S’il n’a pas réussi à convaincre par sa capacité à fournir les équipements nécessaires, en temps et en heure, aux soignants ou à la population française, le gouvernement a réussi un surprenant exploit : exercer le pouvoir dans et par l’incertitude permanente, chaque prise de parole, souvent contradictoire de celle de la veille, renforçant cette incertitude. La prise de parole d’Édouard Philippe devant l’Assemblée nationale le 28 avril 2020 marque-t-elle un changement de cap ? Petite revue de la presse du jour d’après, le 29 avril, à partir des Unes des quotidiens.
Le Figaro (29/04/2020)
Pour le quotidien de la droite libérale et (modérément) conservatrice, autrefois très attaché à la personne et à l’action d’Édouard Philippe, moins depuis son entrée en Macronie, le plan de déconfinement est un « Déconfinement à minima ». Le premier ministre aurait « choisi la prudence sanitaire et douché les espoirs de ceux qui attendaient un retour rapide à la normale. Il a renvoyé de nombreuses décisions au 2 juin ».
Il est vrai que malgré le bruit fait par avance autour de cette date de présentation d’un plan de déconfinement, les mesures annoncées semblent fort prudentes et souvent peu cohérentes, en particulier au sujet de l’Éducation nationale. Comme souvent avec l’exécutif, chef du gouvernement comme président, les choses paraissent organisées, durant l’écoute, mais après un instant de recul l’incompréhension s’installe.
Le Monde (30/04/2020)
Pour le quotidien libéral-libertaire qui a soutenu activement l’élection d’Emmanuel Macron, le titre porte sur « Les multiples conditions du confinement », manière d’adoucir la réalité : une complexité qui peut parfois tenir du dogmatisme, comme pour l’école. Globalement, la Une du Monde reprend mot à mot le plan du gouvernement, un peu comme le ferait un organe de presse officiel.
Présent (30/04/2020)
Le titre est très clair, « Flou furieux ». Accroche : « On attendait une ligne claire, on se retrouve une fois de plus avec de l’évasif ». Le quotidien exprime là un sentiment qui semble partagé par une majorité de français.
Médiapart (29/04/2020)
titre « Déconfinement : Macron recadré ». Les diverses allocutions du président de la république ont peu convaincu, à l’exception des proches de LREM, et encore à voir le nombre de députés et d’élus de terrain qui ont soulevé de fortes critiques. Le flou présidentiel n’est sans doute pas pour peu sur les fréquentes incohérences des annonces gouvernementales. Pour Médiapart, le plan d’Édouard Philippe est ainsi une façon de mettre du cadre dans le grand flou. Il y quatre accroches : « L’exécutif se contredit encore », « Le plan de reprise de l’école ne convainc pas », « Un déconfinement localisé, avec zones rouges et vertes », « StopCovid : l’exécutif s’embourbe ». Rien de tout cela ne paraît pouvoir être mis en doute.
La Croix (29/04/2020)
La Croix ne fait pas que soutenir les musulmans durant le ramadan en leur consacrant sa Une du 24 avril, sans avoir fait la même chose lors du début du Carême. Le quotidien qui se veut encore catholique trouve une formule de soutien pour le gouvernement : « La hantise du reconfinement », une manière de montrer le sérieux de la gestion de la crise ? L’éditorial l’affirme : c’est d’ « esprit de précaution » dont il s’agit. D’autant que le premier ministre aurait défini le « cadre national ». Notons que les premiers sondages du même jour indique que 70 % ne sont guère en accord avec cette notion de cadre donné « clairement ».
L’Humanité (29/04/2020)
L’Huma propose une Une peu surprenante : « le 11 mai, quoi qu’il en coûte », sous-entendu en vies de prolétaires (comprendre migrants habitant dans le 93). Pour le quotidien, le plan d’Édouard Philippe « fait primer l’échéance fixée par Macron sur les garanties sanitaires ». Ce dernier point n’est sans doute pas entièrement faux.
Le Parisien (29/04/2020)
Le quotidien se concentre sur l’information plutôt que sur l’idéologie : « Déconfinement, ce qu’il faut savoir ». Suivent ensuite 9 pages de détails.
Les Échos (29/04)
Les Échos, que l’on ne soupçonnera pas d’anti-macronisme primaire, évoque « Le déconfinement si… », préférant ainsi retenir l’appel à la discipline lancé aux Français s’ils veulent pouvoir enfin sortir de chez eux. L’accent est mis sur la gestion responsable du gouvernement. S’il fallait comparer, disons qu’il s’agit d’une Une qui est l’exact opposé de celle de Médiapart.
Libération (29/04/2020)
Libération tente l’humour à la Libération. Signaux verts et rouge en forme de bonhommes autorisant ou non à traverser, rouge « déconfit », vert « déconfiné ». D’après le quotidien, « Édouard Philippe a tenté de détailler hier à l’Assemblée les modalités d’un déconfinement qui s’annonce partiel et risque de couper la France en deux. » La fracture sociale menace, Joffrin envisage sans doute un grand plan d’aide à partir de son portefeuille personnel d’actions. Un soupçon de critique semble poindre mais que croire quand l’on se souvient de la hargne avec laquelle le quotidien du Paris bobo soutint Macron en 2017 ?
L’Opinion (29/04)
L’Opinion considère que « Philippe verrouille le déconfinement ». Le quotidien libéral y va de son anglicisme step by step pour expliquer qu’il s’agit plutôt d’un confinement moins strict que d’un déconfinement. En règle générale, L’Opinion ne comprend jamais pourquoi le marché qui est Dieu n’est pas libre de gérer ses petites affaires, autrement dit nos existences.
Au total ? Sauf les journaux quotidiens politiquement clairement engagés loin du système dominant, la tonalité d’ensemble paraît plutôt molle au vu de la gestion catastrophique de la crise sanitaire de la part d’un gouvernement dont il est maintenant su qu’il a sciemment décidé de ne pas renouveler les stocks stratégiques de masques en 2018 et qui « dirige » un pays qui occupe une bien triste 5eme place en terme de nombre de victimes du covid. Sur 193 pays, tout de même.