Dans la torpeur de l’été, deux victoires coup sur coup pour le média d’État russe Sputnik. Il vient en effet de triompher du régulateur en Lituanie – qui pratique depuis des années une politique antirusse assumée – et a cloué le bec au Guardian, forcé de s’excuser après avoir affirmé que Sputnik ait émis une fake news en traitant de l’incendie de Notre-Dame de Paris.
Blocage et déblocage
En Lituanie, le régulateur a annoncé le 31 juillet 2019 revenir sur le blocage de Sputnik dans le pays, accusé d’avoir utilisé indument des contenus de la radio-télévision d’État dans ses reportages. Timur Shafir, secrétaire de l’Union des journalistes russes – le principal syndicat de la profession – espère que « dans l’avenir les autorités baltes ne feront plus si régulièrement des obstacles au bon fonctionnement des médias russes », et a expliqué qu’il y a déjà eu des blocages de médias russophones ou des interdictions d’entrée faites à certains journalistes russes sans autres raisons que politiques.
En juillet 2019, le gouvernement de la Lettonie a annoncé à son tour bloquer un site d’information qui dépend de l’audiovisuel public russe, Baltnews.lv pour infraction à la réglementation de l’UE du 17 mars 2014 sur les sanctions liées à une menace pour l’indépendance, la souveraineté et l’intégralité territoriale de l’Ukraine. C’est le nom de domaine même qui constituerait l’infraction – dont on constate aussi qu’elle n’a de motifs que politiques. Le ministre des affaires étrangères letton Edgar Rinkevichs, interrogé par un correspondant de Sputnik Biélorussie, l’a confirmé : « nous ne pensons pas que Baltnews est un média. C’est un instrument de propagande absolu ».
Baltnews tient une ligne pro-russe, en faveur de la minorité russe régulièrement mise à l’écart en Lettonie depuis le début des années 1990, et opposée à la politique historique des gouvernements lettons successifs. Curieusement, cette politique russophobe assumée – qui a conduit (en plus des difficultés économiques) depuis 1992 au départ d’une grande partie des minorités ethniques (russes, juifs, polonais…) et à la réduction de la population de la Lettonie d’un quart (700.000 personnes en moins depuis 1992) – n’empêche pas l’opérateur audiovisuel public de proposer plusieurs chaînes russes d’Etat dans ses chaînes, dont RTR, Pervy Kanal, NTV etc.
Pan sur le bec du Guardian
Par ailleurs, le 19 avril 2019, le Guardian, une référence britannique de la presse mainstream occidentale, qui dispose comme Libération en France d’un CheckNews, a publié sur sa collection Fake or Real sur Instagram une note comme quoi l’une des photos faite par Sputnik France aux abords de la cathédrale Notre-Dame ait été retouchée, sur l’avis d’experts américains de Politifact, une émanation de Facebook spécialisée dans le fact-checking. On y voyait deux personnes en train de rire devant la cathédrale en flammes. La photo avait fait un énorme bad buzz sur les réseaux sociaux, relayée par des milliers de français exaspérés.
Trois mois plus tard, le 6 août dernier, le Guardian a du s’excuser platement : « dans l’édition de Fake or for real du 19 avril, nous avons suggéré que la photo prise lors de l’incendie de Notre-Dame qui a été largement diffusée avait été retouchée. Le détenteur du droit d’auteur de la photo nous a contactés, et nous avons reconnu que la photo n’avait pas été modifiée. Nous nous excusons pour avoir dit le contraire». Les experts de Politifact se sont aussi excusés, du bout des lèvres.
Pendant la polémique, Sputnik avait été accusée par plusieurs publications mainstream d’instrumentaliser la haine contre les musulmans. La rédaction répond : « À aucun moment, Sputnik n’a insinué que ces deux individus étaient musulmans ni qu’ils riaient en raison de l’incendie. Le fait que des groupes opposés à l’Islam s’en soient servis ne justifie en rien les accusations de propager «la haine» visant Sputnik ou encore les accusations de montage afin de faire accuser une communauté ».