La mort de Stéphane Hessel a été célébrée de manière unanime par les médias qui ont retracé la carrière et le parcours du « grand homme » que certains voudraient aujourd’hui voir entrer au Panthéon.
Un élément majeur de sa vie a été rappelé sur toutes les chaines et dans tous les journaux : l’ancien résistant a été coauteur de la Déclaration des droits de l’homme de 1948, ce qui lui donne bien entendu une aura supplémentaire. Problème : c’est faux.
Le journaliste Claude Moisy, ancien directeur de l’AFP, dénonce la « fabrication » d’une légende dans un article paru dans Le Monde daté du 5 mars dernier. Ni auteur, ni contributeur, ni collaborateur des auteurs de la déclaration, Hessel a tout au plus été témoin dans cette affaire. « La réalité est que pendant son séjour aux Nations-Unies, de 1946 à 1948, Stéphane Hessel n’a pris aucune part à la rédaction de la Déclaration qui eut lieu à ce moment-là », écrit-il. Hessel était en effet « le modeste chef de cabinet de l’un des huit secrétaires généraux adjoints de l’ONU, le Français Henri Laugier, chargé des affaires économiques et sociales, qui ne faisait pas partie du comité chargé de rédiger la Déclaration ».
Pourtant, les journalistes relaient systématiquement cette « info », certains plaçant Hessel aux côtés de René Cassin, un des véritables rédacteurs du document, d’autres carrément à la droite d’Eleanor Roosevelt, qui présidait le comité de rédaction, alors que « Stéphane Hessel n’a jamais siégé aux côtés ni de l’un ni de l’autre aux réunions du comité ».
Le plus grave pour Claude Moisy c’est que « tout le monde peut aujourd’hui accéder par Internet à des centaines de documents officiels sur la genèse de la Déclaration universelle des droits de l’homme, sur son comité de rédaction, sur ses débats et les conditions de son adoption. Aucun document de l’époque ne mentionne le nom de Stéphane Hessel ».
Si le principal intéressé a parfois été ambigu sur son propre rôle, il semble qu’au crépuscule de sa vie, il ait souhaité clarifier la situation. Ainsi le 3 janvier 2011, il corrigeait lui-même le tir dans un entretien au magazine Politis : « C’est l’occasion pour moi de revenir sur deux idées fausses. La première est que j’aurais fait partie du Comité national de la Résistance (…) L’autre erreur est de m’accorder le rôle de corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’homme (…) »
Cela n’empêche pas les médias de continuer à relayer « l’erreur ». Jeune Afrique, Médiapart, Arte, Le Nouvel Observateur, Rue89, France Info, etc… (liste complète ici).
La vérité étant publique, c’est donc sciemment que les journalistes continuent de relayer un mensonge dont le but est de créer une légitimité au personnage pour donner plus de poids à ses propos, largement partagés par l’ensemble de la classe médiatique.
« Un bel exemple de l’inconséquence avec laquelle les médias imposent à l’opinion publique une vision illusoire de l’Histoire autour de héros populaires rendus plus séduisants encore qu’ils ne le sont en réalité », selon Claude Moisy.
Dit autrement : un bel exemple de manipulation pure et simple.
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