Chaque année, l’AFP est plutôt fière du démarrage du « mois des fiertés » et, outre le summum que représente la gay pride en ce domaine, part à la recherche d’initiatives originales. Cette année, l’AFP s’est intéressée de près à la première marche des fiertés en banlieue. À saint Denis, pour être plus précis, ce dimanche 9 juin 2019.
Ce que dit (ou pas) la dépêche de l’AFP
« Un millier de personnes à saint Denis pour la gay pride des banlieues » : le ton est à la fierté devant une réussite. Pourtant, mille personnes ? Sans doute parce que cette marche a lieu à saint Denis, territoire où il serait difficile d’être LGBT ?
Rien ne le laisse entendre, ce qui fait une étonnante dépêche : d’un côté, l’AFP se félicite que cette marche en banlieue soit possible, de l’autre elle n’indique pas en quoi il serait étonnant qu’elle ne le soit pas. Comprenne qui pourra.
Le « défilé festif » a eu lieu « sous le regard parfois ahuri mais le plus souvent amusé des passants ». Peut-être. Reste que la photo accompagnant la dépêche le montre : la marche se déroule à la frontière de saint Denis, là où passe le tramway, les gays marcheurs ne pénètrent pas dans le cœur de la commune aux 14 % de femmes excisées et à la majorité musulmane et/ou immigrée.
Citations
Citation 1 : « Par le fait même qu’on vit en banlieue, on est ramenés au fait qu’on est pauvres, qu’on est racisés, qu’on est immigrés », en plus du fait d’être homosexuels, affirme à l’AFP Yanis Khames, 20 ans et organisateur de la marche. Avec son association « Saint-Denis ville au cœur », il veut montrer que la banlieue est aussi un lieu de militantisme pour les personnes trans et homosexuelles et pas une « zone de non droit », comme certains veulent le faire croire ». Il n’a pas entièrement tort, les zones de non droit réel pour des hommes comme lui se trouvent surtout dans leurs pays d’origine, où l’homosexualité est souvent passible de la peine de mort.
Citation 2 : « Du latex pour ton gros sexe, des molécules pour qu’on s’encule », entonnent des militants d’Act Up, arrachant un sourire aux commerçants et badauds de la rue de la République, une artère commerçante de la ville ». De la poésie, sans doute un effet des politiques culturelles menées dans la ville depuis une cinquantaine d’années.
Citation 3 : « En règle générale, les gens ont peur des banlieues, c’est une image qui est véhiculée par les imaginaires collectifs persistants et aussi par la sphère médiatique et par une grosse partie de la classe politique », assure Youcef Belghmaidi, habitant d’Aubervilliers ». Un bon sujet pour le baccalauréat qui approche : La banlieue est-elle seulement le produit d’un imaginaire réactionnaire ? Et de quelle façon ?
Citation 4 : « Je suis convaincu que ce n’est pas plus compliqué d’être LGBT à Saint-Denis qu’à Paris », affirme Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis et venu soutenir la manifestation ». Qui en doute ? Pourquoi donc serait-il compliqué d’être gay à saint Denis, ville phare d’un département, le 93, reconnu pour être à plus de 50 % musulman. Autre sujet du bac : Homosexualité et Islam, vous comparerez le 93 et l’Arabie Saoudite, vous avez deux heures.
Ce que ne dit pas du tout la dépêche de l’AFP
- Interrogées par des journalistes de Valeurs Actuelles, plusieurs manifestantes indiquent avoir peur de venir manifester dans le 93.
- C’est le Marais de Paris qui vient en banlieue, cette banlieue islamisée que ce Marais ignore mais qu’il défend volontiers à coup d’invectives et de militantisme bobo.
- Interrogés par d’autres médias que l’AFP, laquelle vise à montrer les bienfaits de l’opération, les habitants sont indifférents, gênés (« on a d’autres soucis que cela » ; « c’est leur vie privée ») ou carrément hostiles (« ce sont des pécheurs, sodomites »).
- L’observateur aperçoit beaucoup plus de femmes voilées dans la rue que de lesbiennes « émancipées ».
- Des commentaires fusent, que les journalistes de l’AFP n’entendent pas, sans doute ont-ils des boules quies : « Ouah, le noir là-bas c’est un PD, enculé de sa race ! » . « Je ne suis pas pour la peine de mort, mais c’est contre-nature d’être homosexuel. Chacun fait ce qu’il veut mais c’est mal ce qu’ils font. Ils devraient plutôt se soigner ! ». « C’est une honte ! Après il y a l’enfer ! ».
Nul doute que Marlène Schiappa a déjà lancé une procédure d’enquête afin d’identifier les auteurs de ces propos sexistes. Et que les instances de lutte contre les discriminations de l’État sont sur la brèche. On susurre même dans les milieux informés que le président de la République pourrait intervenir sur les différentes chaînes de service public afin de demander aux forces de l’ordre de rétablir les valeurs de la République dans le 93. Ce serait une première étape avant de s’attaquer aux écoles, où l’on joue parfois à tuer du chrétien, et certains quartiers turcs, comme l’Arc de Triomphe, où l’hymne national peut parfois être sifflé.