Une militante LGBT à la tête des Inrocks web
Née en France en 1985, Marie Kirschen est spécialiste des questions féministes et lgbt, et désormais rédactrice en chef des Inrocks. Après avoir poussé à la démission son prédécesseur, d’où son surnom dans la profession « pousse toi de là que je m’y mette ».
Marie Kirschen commence sa carrière en tant que pigiste pour Libération et Têtu, pour lequel elle devient responsable éditorial du site Têtue.fr de 2010 à 2013.
Suite à la fermeture du site, elle fonde en 2013 la revue lesbienne Well Well Well, qui bénéficie d’un bon accueil dans les milieux militants
La journaliste se spécialise en effet sur les questions féministes et LGBT, et milite pour une meilleure visibilité des minorités dans les media. Elle adhère notamment à l’AJL – Association des Journalistes LGBT dont elle fait partie des premiers signataires.
Marie Kirschen crée pour BuzzFeed une rubrique « Meufs », dédiée aux questions féministes et qu’elle anime à partir de 2015. La journaliste se démarque en effet par une bonne connaissance des supports numériques et de leurs spécificités.
Elle participe par la suite à plusieurs podcasts féministes, format en plein essor, notamment dans les milieux féministes militants.
En mars 2019, suite au licenciement (auquel elle participe activement) de David Doucet à cause de sa participation à la Ligue du LOL, elle est nommée rédactrice en chef du site LesInrokuptibles.fr.
Formation
Marie Kirschen commence sa formation en 2004 par des études de droit à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle poursuit en 2007 avec une licence de science politique. En 2008, elle entre au Centre de Formation des Journalistes, dont elle sort diplômée en 2010.
Parcours professionnel
Marie Kirschen commence sa carrière en 2006 en tant que freelance avec des articles pour L’Express, mais surtout pour le magazine LGBT Têtu.
C’est ce passage chez Têtu qui va lancer sa carrière et confirmer sa spécialisation sur les questions féministes et LGBT. Elle devient en effet en 2010 responsable éditorial pour le site féminin du media, Têtue.com. Lors du rachat du media en 2013, le site est toutefois fermé.
La journaliste cofonde alors Well Well Well, une revue « à destination des lesbiennes », dont elle remarque le manque de visibilité dans les médias, y compris les media LGBT. Elle réunit pour ce faire autour d’elle une équipe d’onze femmes journalistes bénévoles. Le format choisi est très qualitatif, à mi-chemin entre livre et revue. Le projet rencontre un franc succès sur la plate-forme Ulule (17 000€ réunis en un mois) sur laquelle l’équipe avait demandé un financement faute de trouver des annonceurs prêts à s’engager. Le premier exemplaire atteint rapidement les 3000 exemplaires vendus (Interview donnée à Regards publiée le 3 novembre 2014).
La journaliste s’engage dans plusieurs associations militantes féministes et LGBT. Elle fait à la fois partie du collectif de journalistes Prenons la une, en faveur d’une meilleure visibilité des femmes dans les media, et de l’Association des journalistes LGBT (AJL), dédiée quant à elle à une meilleure représentation des personnes LGBT dans les media. Elle fait d’ailleurs partie des premiers signataires de cette deuxième association.
Sa bonne connaissance des outils numériques lui vaut en 2015 de rejoindre la rédaction de Libération pour participer au site Liberation.fr. Elle ne reste à son poste que quelques mois.
La journaliste lance ensuite en fin d’année 2015 la rubrique « Meufs » pour BuzzFeed, un fil d’articles féministes. Elle crée et anime également une page Facebook dédiée assurant la promotion de la rubrique.
En janvier 2019, Marie Kirschen crée avec deux autres journalistes féministes et militantes, Aude Lorriaux et Nassira El Moaddem, « Le Deuxième Texte », un podcast mensuel sur des ouvrages féminins et féministes diffusé sur Slate et également disponible sur iTunes.
Elle participe très activement à la mise à mort sociale des participants masculins à la Ligue du LOL. Elle profite très directement de l’opération en poussant au licenciement de David Doucet, rédacteur en chef web des Inrocks… dont elle prend la place en mars 2019. Elle y gagne son surnom « Pousse toi de là, que j’m’y mette ».
Parcours militant
Elle fait partie du collectif de femmes journalistes Prenons la Une, dont Lauren Bastide est porte-parole. Le collectif sensibilise à la faible représentation des femmes dans les rédactions et assure la défense des journalistes subissant du harcèlement dans leur vie professionnelle.
