Une page importante de l’histoire de France est en train de s’écrire en ce moment. Dans la gestion de la pandémie, les médias sont à la fois le vecteur des annonces du gouvernement et le témoin de ses hésitations, de ses contradictions et de son idéologie. Les réseaux sociaux viennent pour le meilleur et parfois pour le pire compléter une information qui est souvent sans esprit critique dans les médias de grand chemin.
Le rapprochement des informations donne l’impression d’assembler les pièces d’un puzzle, dont l’image générale devient de plus en plus claire : celle d’une grande improvisation dans la gestion de la crise et d’un suivisme du gouvernement français par rapport aux autres pays confrontés au même virus. Dans la couverture médiatique de cette crise sanitaire, le rôle d’aiguillon du cinquième pouvoir est de plus en plus souvent joué par les médias alternatifs, sur internet et les réseaux sociaux. Situation au 18 mars 2020.
Un risque de propagation très faible
Les premiers symptômes du coronavirus ont été détectés chez des patients en Chine à partir du 8 décembre 2019, comme le rappelle Le Parisien. L’épidémie connait un pic le 7 février. Le début du confinement dans la province de Wuhan en Chine est organisé à partir du 22 janvier, nous explique La Croix.
L’épidémie se propage rapidement en Europe. Ce n’est que deux mois plus tard que le confinement commence en France, comme le souligne François Asselineau le 17 mars sur une vidéo en ligne. Le rédacteur en chef de L’Incorrect nous rappelle le 14 mars les propos tenus le 24 janvier par la ministre de la santé, Agnès Buzyn :
« Le risque d’importation depuis Wuhan est quasi nul. Le risque de propagation du Coronavirus dans la population est très faible ».
Heureusement la radio d’État France Info est là pour prendre la défense de la Ministre le 9 mars :
« C’est vrai, mais le contexte de l’époque est bien différent ».
Le 16 février, alors que la contamination se propage en France, la ministre de la santé annonce sa démission, pour se présenter aux élections municipales à Paris.
Le 17 mars, l’ancienne ministre de la santé Agnès Buzyn, déclare au journal Le Monde à propos des élections municipales « on aurait du tout arrêter, c’était une mascarade ». Revenant sur sa démission, elle affirme : « quand j’ai quitté le ministère, je pleurais car je savais que la vague du tsunami était devant nous ». BFMTV met en relief cette annonce glaçante de l’ex-ministre : « Il va y avoir des milliers de morts ».
Selon Le Figaro du 18 mars, la ministre de la santé se serait opposée au premier ministre sur les mesures à prendre, qui n’auraient pas été suffisamment importantes avant sa démission. Ces déclarations provoquent de nombreuses réactions tant dans les médias de grand chemin que dans les réseaux sociaux.
Des masques envoyés en Chine
Le 19 février, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères annonce dans un communiqué de presse largement médiatisé l’envoi de 17 tonnes de fret médical à destination des structures hospitalières en Chine : masques, combinaisons, gants, etc.
Dès la mi-février, la pénurie de masques en France, en particulier pour les professionnels de santé (FFP2), est manifeste. Ils s’en inquiètent selon Sciences et Avenir le 7 mars.
Le 4 mars, des médecins généralistes annoncent qu’ils vont attaquer l’État devant le tribunal administratif de Paris pour obtenir des masques selon egora.fr, un site d’informations médicales.
Le 5 mars, l’émission sur France 2, Envoyé spécial consacre un reportage à l’épidémie de coronavirus, en particulier à Creil, où est morte en France la première personne en raison de cette maladie. On y apprend que ce sont des militaires de la base militaire de Creil qui ont participé au rapatriement de français basés à Wuhan, en Chine.
Le 14 mars, les autorités sanitaires françaises annoncent que le pays passe en stade 3.
La lutte contre le coronavirus
Les contrôles de température
Aucun contrôle spécifique des passagers d’avions venant de Chine n’est mis en place dans les aéroports français. Les contrôles de température à la frontière « ne servent à rien » selon la ministre de la santé, nous informe le Huffpost le 26 janvier.
S’exprimant le 11 mars sur les mesures prises par l’Italie pour limiter la propagation du coronavirus, la porte-parole du gouvernement affirme au sujet du contrôle de température aux frontières :
« manifestement cela n’est pas ce qui a freiné l’épidémie (…). Dès lors qu’il était possible d’effacer la trace de la fièvre en prenant des médicaments antipyrétiques, c’est-à-dire , c’est-à-dire permettant de lutter contre la fièvre, c’est une mesure qui n’a pas d’intérêt (…) La fermeture de ses frontières (italiennes NDLR) avec la Chine n’a pas permis de freiner l’épidémie ».
La vidéo de la conférence de presse a, selon un internaute sur Twitter, disparu du site de BFMTV.
Le Daily Mail consacre un article le 16 mars aux deux premières victimes de la maladie en Italie : ce sont des Chinois originaires de la région de Wuhan. Selon La Voix du Nord le 21 janvier, d’autres pays comme la Russie et la Thaïlande ont rapidement mis en place des contrôles systématiques de température des passagers venant de Chine.
