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Brexit, quand des journalistes prennent leurs désirs pour une réalité

19 décembre 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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Brexit, quand des journalistes prennent leurs désirs pour une réalité

Temps de lecture : 5 minutes

Le 23 juin 2016, les britanniques votaient majoritairement en faveur de la sortie de leur pays de l’Union Européenne. Le peuple a été consulté et s’est prononcé pour la souveraineté. Le référendum a rappelé opportunément qu’un pays pouvait choisir d’entrer dans l’Union Européenne, mais aussi d’en sortir. De nombreux journalistes français ont contesté ce choix et ont affirmé que l’opinion publique avait été manipulée.

Les récentes élections générales en Grande Bretagne ont porté au Parlement une majorité écrasante de députés d’un parti dont le leader, Boris Johnson, a clairement affiché sa volonté de sortir de l’Union. L’analyse rétrospective des commentaires de nombreux journalistes sur le Brexit met en lumière un engagement politique aveugle.

Le vote sur le Brexit contesté dès la sortie des urnes

La chaine publique France Inter a été en pointe dans l’engagement mil­i­tant de cer­tains de ses jour­nal­istes con­tre le Brexit.

Avant même le référen­dum, Char­line Van­hoe­nack­er nous met­tait en garde le 20 juin 2016 dans un bil­let inti­t­ulé « ne nous brexi­tons pas ! ». « Le camp du Brex­it a essen­tielle­ment peur de l’afflux de réfugiés. Pour un pays qui en a colonisé des dizaines d’autres, vous fonc­tion­nez un peu à sens unique, non ? ». Cri­ti­quer le Brex­it en assim­i­lant l’immigration à une coloni­sa­tion, il n’y a que l’humoriste belge qui se per­met de le faire sur les ondes publiques…

Une fois le résul­tat con­nu, le jour­nal­iste Thomas Legrand titrait son édi­to du 28 juin 2016 : « Le référen­dum, objet démoc­ra­tique ? ». Ses doutes étaient vite lev­és : « le prob­lème, c’est que le non ne génère pas de solu­tions alter­na­tives cohérentes ». Patrick Cohen renchéris­sait « Le référen­dum ne serait pas si démoc­ra­tique que cela ? ». « Ben non » répondait Thomas Legrand. « Il va même sou­vent à l’encontre de la démoc­ra­tie par­tic­i­pa­tive ». Deman­der l’opinion au peu­ple, vous n’y pensez pas…

Après la pub­li­ca­tion du résul­tat du vote sur le Brex­it, il était dif­fi­cile de trou­ver un titre posi­tif d’une émis­sion ou d’un reportage de France Inter à ce sujet : « Le Brex­it inquiète aus­si la com­mu­nauté sci­en­tifique », « L’Ir­lande ébran­lée par le Brex­it », « Brex­it : les patrons bri­tan­niques peinent à recruter », « Brex­it : choc financier pour le bud­get de l’Union européenne », « Brex­it : une fac­ture salée pour le monde mar­itime français », « Opti­mi­sa­tion fis­cale : McDonald’s prof­ite du Brex­it pour s’in­staller au Roy­aume-Uni », etc. Tout était à l’avenant.

Plus proche de nous, le 8 août 2017, Cather­ine Chatig­noux, jour­nal­iste des Échos, s’interrogeait dans l’Edito éco de la chaine publique : « La sor­tie de l’Europe, est-ce la fin du monde ? ». Elle nous livre une réponse toute en nuance : « Un peu quand même ».

Le 31 août 2017, dans « Un jour dans le Monde », Olivi­er Pou­jade évo­quait sur France Inter avec clair­voy­ance David Cameron « qui gère comme il peut son statut d’homme le plus détesté d’Angleterre, depuis le jour du référen­dum sur le Brex­it, un pro­jet poli­tique calami­teux, (…) un dia­bolique engrenage ». « La classe poli­tique anglaise est aujourd’hui en lam­beaux ». « Après moi le déluge » reprend Fabi­enne Sintes. En con­clu­sion le référen­dum est qual­i­fié par Olivi­er Pou­jade de « gigan­tesque bourde poli­tique ».

Les élections générales du 12 décembre et la victoire incontestée d’un parti pro brexit

Les derniers mois n’ont été qu’une suc­ces­sion de « refus de saut » des députés bri­tan­niques face au vote sur la sor­tie de l’union européenne. Le 12 décem­bre 2019, des élec­tions générales ont été organ­isées en Grande Bre­tagne. Ceci afin de clar­i­fi­er la sit­u­a­tion poli­tique dans un con­texte où le vote sur le Brex­it a été large­ment con­testé. Le par­ti con­ser­va­teur pro Brex­it emmené par Boris John­son a rem­porté un suc­cès éclatant.

Le vote pro Brex­it des bri­tan­niques du 23 juin 2016 avait été présen­té comme impul­sif et manip­ulé. A tel point que de nom­breux jour­nal­istes français ont appelé de leurs vœux un nou­veau vote qui ne pour­rait qu’être favor­able au main­tien dans l’union européenne.

Après la vic­toire du par­ti de Boris John­son, le Salon beige et Mar­i­anne ont exhumé des déc­la­ra­tions bien peu vision­naires de nom­breux jour­nal­istes. C’est un véri­ta­ble festival.

Le Salon beige s’interroge le 13 décem­bre : « Faut-il s’attendre à un mea cul­pa de nos jour­nal­istes mil­i­tants ? » et cite de nom­breux exem­ples d’égarements jour­nal­is­tiques. Tan­dis que Mar­i­anne évoque le 16 décem­bre non sans mal­ice que « ces médias qui se plai­saient à annon­cer la chute prochaine de Boris John­son » avec plusieurs déc­la­ra­tions plus qu’hasardeuses.

Le 11 octo­bre, Thier­ry Mar­tin dévelop­pait sur Boule­vard Voltaire un point de vue bien isolé : « Pré­parez-vous au Brex­it, Boris John­son a plus d’un atout dans sa manche ». Il fai­sait un con­stat rétro­spec­tive­ment réaliste :

« La diver­sité de la presse quo­ti­di­enne du Roy­aume-Uni, qui tranche avec l’aspect mono­lithique des médias français, per­met au Bri­tan­nique de se faire sa pro­pre idée ».

Une autre tonalité dans la presse anglaise

Il fal­lait en effet lire la presse anglaise pour avoir une autre vision de la sor­tie de la Grande Bre­tagne de l’Union européenne. En juin 2016, The Inde­pen­dant présen­tait « 10 raisons d’être posi­tifs suite au Brex­it ». Le 29 mars 2017, le Tele­graph énumère « 100 raisons pour lesquelles le Brex­it est une bonne chose ». Plus nuancé, le Guardian, estime le 23 août que « les per­spec­tives pour l’économie sont pos­i­tives mais des négo­ci­a­tions ten­dues pour­raient génér­er de l’instabilité ».

Mais ces arti­cles, les jour­nal­istes français de grand chemin ne les ont sûre­ment pas lus. Une large par­tie de la classe médi­a­tique française a cru jusqu’au bout que ses con­vic­tions étaient justes et surtout partagées. L’avenir nous mon­tr­era si les récentes élec­tions en Grande Bre­tagne vont leur ont don­né une leçon de modestie.

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