Il n’aura pas fallu longtemps pour que les théories du complot pullulent, il en aura fallu encore moins pour s’écrier au complotisme et mettre dans le même sac à peu près l’intégralité de tout ce qui s’apparente à de la pensée qui se veut critique…
Sur CNews, le mercredi 25 mars 2020 à 13h50, une rubrique de cinq minutes, anodine de prime abord, traite « coronavirus : fake news et complotisme ». Cinq minutes pour ce délicat sujet. À la pelle et à l’appui, un journaliste présente tweets, gifs, mêmes, et commentaires sur divers réseaux sociaux dont l’inénarrable “forum blabla 18–25ans” du site jeuxvideos.com.
Absence de contextualisation
On révèle un tweet soulignant les mauvaises relations entre le professeur Raoult et « Monsieur Lévy », mari d’Agnès Buzyn et ancien président de l’INSERM. Parlera-t-on de la question sous-jacente du tweet, savoir les conflits d’intérêts et les querelles d’égo, dans le milieu médical en l’occurrence, qui déborderaient sur l’intérêt général ? Non, car…
Le journaliste relève que la formulation « Monsieur Lévy » tend à mettre l’accent sur sa judaïté. Raisonnement par induction oblige, le tweet devient antisémite, donc la majeure partie des complotistes sont antisémites, ou bien cet antisémitisme qui voit une incidence juive dans l’épidémie est caractéristique du complotisme/conspirationnisme d’aujourd’hui. Le contenu du commentaire est annihilé pour simple suspicion formelle d’antisémitisme.
Le journaliste de CNews rempile avec une vidéo d’humour noir qui détourne des vidéos de Raoult, des affiches avec écrit « Ici Coluche, surtout ne prends pas la moto dans les semaines qui viennent. » Ce dernier conclut que l’humour est ici injustifié, teinté encore de complotisme, avec la référence à Coluche, pis ! que ce genre d’humour employant la dérision cache en réalité la volonté de désinformer et de rendre amusant, un contenu en filigrane haineux ; l’art de la persuasion à des fins idéologiques sous couvert d’humour. L’argumentaire du journaliste paraît vite tenir plus du jugement et de l’affect que de la stricte information.
Conspirationnisme ?
Samedi 28 mars 2020, Le Monde publie un article « Comment le coronavirus est devenu un terrain fertile pour le théories du complot ».
En gros titre : « les jeunes et les classes sociales les plus modestes » qui adhèrent le plus aux théories de complots. En somme, ce sont les deux catégories de personnes qui votent le plus RN qui bercent dans le complotisme. Hasard ? Raccourci que certains ne pourraient-ils pas, hâtivement, taxer de « désinformation » ?
Chloroquine et anti-sémitisme
Le même jour dans le même journal, un article donne avec ferveur dans le ridicule, sur “Didier Raoult, égérie des complotistes”. Où l’on apprend avec stupeur (et un sourire navré) que les admirateurs du professeur Raoult surfent sur un argumentaire (encore !) antisémite souterrain. Avec le soutien de l’obscur mais bien financé Observatoire du conspirationnisme. Un observatoire du conspirationnisme et des théories du complot fondé en 2007 par Rudy Reichdstadt qui constitue – comme le Decodex du Monde – un outil au service de la dénonciation des idées opposées au monde libéral-libertaire. L’objectif, en dénonçant le complotisme réel ou supposé, est de ramener ceux qui prêtent attention aux idées déviantes dans le droit chemin de la doxa dominante. Et l’aide intéressée de l’ « historienne » Valérie Igounet, une chercheuse très politique… et voleuse à ses heures à qui nous avons déjà consacré un papier en 2016.
Dans un récent article sur le baromètre comparé des médias entre 1975 et nos jours, nous avions remarqué la tendance en augmentation constante à penser que les médias ont une liberté de ton relative, sont biaisés par leur hiérarchie, et que leur action a plus tôt fait d’envenimer une situation que d’en rapporter strictement les faits. « Une chimie extraordinaire » une « trop grande subtilité », « d’un caractère impressionnant. » à qui et pour qui sont ces mots, éloges, panégyriques et autres dithyrambes ? Emmanuel Macron, de la part d’Anna Cabana, journaliste au Point, sur BFMTV à 18h52 le 4 février 2020… Un exemple de propos partisan de journaliste qui n’a qu’un effet, confirmer l’opinion dans son idée : les médias orientent l’information, donc sont susceptibles d’écarter ce qui gêne ; face à un tel décalage ressenti entre ceux qui parlent et ceux qui écoutent, la proportion de ceux qui estiment qu’on nous cache des choses ne peut qu’augmenter.
Trop d’informations crée autant de doutes que l’absence d’informations
Le Covid-19, où l’occasion de constater l’incapacité des médias dominants de se rendre compte que leur manière d’informer est la cause même de leur délitement et de la recherche de médias alternatifs par la population, en bien comme en mal. Réflexe du journaliste pavlovien : plutôt qu’argumenter contre ceux qui véhiculent des idées prétendues complotistes, le recours aux « Circulez, il n’y a rien à voir » et « Surtout n’allez pas vous informer ailleurs ».
Du même coup, les plus jeunes (et de nombreux moins jeunes) ne trouvent dans les médias de grand chemin qu’une information à laquelle ils ne se fient plus, et se dirigent ailleurs, sur un médium (internet) qu’ils utilisent massivement.