Comme chaque début d’année, le ministère de l’intérieur rend disponible sur son site internet les principaux chiffres sur l’immigration extra-européenne de l’année écoulée. Comme chaque année, le nombre d’étrangers ne fait que croître en France. En dépit son importance considérable, l’arrivée dans le pays de près de 400 000 étrangers extra-européens en 2019 est un quasi non-événement pour les médias français.
En 2019, la France a vu arriver près de 400 000 étrangers extra-européens. Au nombre des premiers titres de séjours délivrés (276 576), il faut ajouter les clandestins, les mineurs étrangers et les 154 620 demandeurs d’asile arrivés dans l’année, déduction faite des 38 157 premiers titres de séjour délivrés pour motif humanitaire et des régularisations de clandestins.
Si les années précédentes, quelques journaux nous avaient fourni à l’occasion de la publication des chiffres annuels de l’immigration quelques enquêtes et analyses, cette année, alors que les flux d’arrivées sont considérables dans le pays, les médias de grand chemin se contentent pour la plupart de recopier laborieusement une dépêche de l’AFP.
La couverture médiatique des chiffres de l’immigration
Les chiffres des arrivées d’immigrés soumis à un titre de séjour en 2019 ont été mis en ligne sur le site du ministère de l’intérieur le 21 janvier. Si l’information est présentée dans de nombreux médias de grand chemin, les articles consacrés à ce sujet sont tous assez lapidaires (500 à 800 mots).
De nombreux articles reprennent les 22 et 23 janvier les principaux points de la dépêche de l’AFP au sujet des chiffres communiqués par le ministère de l’intérieur. Nous détaillons les éléments saillants présents dans 20 minutes, Le Point , Le Parisien , Le Figaro, Les Échos, Actualités du droit et sur Euronews :
- « Les demandes d’asile ont augmenté de 7,3% en 2019 ». Tous les articles le précisent.
- « La demande d’asile est en hausse », une hausse qualifiée de « modérée ».
- Le nombre des demandeurs d’asile qui est communiqué est celui annoncé par l’OFRA : 132 614. Quelques titres précisent qu’à ces 132 614, il convient d’ajouter les 39 630 personnes relevant de la procédure dite Dublin ayant déposé une demande d’asile dans les Préfectures. C’est le cas notamment de 20 minutes.
- La France a dépassé l’Allemagne dans le nombre de demandeurs d’asile.
- Le grand nombre de demandeurs d’asile géorgiens et albanais est plus rarement souligné, alors qu’ils sont issus de « pays sûrs ».
- Les expulsions de déboutés du droit d’asile et de clandestins ont augmenté de 19%.
- 276 576 premiers titres de séjour ont été délivrés.
- Plusieurs titres donnent la parole à un tiers qui commente les chiffres du ministère de l’intérieur ou citent une autre source.
20 minutes cite un rapport parlementaire selon lequel la demande d’asile explose en France.
Le Point reprend sans aucun commentaire les propos du ministère de l’intérieur : « Les demandes d’asile pourraient commencer à décroitre », pour terminer l’article sur un autosatisfecit. Les chiffres de l’immigration qui explosent traduiraient « un engagement fort du gouvernement pour garantir une politique d’immigration , d’asile et d’intégration équilibrée, cohérente et ambitieuse».
Le Figaro donne la parole à Éric Ciotti, Guillaume Larrivé et à Brice Hortefeux (LR) qui s’expriment au sujet des chiffres communiqués. Le directeur de la Direction Générale des Étrangers en France commente en toute neutralité administrative l’augmentation des expulsions.
On apprend dans Le Parisien que « les flux irréguliers ont beaucoup baissé en Europe » selon la Place Beauvau et que la France est « un pays de rebond » pour les demandeurs d’asile.
Bidouillage, banalisation et absence d’esprit critique
Le nombre d’arrivées d’étrangers extra-européens en France en 2019 est non seulement en forte hausse par rapport aux années précédentes. Il est tout à fait considérable. Pourtant, les articles des médias de grand chemin qui sont censés le relater sont marqués par une banalisation de l’ampleur des flux qui arrivent dans le pays et une absence d’esprit critique.