Son cheval de bataille est toutefois ailleurs : la journaliste se spécialise très tôt dans les questions LGBT, avec un passage chez Têtu et la création du magazine lesbien, Well Well Well, dont elle assume la dimension politique et militante : « Well Well Well vise à offrir des armes théoriques, historiques, culturelles, pour toutes celles et ceux qui voudront bien s’en emparer » (Interview donnée à Regards publiée le 3 novembre 2014).
La journaliste fait par conséquent partie des premiers signataires de l’AJL (Association des journalistes LGBT), association fondée en 2013 par des journalistes choqués qu’à l’occasion de la Manif pour Tous, des média aient relayés des propos « homophobes » d’opposants à la loi en faveur du mariage des homosexuels. L’association, qui milite pour un meilleur traitement des questions LGBT dans les media français. Elle met par exemple à disposition des rédactions des « kit media » expliquant aux journalistes les bonnes pratiques en matière de traitement des questions LGBT.
Les deux associations, Prenons la une et l’AJL cosignent en 2019 une tribune dans Le Monde, « La Ligue du LOL n’a rien d’une exception », dans laquelle les directions des rédactions sont invitées à « prendre la mesure de la gravité du cyberharcèlement dont sont victimes les femmes journalistes, particulièrement si elles sont racisées, handicapées, grosses ou issues de la communauté LGBTQ+ [et à] embaucher, en masse, des femmes, des personnes racisées, des personnes LGBTQ+ aux postes clés des rédactions ».
Elle dénonce le manque de visibilité des lesbiennes dans la société, mais également dans le milieu LGBT lui-même. Elle relaye ainsi en mai 2019 dans Les Inrokuptibles et sur son fil Tweeter la lettre de huit femmes publiées dans Têtu pour dénoncer le sexisme de la communauté LGBT et a récemment dénoncé le traitement médiatique de la PMA pour toutes, avec une parole qui serait accaparée par les hommes, même parmi ses défenseurs, tandis que les lesbiennes, pourtant premières concernées, resteraient peu écoutées sur le sujet.
Collaborations
Elle crée en 2013 la revue féministe et lesbienne Well Well Well, partant du constat d’un manque de visibilité des lesbiennes dans le milieu LGBT et plus largement : « Nous avons vraiment créé Well Well Well en raison d’un manque criant de visibilité. Moi-même, j’avais été en charge du site TêtuE, disparu depuis. Et au cours des années 2012–2013 (alors que le débat autour du Mariage pour tous battait son plein !), nous avons vu disparaître tous les magazines spécifiquement lesbiens : la Dixième muse, Lesbia Magazine… » (Interview donnée à Regards publiée le 3 novembre 2014). Elle réunit pour ce faire onze femmes journalistes bénévoles convaincues par son projet.
Le magazine reprend le format hybride du « mook », à mi-chemin entre une revue et un livre, ce qui explique sa faible fréquence de publication. Il fait largement appel au bénévolat en termes de contributions : faute de trouver des annonceurs, les fondatrices de la revue avaient réuni les premiers fonds nécessaires à sa création via la plateforme Ulule. L’objectif initial de 10 000 Euros est dépassé en deux semaines ; un succès confirmé par les ventes du premier exemplaire de la revue, rapidement en rupture de stock.
En janvier 2019, elle se lance dans le podcast, nouveau format web particulièrement apprécié des milieux féministes. Elle co-anime avec deux autres journalistes militantes, Aude Lorriaux et Nassira El Moaddem, une émission mensuelle. Dans ce podcast, intitulé « Le Deuxième Texte », les trois journalistes décortiquent chaque mois un nouveau livre de femme ou féministe. Les trois journalistes expliquent le concept de leur podcast dans une bande-annonce à trois voix : « « Le Deuxième Texte », c’est le podcast qui vous conte des livres de femmes et des œuvres féministes à plusieurs voix. Je m’appelle Aude Lorriaux, je suis journaliste et j’écris sur les questions de genre et les discriminations. Je suis Nassira El Moaddem et je suis aussi journaliste. Et moi je suis Marie Kirschen, journaliste — notamment rédactrice en cheffe de la revue lesbienne Well Well Well. On a voulu faire un podcast qui donne des outils pour comprendre un monde en chantier, où les rapports entre les femmes et les hommes n’ont jamais été aussi bousculés. […] Bref, « Le Deuxième Texte », c’est bien plus qu’un podcast de livres, c’est une boîte à concepts féministes comme une boîte à outils pour construire le monde de demain. Nos marteaux et nos tournevis, ce seront nos mots ».