Le port de masques
Le 26 janvier, la ministre de la santé affirme que le port du masque pour les non contaminés est « totalement inutile ».
Le Président du syndicat Union française pour une médecine libre milite selon Le Figaro le 13 mars pour « la généralisation du port du masque, ou au moins dans les transports en commun ».
Alexandre Mignon, professeur de médecine spécialiste en réanimation à l’hôpital Cochin affirme le 15 mars à l’antenne de BFMTV que « le port du masque pourrait être extrêmement utile pour renforcer les mesures de confinement ».
Alors qu’un représentant de la fédération de l’hospitalisation privée affirme sur BFMTV que des lits de réanimation ne sont pas occupés car le personnel ne dispose pas de masques, 20 Minutes nous apprend le 17 mars que 100 000 masques vont être distribués aux prisonniers.
Des mesures divergentes selon les pays
André Bercoff sur Sud Radio rappelle lors de son émission du 17 mars les dizaines de milliers de lits d’hôpitaux qui ont été supprimés dans les dernières années ainsi que les réductions drastiques du budget de la santé, revendiquées par le Président Macron jusqu’à récemment.
BFMTV fait le 17 mars un comparatif des mesures prises par différents pays pour lutter contre le coronavirus. Il en ressort que contrairement aux affirmations du ministre de l’intérieur, la France n’a pas pris les mesures les plus strictes d’Europe.
Libération résume une étude sur les moyens de lutte contre la pandémie. La détection précoce et l’isolement des cas détectés seraient la méthode la plus efficace pour endiguer la propagation du virus.
Un modèle qu’a pris avec succès Taïwan qui n’a recensé au 12 mars qu’un seul mort, selon RFI.
France Inter détaille la pratique très restrictive en France des tests de dépistage. Le Parisien nous apprend le 17 mars que le tri des malades à soigner en priorité est désormais une réalité en Alsace.
Sur BFMTV, lors de l’émission Ligne rouge le 9 mars, le nouveau ministre de la santé affirme que « c’est le confinement qui provoque la circulation du virus ». La restriction de circulation devient effective le 17 mars à midi, nous apprend le ministre de l’intérieur, notamment par un SMS envoyé à des millions de français.
Surtout ne pas renoncer aux terrasses, aux salles de concert et aux fêtes de soir
Le 11 mars, le Président de la République s’exprime sur Twitter :
« Nous ne renoncerons à rien. Surtout pas à rire, à chanter, à penser, à aimer. Surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, aux fêtes de soir d’été. Surtout pas à la liberté. Surtout pas à notre esprit de résistance qui fait la République si grande, la France si forte ».
Le 14 mars, le Premier ministre annonce la fermeture à compter du 15 mars de nombreux lieux publics : restaurants, bars, cinéma, discothèques, etc.
Il estime qu’ « il n’y a à ce jour pas suffisamment de prise de conscience par les Françaises et les Français de l’importance de leur rôle face au virus. C’est urgent, c’est maintenant qu’il faut changer de comportement ».
Le 15 mars, l’épouse du Président, Brigitte Macron, fait part au Parisien de son ressenti depuis le début de l’épidémie du coronavirus. À Paris l’après-midi du dimanche 15 mars, elle se promène sur les quais de Seine ensoleillés avec ses gardes du corps. Elle se dit « stupéfaite » d’y croiser autant de monde.
Les écoles ouvertes ferment rapidement
Dans la journée du 12 mars, le Ministre de l’Éducation nationale exclut sur BFMTV la fermeture totale des écoles, qui ne serait pas une stratégie adaptée et préconise la fermeture dans des zones « ciblées ». Le 12 mars, à 20 heures, lors d’une allocation télévisée, le Président de la République annonce la fermeture pour une durée illimitée de toutes les écoles, crèches et universités.
Les frontières ne servent à rien
France 24 rappelle le 14 mars que le Président de la République n’a au cours de son allocution télévisée du 12 mars pas annoncé la fermeture des frontières nationales. La chaîne mentionne la défense de cette décision par le ministre de la santé :
« Un virus n’a pas de frontières. Il circule en Italie, en Espagne, en Allemagne mais aussi dans des pays qui ont déjà des frontières, comme la Suisse. (…). Scientifiquement cela n’a pas d’ intérêt ».
Le site du think tank américain Gatestone Institute recense dans un article publié le 17 mars les pays ayant imposé de stricts contrôles et restrictions aux frontières. La liste est longue : Autriche Italie, Espagne, Slovénie, Pologne, Suisse, République tchèque, Estonie, Albanie, Bulgarie, Macédoine du nord, etc.. La difficulté par la chancelière allemande de prendre cette décision est relatée par le quotidien Bild.
Le 12 mars, la police fédérale allemande de Sarre, Bade Wurtemberg et Rhénanie Palatinat annonce des contrôles renforcées aux frontières et des prises de température sur les voyageurs venant de France (par la route, le train ou l’avion). Une décision critiquée par le Président Macron qui souhaite un contrôle des frontières extérieures coordonné, selon Ouest-France.
