Nous reproduisons une tribune, parue chez notre confrère Boulevard Voltaire le 6 novembre 2019, consacrée à un des journalistes de Télérama et sous la signature de Xavier Raufer. Sur ce magazine, voir notre article où l’intéressé s’engageait déjà contre la liberté d’expression. Voir aussi une publication plus récente sur la « chasse à l’homme » dans les équipes du journal.
Cinéma, théâtre de boulevard : du XIXe siècle à l’après-guerre, la pipelette fut une star du répertoire comique ; une dame un peu aigre, voyant le mal partout et carburant au blanc sec du bistrot voisin. Dans un argot aujourd’hui aboli où « bignoller » signifiait espionner, la pipelette était aussi la bignole. De Fantômas à Nestor Burma ; Maigret, bien sûr, l’enquêteur « tamponnait » d’abord l’inévitable bignole de l’immeuble : tout lecteur de polar sait ça.
Mais après un ultime sursaut en 1973 – Le Concierge, de Jean Girault, immortel réalisateur de Pouic-Pouic et du Mille-pattes fait des claquettes -, la vidéosurveillance et les digicodes eurent raison du genre.
Or, voici qu’à nouveau, « le verbe se fait chair » : libertaire et antifa (signe des temps), un avatar de la pipelette tient aujourd’hui rubrique à Télérama. À l’étroite fenêtre de sa loge, un carton signalait jadis : « La concierge est dans l’escalier. » Insondable mystère de l’incarnation : avec Samuel Gontier, voilà la bignole chez les bobos.
Tous les jours ou presque (dit sa pub), Samuel tient un blog nommé Ma vie au poste. Onze ans à commenter des commentaires, pérorer, morigéner, ironiser sur tout et le reste. À quel titre jauge-t-il, critique et arbitre-t-il ? En connaisseur subtil de l’âme humaine ? Philosophe profond ? En quel honneur tranche-t-il de tout, à tout propos ? Rien, à vrai dire, ne l’explique : la longévité un peu statique de Samuel Gontier rappelant plutôt cet apatride qui, un jour, échoua au terminal 1 de Roissy pour y végéter depuis lors.
Dans une récente chronique, Samuel balance donc des experts ès sécurité, osant – dit-il – s’en prendre aux « exilés » à la télé. Exilés, ah bon ? Où sont donc passées les rigoureuses enquêtes sur la télé réellement existante… les pièces à convictions vantées par la pub Gontier ? Car c’était, en fait, un massacre : « l’exilé », un migrant afghan, avait poignardé des innocents et éventré à mort Timothy, 19 ans, en route pour un concert. Victime, certes, négligeable que Timothy, car pour l’antiracisme-monochrome obnubilant Gontier, seules compteraient les victimes « racisées » ; les « petits Blancs » à la Timothy passant par pertes et profits.
Dans les invités de l’émission, dépeints par Samuel Gontier comme proto-fascistes, figurait enfin le chef de la sécurité du président Mitterrand – pas vraiment un émule de Pinochet.
Toujours dans sa pub, Samuel Gontier claironne qu’il défend les valeurs de. On notera l’ironie.
Basta ! Les crises de Samuel Gontier affectent peu les criminologues. Une bouffée de-ci, de-là, ses petits poings rageurs, ses trépignements. Tous fascistes ! Bon, on en a vu d’autres, on vit avec. Mais songeons plutôt à l’ambiance à Télérama.
Sans arrêt, Gontier sur le râble. On les imagine, assurant le service après-vente de ses méfaits. Récemment, le triste sire s’en prenait à Riss, l’un des survivants de la tuerie de Charlie Hebdo. Sur Twitter, Gontier a déclaré « Pour Riss, les musulmans sont des nazis. Ceux qui les défendent des “collabos”. Charlie Hebdo, nouvelle filiale de Valeurs Actuelles. »
Une attaque d’une bassesse insoutenable. D’autant que le rescapé n’a jamais tenu ces propos, il aurait simplement précisé que « toute femme portant un voile soutient une idéologie totalitaire. Ce que je conteste, tout en militant pour le droit des femmes à s’habiller comme elles veulent. Je suis donc pour lui un “collabo”. Vous vous rendez compte que ce terme désigne les alliés des Nazis ?! »
On s’esbaudira bien entendu du raccourci historique. Mais Gontier incarne le camp du bien, Gontier ne se trompe jamais. En bref, Samuel Gontier ressuscite le Agnan de Sempé et Goscinny. L’agaçant Agnan, du Petit Nicolas. Celui qui « dénonce ses camarades » et « se réjouit des punitions des autres élèves ». Pauvre rédaction de Télérama, affligée d’une semblable bignole !
Xavier Raufer