Sale temps pour les journalistes. Déjà le rachat des titres français du groupe Mondadori/Berlusconi par le groupe Reworld avait fait des dégâts. C’est au tour de France Soir de couler tandis que L’Express divise sa rédaction par deux avant sans doute de passer au tout digital, abandonnant le papier dans un avenir non déterminé mais qui semble proche.
France Soir, vers la fin de partie
La rédaction était en grève depuis fin août comme nous vous le disions début septembre. Le quotidien qui a vécu son heure de gloire sous Pierre Lazareff était devenu un simple copier-coller de dépêches de l’AFP avec quelques articles originaux du plus plat conformisme comme ceux dont nous vous parlions en mai 2019. Le 18 octobre 2019, Xavier Azalbert, le propriétaire qui avait racheté le titre en 2014, a licencié économiquement l’ensemble de la rédaction. Un titre réduit à sa plus simple expression, quatre journalistes contre plus d’une centaine au début du siècle.
L’éditeur semble vouloir continuer le titre dans d’obscures conditions. Les journalistes dans un communiqué qui est un baroud d’honneur se déclarent « fiers du travail accompli » et annoncent une « nouvelle bataille » pour France Soir dont on discerne mal les contours.
L’Express à la machette
Alain Weill, nouveau patron de L’Express, a repris début 2019 51% du titre pour un euro symbolique. Alors qu’il était patron du groupe médias d’Altice, il avait annoncé la couleur dès mars 2018 :
« La décision a été prise pour Libération et L’Express d’engager un projet de transformation digitale important. Le mot d’ordre est « digital first ». Désormais, toutes les équipes seront tournées vers le site, qui sera à très forte valeur ajoutée. Nous allons pousser les abonnements numériques. Cela fonctionne très bien aux États-Unis. Enfin, il y aura une petite équipe qui extraira des contenus et fabriquera un journal papier ». (Les mots en gras sont soulignés par nous).
Les salariés du magazine protestent aux cris de « Weill Massacre L’Express », contre un plan drastique de réduction des coûts. Notre dernier article évoquait une quarantaine de départs sur 172 postes. C’était pratiquement fait fin septembre 2019 avec 40 journalistes bénéficiant de la clause de conscience plus quelques départs négociés hors rédaction, pour arriver à 50 employés de moins.
Patatras, à la mi-octobre 2019, la nouvelle direction demande la suppression de 26 postes supplémentaires et le transfert de 21 salariés vers le groupe Altice (Libération, BFM, propriétés de Patrick Drahi). Faisons les comptes : 172 postes au départ moins les 50 déjà en instance de départ, moins 26, moins 21, reste ? Restent moins de la moitié des salariés en poste.
Alain Weill, patelin, affirme vouloir recruter du « sang neuf » pour faire un magazine type The Economist, Newsweek ou Time. Il n’est pas certain que les exemples de Newsweek ou Time soient des plus pertinents. Newsweek est passé de plus de 3 millions d’exemplaires vendus à moins de 1,2 millions, a abandonné son édition papier avant d’y revenir sur abonnements seulement et sans présence en kiosques. Time est passé de plus de 4 millions d’exemplaires à moins de 2 millions, après son rachat par le PDG de Salesforce. Le recrutement, pour relancer L’Express, d’Eric Chol qui n’avait pu sauver le magazine économique La Tribune ne rassure pas les salariés restants qui demeurent dubitatifs et réclament « une charte d’indépendance » qui tarde à venir. Vous pouvez voir l’histoire de L’Express sur notre infographie ici.