Sa nébuleuse
Géraldine Sarratia, ancienne rédactrice en chef des Inrocks, avec laquelle elle a créé la revue Well Well Well.
Le collectif de journalistes féministes « Prenons la une » et sa présidente Léa Lejeune.
L’Association des journalistes LGBT (AJL).
Alice Coffin du collectif féministe La Barbe.
Ce qu’elle gagne
Non connu
Elle l’a dit
« Contrairement à la culture noire par exemple, la culture gay et lesbienne ne se transmet pas au travers de traditions familiales, encore moins à l’école. Elle n’existe qu’à travers les médias et les livres qui circulent entre gays et lesbiennes. Et c’est encore plus vrai de la culture lesbienne. Moi-même, lorsqu’adolescente j’ai tenté de m’informer, je n’avais à ma disposition que les médias gays, si bien que je connaissais mieux Oscar Wilde ou Marcel Proust que l’histoire féministe ou lesbienne ! » (Interview donnée à Regards publiée le 3 novembre 2014).
« Nous avons également voulu être attentives, en consacrant des pages à Audre Lorde, à ne pas faire un magazine n’évoquant que des lesbiennes ou des femmes blanches. Nous aurions pu nous en tenir à mettre en avant Céline Sciamma ou Virginie Despentes, mais cette exclusion des femmes de couleur nous semblait intolérable. Nous cherchons également à établir des ponts entre la culture trans et lesbienne » (Interview donnée à Regards publiée le 3 novembre 2014).
Sur le troisième numéro de Well Well Well, consacré à l’histoire du militantisme lesbien : « On s’intéresse au militantisme actuel, mais également à l’histoire du mouvement, comme avec les Gouines rouges dans les années 70. Dans notre dossier, on trouve un long débat entre des jeunes militantes et des militantes plus âgés. Il y a parfois une incompréhension entre les générations car certaines militantes des années 70 s’opposaient au mariage, vu comme une institution sexiste, et ne comprennent pas que l’on puisse réclamer l’ouverture du mariage et de la PMA pour les couples de femmes. C’était très intéressant de confronter leurs points de vue et de les voir échanger. » (Interview donnée à Lucie Valais pour RTL et publiée le 09 novembre 2016)
Sur les critiques du magazine Well Well Well : « Quand je discute avec certaines personnes moins convaincues de la nécessité de ce projet, le mot “communautarisme” pointe souvent le bout de son nez. Nous sommes accusées d’être uniquement intéressées “par notre nombril”, de vouloir “flatter l’ego d’une communauté”, de choisir une démarche “qui divise”, voire qui mettrait en danger la République… […] Pourtant, personne ne s’étonne qu’il existe des magazines réservés aux femmes, aux hommes, ou encore aux fans de pêche à la mouche. Visiblement nul risque communautaire là-dedans. Pourquoi donc est-ce que cela serait différent pour les lesbiennes? Oui, les femmes homos ont besoin d’un média qui leur soit dédié. Tout d’abord parce qu’elles sont invisibles dans la presse “traditionnelle”. […] Les lesbiennes sont aussi les grandes oubliées de la presse dite féminine. » (« Avons-nous besoin de médias lesbiens ? », Marie Kirschen, publié par le Huffington Post le 26 février 2014)
On a dit sur elle
« @mariekirschen bravo vous savez lire ! Prochaine étape : apprendre à écrire, plutôt qu’à légender des photos » Eugénie Bastié, par twitter le 22 avril 2016. Répondant à un tweet de l’intéressée sur un livre d’Eugénie Bastié.
.@mariekirschen bravo vous savez lire ! Prochaine étape : apprendre à écrire, plutôt qu’à légender des photos. 😘
— Eugénie Bastié (@EugenieBastie) April 22, 2016
La militante féministe Florence Porcel, se réjouissant d’avoir eu la peau d’un mâle blanc trentenaire :
Quand j’ai demandé à D. Doucet de démissionner au profit d’une journaliste féministe, c’est à @mariekirschen que je pensais https://t.co/Ywt56DyAue
Les miracles existent. Cette nouvelle est si belle 💪
Toutes mes félicitations à elle et à @fannymarlier, et merci @lesinrocks ! pic.twitter.com/wiltIGWpZy— Florence Porcel (@FlorencePorcel) March 25, 2019