Les pressions politiques et l’aspiration populaire auront eu raison de l’espace Schengen. Suite à l’annonce du Président Macron d’un contrôle des frontières extérieures de l’Europe lors de son allocution télévisée du 16 mars, comme en fait état France Info, la France est une nouvelle fois isolée et à contrecourant des autres pays européens dans la gestion de la crise sanitaire.
Pierre Gentillet résume la situation :
« Nous n’avons pas voulu fermer notre pays, nous serons contraints de demeurer enfermés dans nos maisons. Bien joué ».
Alors que l’Europe entend pendant la période de quarantaine contrôler strictement les arrivées, pas un média ne soulève les dizaines de milliers d’arrivées de clandestins en Grèce, en Espagne et en Italie que continue à recenser le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies. La tentative de submersion migratoire du gouvernement turc à la frontière grecque a pour sa part complétement disparu des radars médiatiques.
Un confinement qui commence mal
24 heures avant l’annonce du confinement, LyonMag fait état dimanche 15 mars d’émeutes au quartier la Duchère à Lyon, qui se manifestent par des caillassages contre les forces de l’ordre et des pompiers.
Simon Louvet sur son compte Twitter montre au début de la période de confinement le 17 mars la difficulté à faire respecter les gestes barrières et le confinement dans le nord de Paris.
France 3 fait état le 17 mars d’une mutinerie à la prison de Grasse, après l’annonce de la suspension des parloirs pour cause de pandémie coronavirus.
Les réseaux sociaux relatent de nombreux comportements inciviques, comme une femme à Paris qui tousse devant des policiers et ne respecte pas le confinement. À Saint-Denis le 17 mars, la foule se masse à l’entrée d’un supermarché aux mépris des règles d’hygiène, selon l’AFP sur Twitter.
France Info fait état le 17 mars d’incivilités dans des files d’attente à l’entrée de magasins à Toulon, Mulhouse et Nice et nous apprend qu’un supérette a été pillée à Trappes.
Alors que les vols de masques dans les hôpitaux et pharmacies se multiplient, la vente clandestine de masques semble aller bon train.
Tous les services publics n’ont pas arrêté la réception du public : un tweet de la Préfecture du Rhône nous apprend que l’accueil des usagers est suspendu, sauf pour les demandeurs d’asile.
À la gare Montparnasse, c’est en ce début de pandémie, la cohue vers les trains selon Patrick Edery. Dans le quartier de la Guillotière à Lyon, une caméra cachée montre le 16 mars que l’arrêté de fermeture des nombreux commerces est largement ignoré.
Le débat public dans les médias
Ivan Rioufol, commentant l’absence de masques, de tests et de contrôles aux frontières, rappelle le 14 mars les propos du Président de la république aux députés LREM : « soyez fiers d’être des amateurs ».
Patrick Edery pointe les contradictions du Président Macron, qui affirme « en même temps » que le virus se propage si on reste 15 mn à un mètre de quelqu’un et qu’il était légitime d’aller voter. « C’est un fou furieux », commente l’éditorialiste du syndicat Solidarnosc.
Le 12 mars, Alain Duhamel estime sur BFMTV que « rien ne prouve que la méthode italienne est la bonne. Rien du tout. On n’a pas envie de les imiter ».
Jean Messiha recense dans une courte vidéo les verbatim des commentaires des journalistes et spécialistes auto déclarés opposés à la fermeture des frontières. Une position que Michel Onfray analyse de façon détaillée sur son blog le 16 mars dans billet intitulé « Macron au pied du mur ».
Comme nous l’apprend Gala le 17 mars, le médecin et journaliste Michel Cymes fait son mea culpa sur le plateau de C à vous pour avoir minimisé la gravité de la crise et reproché à Nadine Morano, Nicolas Dupont Aignan et Marine Le Pen leurs critiques à l’encontre du gouvernement. Il leur doit des excuses, affirme Nadine Morano sur Twitter.
Le 14 mars, lors de l’émission C à vous, Michel Apathie, jamais avare de commentaires, estime que « les médecins nous ont mené dans le mur ». Après la culpabilisation des Français, celle des médecins en première ligne, parfois sans masques de protection…
En ces premiers jours de confinement, quelques médias et surtout les réseaux sociaux mettent en lumière un certain délabrement sanitaire et social de la France. L’information médiatique fait ressortir plusieurs éléments saillants :
— le dogme du Président Macron selon lequel les frontières extérieures de l’Europe garantissent la protection des Français ;
— l’exemplarité défaillante du couple présidentiel ;
— les capacités de l’hôpital public gravement réduites ;
— une arrogance de certains membres du gouvernement, qui se manifeste dans les critiques contre les pays voisins qui ont mis en place plus rapidement le confinement et les contrôles aux frontières ;
— des protections individuelles gravement absentes (gels, masques) ;
— des tests pratiqués au compte-goutte ;
— un incivisme qui se manifeste ouvertement.
Pour conclure sur une note d’optimisme, signalons ces articles consacrés aux entreprises françaises qui s’organisent pour produire des masques de protection et du gel désinfectant ainsi que l’abnégation des soignants et de nombreuses autres professions qui maintiennent une activité minimale et vitale.