Nous empruntons à notre excellent confrère L’Étoile de Normandie, le webzine de l’unité normande, un article du 17 avril 2020 consacré à la presse normande. Au-delà de la crise de Paris Normandie, il brosse un tableau d’ensemble d’une presse régionale largement dominée par la Bretagne et insiste sur l’importance stratégique de conserver en Normandie les décisions et les centres de pouvoirs des médias locaux, mieux à même de comprendre les enjeux, de Cherbourg à Dieppe, d’Avranches à Évreux, en passant par Caen, Le Havre, Rouen et Bellou-en-Houlme.
Dans un billet récent nous vous avions alerté sur la situation financière inquiétante sinon catastrophique dans laquelle se trouve la société éditrice du quotidien Paris Normandie :
Jean-Louis Louvel, dans un premier temps et, ensuite, Pierre-Antoine Capton, les deux financiers qui devaient jouer les bonnes fées à la demande d’Hervé Morin, le président normand bien conscient de l’importance stratégique pour notre région de conserver dans notre métropole régionale un quotidien et un média indépendant, semblent vouloir ne pas honorer leurs promesses au vu de la situation financière du titre qui s’est rapidement dégradée après plus de trois semaines de confinement, notamment Pierre-Antoine Capton, ce proche de l’actuel Président de la République, enraciné en Normandie à Trouville, qui devait recapitaliser le quotidien pour le redéployer sur Internet mais aussi territorialement sur l’ensemble de la Normandie réunifiée : l’objectif étant, à terme, de faire de Paris Normandie, le quotidien régional normand de référence diffusé tant à Rouen qu’à Caen ou au Havre.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : dans la tempête actuelle il faut de la trésorerie disponible et seuls les grands groupes multimédias en disposent.
La réunification médiatique de la Normandie n’est toujours pas complètement réalisée : elle l’est, cependant, de plus en plus sur Internet avec une proposition très active en provenance des sites internet de Paris Normandie (justement), de Tendance Ouest, La Manche libre, Le Courrier cauchois et de l’incontournable Publihebdos, la filiale virtuelle et papier des titres hebdomadaires locaux contrôlés par le groupe éditant Ouest-France : avec le site “actu.fr” décliné sur toute la France en fonction des régions administratives, la veille informationnelle normande est donc réunifiée à l’initiative d’un groupe de médias dont les capitaux et le pilotage sont… bretons.
Avant que ne soit confirmée la solution financière apportée par Pierre-Antoine Capton, il a été, un temps, question de contacts entre Jean-Louis Louvel (désireux de retirer d’une partie du capital de Paris Normandie pour se lancer dans une aventure politique municipale rouennaise aujourd’hui enlisée dans l’après crise du covid-19) et le groupe Leclerc qui contrôle le réseau radiophonique et le site internet “Tendance Ouest” ainsi que les deux seuls titres hebdomadaires normands échappant au monopole de Ouest-France-Publihebdos : La Manche libre et Le Courrier cauchois.
L’idée que nous avions ici soutenue était que l’arrivée des titres de presse du groupe éditant Paris Normandie dans l’escarcelle du groupe Leclerc, le seul groupe de presse multi-médias 100% normand et 100% indépendant des Bretons de Ouest-France, était l’occasion de créer, enfin, un groupe multi-médias 100% normand, 100% indépendant et couvrant la Normandie à 100%.
Mais derrière cet objectif louable il y a quelques réalités rugueuses qu’il faut avoir le courage d’énoncer ici :
1) Un tel rapprochement entre les Rouennais de Paris Normandie et les Saint-lois de Tendance Ouest ne manquera pas de poser la question des doublons, des restructurations et des suppressions de postes : dans un tel projet y aurait-il la place pour deux imprimeries modernes ? Celle de Saint-Lô qui imprime le gratuit métropolitain Tendance Ouest, l’hebdomadaire La Manche libre et Le Courrier cauchois. Celle de Saint-Étienne-du-Rouvray qui imprime toutes les déclinaisons éditoriales de Paris Normandie. On doit craindre d’avoir répondre par la négative à cette question.
2) Plus inquiétant : nous avons constaté et nombre des lecteurs de L’Étoile de Normandie en ont fait aussi la désagréable expérience, que les titres de presse appartenant à de grands groupes se ressemblent de plus en plus par la ligne éditoriale et les contenus et ce pour des raisons comptables voire industrielles qui nous éloignent quelque peu de l’idéal du journalisme. En effet, à l’instar de ce qui a été fait par le Groupe EBRA possédé par le Crédit Mutuel qui a racheté, ces dernières années, quasiment la totalité des titres de la presse hebdomadaire ou quotidienne des régions de l’est de la France, on peut craindre que ne soit appliqué en Normandie la méthode de n’avoir qu’une ou deux rédactions réellement actives et créatives pour alimenter en contenu des dizaines de titres différents : à la fin, c’est toujours le même poisson passablement faisandé mais c’est la couleur du papier qui l’emballe qui change en fonction du territoire de diffusion.
Cette méthode, nous l’avons vue à l’œuvre dans les titres de la presse hebdomadaire locale de Normandie qui était, autrefois, d’une infinie richesse avec un titre par pays ou par département normands. Depuis la prise de contrôle par le groupe Publihebdos-Ouest-France, on ne voit guère la différence entre Le Démocrate Vernonais et La Renaissance-Le Bessin, si ce n’est la page locale des chiens écrasés : nous assumons la caricature de ce constat mais c’est bel et bien la direction éditoriale prise. Le fait que nos lecteurs nous ont fait remarquer, récemment, que Le Courrier cauchois ressemblait de plus en plus à La Manche libre (et vice-versa) doit nous alerter : “l’ébraïsation” de la presse normande menée tant par le groupe Ouest-France que par le groupe Leclerc est en marche !
Que faire ?
Il y a urgence à ne pas laisser tomber le titre Paris Normandie, ça va sans dire! Ce sera l’une des urgences normandes à traiter lorsque l’actuelle crise sanitaire sera enfin terminée. On peut raisonnablement penser que le dossier est suivi de près par Hervé Morin le président de la Normandie.
Question
Des collectivités territoriales normandes (le conseil régional, le conseil départementale de la Seine-maritime, la métropole de Rouen) oseraient-elle entrer dans le capital de Paris Normandie ? Au risque de se voir reprocher la même situation de conflit d’intérêts politiques qui fut soulevée lorsque Jean-Louis Louvel, le roi de la palette, premier sauveteur du titre, s’était présenté aux élections municipales à Rouen.
Il n’y a que des mauvaises solutions dans ce dossier. Mais il ne faudrait pas perdre de vue l’urgence : la Normandie doit assurer son indépendance et sa souveraineté médiatique pour que la réunification soit définitivement acquise dans toutes les consciences normandes.
La crise actuelle est une grande épreuve : la Normandie réunifiée pourrait en sortir plus forte. À condition que les Normands en soient correctement informés !
C’est ce que nous tentons de faire ici sur L’Étoile de Normandie depuis de nombreuses années et nous vous remercions encore pour votre fidélité et votre soutien.
Source : normandie.canalblog.com