L’équilibre dans les médias entre gouvernement/opposition dans le cadre des élections ressort de l’acrobatie, surtout quand 34 listes se présentent dont une bonne vingtaine n’auront ni professions de foi distribuées ni même bulletins de votes. L’exercice devient un tour de force quand le président de la République se lance dans le débat avec un « entretien » recalibré et relu.
Une cinquantaine de titres
Le syndicat de la presse quotidienne régionale regroupe une cinquantaine de titres dont les principaux du secteur : Ouest-France, Sud-Ouest, Midi Libre, Dernières nouvelles d’Alsace etc. Ils ont négocié collectivement (ou plutôt le service de presse de l’Élysée a négocié avec eux) un entretien avec Emmanuel Macron à paraître entre les 20 et 21 mai 2019 soit quelques jours avant le scrutin du 26 mai.
Comme l’Élysée veut bien encadrer le processus, l’entretien (avec seulement quelques journalistes choisis) devait être relu soigneusement et corrigé par les services de la présidence. Sans vouloir faire preuve de mauvais esprit, il s’agit d’une pression « amicale » pour faire voter pour la liste de LREM en mauvaise posture dans les sondages face à la liste RN.
Rébellion de deux titres
Si la plupart des quotidiens concernés ont accepté docilement de suivre les indications du service de presse élyséen, deux titres, La Voix du Nord et Le Télégramme ont refusé l’opération.
Pour la Voix du Nord, le rédacteur en chef, Patrick Jankieliewicz, voit les limites entre « relecture et exercice de réécriture » ; un exercice caviardant les réponses voire rajoutant des questions et des réponses inexistantes dans des entretiens réalisés dans le passé, il se refuse à une telle confusion . Il ajoute que l’entretien vient rompre un équilibre fragile de temps d’expression des différentes listes dans les médias.
@lavoixdunord ne participe pas à l’interview d’E. Macron par la PQR. A 5 jours du scrutin, cela perturberait l’équilibre du traitement de la campagne auquel nous essayons de veiller et la publication est soumise à la relecture préalable de l’Elysée. Donc c’est sans nous. #Macron
— Patrick Jankielewicz (@PJankielewicz) May 20, 2019
Au Télégramme de Brest c’est la politique du mépris vis-à-vis de la PQR qui est évoquée. Hubert Coudurier, directeur de l’information voit dans cet entretien une « convocation » et une sorte de statut « hybride » entre information et propagande. Ce qui n’a pas gêné apparemment ses confrères.