Le bidouillage du chiffre des demandeurs d’asile
Checknews de Libération l’a souligné le 20 janvier : l’Office statistique européen (Eurostat) aurait demandé aux autorités françaises de « revoir (leur) copie » sur le nombre de demandeurs d’asile qui lui est remonté. Eurostat reproche au gouvernement français de ne pas avoir intégré dans les statistiques communiquées les demandeurs d’asile sous procédure Dublin , « ce qui a pour effet de minorer les chiffres ». La procédure Dublin prévoit que les personnes arrivant en Europe doivent être prises en charge par le pays d’entrée dans l’Union européenne, ce qui n’est bien souvent pas le cas.
Chiffres sous-estimés
Il ne fallait pas faire de grandes recherches pour constater dans les statistiques du ministère de l’intérieur sur les demandes d’asile que les chiffres mis en avant par le gouvernement sont sous-estimés. En 3ème page du document, et cela depuis des années, il est indiqué que « la France pourra envisager de se conformer prochainement aux exigences d’Eurostat » conformément à une Directive européenne. Un engagement annoncé chaque année et non suivi d’effet. En comptabilisant les demandes déposées en Préfecture dans le cadre de la procédure Dublin, le nombre de demandeurs d’asile est de 154 620, et non de 132 614 comme le titrent presque tous les médias de grand chemin.
Si certains journaux mentionnent le nombre de demandeurs d’asile « dublinés », le chiffre total des demandeurs d’asile figurant en 3e page des statistiques gouvernementales n’est que très rarement repris par les médias de grand chemin. Encore un effort, camarade journaliste, pour ne pas céder aux tours de manche du gouvernement dans sa communication…
Une ampleur des flux banalisée
Si quelques médias soulignent que le nombre de demandes d’asile déposées en France en 2019 est un « record », aucun ne souligne globalement l’ampleur considérable du nombre d’arrivées d’extra-européens dans le pays : 154 620 demandeurs d’asile, 276 576 premiers titres de séjour.
Il faut ajouter à ce chiffre:
- les clandestins, dont le gouvernement ne communique plus le chiffre depuis 2019. Pour mémoire, ils étaient selon le Pôle national d’analyse migratoire rattaché au Ministère de l’intérieur, cité par le Figaro le 19 mars 2018, 79 500 à être entrés sur le territoire en 2017. Aucun média ne s’interroge sur la fin de la communication des statistiques à ce sujet.
- les mineurs étrangers. Si les départements n’ont pas encore communiqué sur le nombre de jeunes, souvent africains, qui se sont pressés aux guichets de l’aide sociale à l’enfance (ASE) en 2019, la presse locale fait état d’une explosion des demandes d’ASE dans plusieurs départements : + 49% entre 2017 et 2019 dans le département de l’Hérault selon Lengadoc info, + 50% entre 2017 et 2019 dans le Cher selon France bleu, + 7% par rapport à 2018 dans les Vosges selon Vosges matin, + 167% entre 2015 et 2019 dans le département de la Loire selon France bleu, + 205% entre 2016 et 2019 dans le département de Seine Maritime selon Actu.fr, + 721% entre 2012 et 2019 en Mayenne selon France bleu, etc.
Par contre, presque tous les titres parlent de l’augmentation du nombre des expulsions, alors qu’elles ne représentent qu’une infime partie des déboutés du droit d’asile et de l’aide sociale à l’enfance qui devraient retourner dans leurs pays.
Une absence d’esprit critique de nombreux médias
Aucun média de grand chemin ne le souligne : les flux considérables d’arrivées d’immigrés extra-européens arrivent à un moment où les usines ferment en France et où l’islamisme et le communautarisme se propagent.
Il y a juste un an, plusieurs articles dans les médias évoquaient les 2,85 millions de personnes comptabilisées dans la population active, « ni en emploi, ni en études, ni en formation ». Que le gouvernement fasse de l’immigration sa priorité, comme en témoigne le budget dédié, et non du retour à l’emploi des désœuvrés, n’appelle pas de commentaires de la part des médias dits mainstream. Tout comme le fait que les demandes d’asile sont comme le relevait la cour des comptes en 2015 une porte d’entrée de l’immigration illégale en France n’est souligné par aucun média dominant. On n’en saura pas davantage sur les raisons pour lesquelles les demandes d’asile baissent partout en Europe sauf en France.
La communication lénifiante du gouvernement pourra sans nul doute continuer l’année prochaine à endormir les citoyens en évoquant, comme cette année, une « possible baisse » des demandes d’asile l’année suivante. Il y a fort à parier que les médias de grand chemin ne seront une nouvelle fois pas là pour alerter les lecteurs et téléspectateurs sur la déferlante migratoire qui est en cours.