la presse mondiale prévient justement du développement d’une épidémie de rougeole à l’échelle mondiale, épidémie jamais vue depuis très longtemps et dont l’ampleur montre, outre le fait que la France n’est pas seule concernée, que cela ne saurait être le fait de simples infox diffusées dans le monde riche. La maladie fait en effet son retour mais elle ne le fait pas seulement en France, et pas uniquement par le biais des réseaux sociaux.
- une enquête journalistique menée durant plusieurs mois et publiée dans le Times montre que le médecin à l’origine de la rumeur du lien entre autisme et rougeole, scientifique peu scrupuleux, aurait en réalité « des intérêts financiers qu’il a caché au grand public ». Il est donc heureux qu’un média sérieux enquête. L’homme avait breveté un vaccin unique contre la rougeole. Il est peut-être crapuleux donc, cependant cela ne répond pas à la question essentielle : que vaut la théorie publiée par une revue telle que The Lancet ? Pourquoi ne pas interroger les gens de cette revue ?
- La responsabilité la plus importante dans la diffusion de cette théorie revient aux réseaux sociaux, lesquels sont la nouvelle origine du mal car dans ce monde : « le mensonge est plus facile à vendre que la vérité ». Pourtant, l’histoire humaine n’est-elle pas pleine de rumeurs, et ce bien avant les réseaux sociaux ?
- 10 ans après la mise en œuvre de la théorie sur le ROR, le médecin responsable est considéré comme malhonnête et est présenté comme un monstre. « Il se pose cependant en défenseur de la vérité ». La revue The Lancet se rétracte alors et bannit l’étude. Le médecin est radié, des études ont prouvé la fausseté de la théorie. Peu importe, le médecin concerné fait de l’argent aux États-Unis, où nait… l’alt right, « la droite extrême américaine, mouvement à même de diffuser ses théories ».
- La boucle se boucle alors, pour un sujet qui était annoncé comme « non politique », France 5 comme tous les médias officiels retombe toujours sur ses pieds, c’est-à-dire sur ceux de qui ne pense pas selon le politiquement correct et peut être nommé « alt right » ou « droite extrême ». Quels sont les médias qui diffuseraient alors la fausse information d’un lien entre autisme et ROR ? Ceux de « la réinformation » qui défendraient des théories « du complot ».
Notons que la théorie est tout de même « partagée par Donald Trump », dont il ne nous est cependant pas dit si il a été informé dans ce domaine par Poutine ou pas.
Le théoricien de la fausse rumeur diffuse celle-ci par un film, Vaxxed, sorti en 2016 et soutenu sur tous les réseaux sociaux.
En France ? Il y aurait un Professeur, Luc Montanier, prix Nobel, un détail donc, qui discute avec l’auteur de la théorie. L’homme qui a découvert le VIH en 1983 et un « des chefs de file des anti vaccins en France ». Ce n’est pas n’importe qui mais cela n’interpelle pas l’auteur du documentaire, qui ne va pas jusqu’à… lui donner la parole. L’auteur est pourtant journaliste et probablement détenteur d’une carte de presse ?
La rumeur « ROR = autisme » remonte sur les réseaux sociaux et « une décision politique va la faire exploser en 2017 : la décision de rendre 11 vaccins obligatoires, dont le triple vaccin ROR ». La mort d’une jeune fille de 16 ans de la rougeole entraîne la décision de présenter puis voter la loi. Nous n’aurons pas plus d’informations sur la jeune fille ni sur le contexte de sa mort. Ce contexte n’est pourtant pas anodin : elle ne pouvait pas être vaccinée. Pourquoi ne pas le dire ? Par peur que l’utilisation d’un cas particulier à des fins de démonstration générale se voit trop ?
La droite extrême, le complot, Trump, les réseaux sociaux, des médias qui n’en seraient pas, la vérité en ce dernier domaine appartenant aux médias qui se sont autoproclamés comme vrais, des informations données au compte-goutte par un documentaire qui ne pense pas son sujet mais ne vise qu’à nous asséner sa vérité… Le rythme est bien huilé et jamais le reporter ne donne de parole contradictoire, pourtant base de toute enquête de presse. La théorie combattue n’est jamais vérifiée, les idées défendues par Montanier non plus. La parole est à la ministre de la santé qui veut remettre « de l’ordre scientifique » dans cette histoire, ainsi qu’aux pro-vaccins : et Montanier ? Il désinforme « en permanence ».
Pour l’OJIM, la question n’est pas de savoir qui a raison mais de s’interroger sur la façon dont France 5 fait dans ce cas aussi un documentaire uniquement à charge. Notons que France 5 n’enquête pas plus loin au sujet de la méfiance à l’égard des vaccins, par exemple dans les communautés issues de Mai 68, en Europe et aux États-Unis. Dans ce cas précis, c’est touche pas à mon pote anti vaccin hippie. Une autre chose étonnante pourtant : le documentaire ne s’interroge pas plus sur l’année de la grippe H1N1, de l’apocalypse annoncée dans tous les médias et sur tous les écrans, du « manque » de vaccins, de la nécessité de les produire en masse et de vacciner d’urgence tous les enfants, tous les élèves du secondaire, avant que le pire arrive mais… qui n’arriva pas. Hors de toute infox en somme. Évidemment, toute parole qui trouverait que cela a pu renflouer les caisses de certains laboratoires pharmaceutiques ou qui aurait trouvé étonnant qu’une ministre de la santé soit une ancienne cadre, parfois considérée comme « lobbyiste », de plusieurs de ces laboratoires ne sera qu’infox, intox, fake news, rumeur complotiste pour faire « bouh ! ».