Rediffusion estivale 2020. Première diffusion le 21 avril 2020
De rares journalistes l’ont constaté : alors que la population est obligée de rester chez elle, les incidents et violences dans les banlieues ne connaissent pas de trêve. Un récent fait divers nous montre que si les médias de grand chemin minimisent les violences urbaines, nombreux sont ceux qui se mobilisent sur les réseaux sociaux pour dénoncer de prétendues bavures policières et attiser le ressentiment communautaire.
Des violences urbaines à la pelle
Chaque bon citoyen devant rester chez lui afin de limiter la propagation du coronavirus, les habituelles violences urbaines dans les banlieues devraient en toute logique connaitre une pause pendant le confinement imposé jusqu’au 11 mai. Pourtant, la lecture des faits divers dans les médias locaux nous montre qu’il n’en est rien, bien au contraire. Sur la seule semaine du 12 au 19 avril, la liste – non exhaustive — des violences urbaines relatées par la presse quotidienne régionale est impressionnante.
12 avril
Des individus organisent un guet-apens contre des policiers et tirent des mortiers notamment contre un hélicoptère de la Police à Grigny (91).
13 avril
Au Havre, des policiers sont visés par des cocktails Molotov alors qu’ils sécurisaient une intervention de pompiers ; à Trappes (78) des policiers sont visés par des tirs de mortier et des projectiles lors de deux interventions ; à Évreux, ce sont des rodéos de motos et des tirs de mortier après l’interpellation d’un individu.
14 avril
À Colombes (92), une voiture de Police est incendiée et 3 autres détériorées.
15 avril
Dans l’agglomération de Clermont-Ferrand, c’est un policier de la BAC qui en essayant d’interpeller des individus se fait rouler sur le corps par la voiture des délinquants, qui le trainent sur une vingtaine de mètres. Trois autres policiers sont blessés. À La Courneuve (93), un homme muni d’une arme blanche (couteau) attaque des policiers.
16 avril
À Clichy, un homme qui menaçait de mort les passants avec une arme de poing est interpellé.
17 avril
Dans le 8e arrondissement de Paris, le dealer refuse le contrôle et fonce sur les policiers. À Trappes et Mantes-La-Jolie, des policiers sont visés par des tirs de mortier et des jets de projectiles
18 avril
À Grigny encore, les policiers sont de nouveau pris pour cible : tirs de mortier et jets de projectiles à deux reprises à leur encontre.
19 avril
À Hem (59), ce sont des motards de la Police nationale qui sont pris à parti par une cinquantaine de jeunes, 2 suspects sont interpellés ; à Villeneuve-La-Garenne, un homme à mini moto chute et se blesse après avoir percuté un véhicule de Police.
Volée de bois vert sur les réseaux sociaux
Ce dernier fait divers met en émoi les réseaux sociaux. Damien Rieu qui a commenté l’accident sur son compte Twitter reçoit une volée de bois vert et de nombreuses menaces de mort, ce qui amène des personnalités politiques à lui témoigner son soutien. Les hashtags #mortauxporcs, #ACAB, #DamienRieu, sont retweetés plusieurs dizaines de milliers de fois.
Alors qu’une enseignante affirme sur son compte Twitter que « des policiers ont arraché la jambe d’un homme à moto », la syndicaliste policière Linda Kebbab dénonce « 1 tweet et trois mensonges ».
Une autre policier tente de calmer l’émoi sur Twitter :
« J’espère que ce jeune homme se rétablira vite mais avant de crier à la “bavure” pourquoi ne s’est-il pas arrêté pour se faire contrôler ? La moto était-elle volée ? Les collègues ont-ils mis un coup de portière ? Non ce n’est pas #Twitter qui fait l’enquête…Donc calmez-vous ».
Toujours sur Twitter, Taha Bouhafs, qui se présente comme « journaliste, plus souvent dans la rue qu’à la rédac », mène l’enquête (enfin, il mène son enquête). « Beaucoup de flou et d’incohérence dans la version de la Police » estime-t-il dans un tweet.
À 18h30 le 19 avril, le hashtag #VilleneuveLaGarenne compte 237 000 tweets.
Toujours le 19 avril, Pierre Sautarel, du site Fdesouche, publie sur son compte Twitter le communiqué de presse de la Police à ce sujet. Il résume les faits qui y sont relatés :
« motard non casqué — moto non homologuée — Refus d’obtempérer — Pas de jambe coupée… — Pronostic vital non engagé ».
Dans la nuit du 19 au 20 avril, des dizaines de racailles agressent les forces de l’ordre. Le site News24 est le seul au matin du 20 avril à préciser que « la violence a commencé à Villeneuve-La-Garenne et s’est propagée à d’autres villes et domaines à proximité ».
Le « journaliste » militant Taha Bouhafs, venu filmer les violences programmées et probablement souffler sur les braises, est interpellé par la Police. Il est relâché peu après. Les réseaux sociaux bruissent à ce sujet de rumeurs victimaires plus ou moins graves. Si le journal Le Parisien consacre un article à l’accident du jeune à moto, le journal se garde de mentionner le CV complet du jeune motard blessé. Sur son compte Twitter, le syndicat de Police Synergie Officiers est plus prolixe :
« Un multirécidiviste connu pour stups, violences, agression sexuelle… pourrit la vie d’un quartier depuis plusieurs nuits avec plaintes des riverains qui n’en peuvent plus de ses rodéos en motocross. Il fuit les #policiers et écope d’une fracture ouverte ».
Épilogue ?
Ces éléments seront-ils suffisants pour calmer l’émoi sur les réseaux sociaux et surtout dans les zones de non droit ? Ils illustrent en tout cas l’extrême tension dans les banlieues de l’immigration, probablement attisée par les difficultés partielles d’approvisionnement en drogue pendant le confinement. Une tension qui ne serait pas étrangère à la prochaine prime exceptionnelle pour les bénéficiaires des minimas sociaux selon le journaliste Laurent Obertone.
Plus généralement, dans les médias, on trouve peu d’analyses sur le phénomène des violences contre les forces de l’ordre pendant le confinement. Le Figaro, assez isolé, évoque dans article du 20 avril le fait que « les violences contre la Police se multiplient ». On peut également citer les analyses de deux journalistes :
Laurent Obertone souligne le 16 avril au micro de Sud Radio que « la paix dans les cités (…), ça repose sur la drogue ». Il estime que les médias parlent peu ou pas de la situation chaotique dans les banlieues :
« Toutes les nuits en Île-de-France, on a une dizaine d’interventions de maintien de l’ordre, avec des policiers en tenue anti-émeute, des guet-apens que subissent les pompiers ».
Édouard Chanot sur le site d’information Sputniknews consacre le 18 avril un article fouillé à la minimisation des tensions dans les banlieues par les pouvoirs publics.
Au vu des faits relatés et de leur couverture médiatique plus que discrète, on pourrait lui souffler sans se tromper que les médias de grand chemin minimisent également grandement les violences urbaines et les agressions contre les policiers pendant la période de confinement. Comme si, par conformisme et résignation, l’impossibilité pour la Police de réaliser dans certains secteurs une interpellation de délinquants sans provoquer des violences de la part de sauvageons n’était plus un motif d’indignation. Sans parler d’une frange importante de la population qui s’informe exclusivement sur les réseaux sociaux et prend un parti aveugle pour tout membre de sa communauté suspecté d’avoir été victime de violence policière.