L’adepte des grandes écoles parisiennes
Née à Paris en 1974, peu connue du grand public, elle l’est bien plus du milieu parisien de la formation journalistique. Julie Joly est directrice depuis 2012, du Centre de formation des journalistes (CFJ), fondé en 1946, et membre de la Conférence des grandes écoles. Si l’on a récemment entendu parler d’elle, c’est pour sa nomination au “Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes” de Radio France en tant que “personnalité indépendante” le 24 avril 2020.
Formation
Après une Prépa HEC au lycée Henri IV, elle intègre HEC Paris en 1994. Diplômée en 1997, elle passe par la suite à l’ESCP, dont elle sort en 1998 avec un master en journalisme.
De La Tribune au CFJ
Julie Joly a commencé sa carrière en 1999, comme correspondante en Allemagne pour La Tribune. Quelques mois plus tard, elle rejoint L’Express, d’abord en tant que journaliste au service économie, puis au service politique et société, dont elle devient rédactrice en chef adjointe en 2010, jusqu’à son départ du journal en 2012.
Elle devient alors directrice du Centre de formation des journalistes (CFJ), en remplacement de Christophe Deloire. Elle accélère la transformation de l’école en changeant notamment, les modalités d’accès à cette dernière. C’est elle qui supprime en 2018, l’épreuve écrite d’admissibilité lors du concours d’entrée (pour la remplacer par un dossier de candidature), mettant fin aux QCM d’actualité et de culture générale, réputés être “deux épreuves très difficiles qui permettaient à l’école de sélectionner les étudiants les plus informés”. Décision justifiée par la volonté de l’école de “voir comment ils [NDLR, les futurs étudiants] réfléchissent, comment ils se posent des questions, comment ils perçoivent l’utilité de notre métier. L’objectif est que nous ayons le choix entre des intelligences plus diverses car il n’y a pas un profil de journaliste.”
Elle a aussi développé de nombreux partenariats entre le CFJ et diverses grandes écoles et université comme HEC, l’ESCP-Europe, l’École nationale supérieure de la rue d’Ulm et Paris1-Panthéon Sorbonne. C’est aussi à elle que l’on doit l’augmentation de 40% des frais de scolarité, faisant du CFJ, la seule formation de journalisme reconnue par la profession, “financée quasi exclusivement par la taxe d’apprentissage et les frais de scolarité”.
En 2016, le CFJ a créé l’École W, école de journalisme et de communication post-bac en trois années, “pour former ses étudiants à la création de contenus innovants” et aux “métiers qui n’existent pas encore”, Joly en est devenue par la même occasion, la directrice générale. Cette école, très axée sur le numérique, a depuis sa création, comme président de son conseil stratégique, Ludovic Blecher, à la tête du Digital News Innovation Fund de Google.
Une habituée des nominations dans diverses structures
En parallèle de ses postes de directrice, Joly est membre de bon nombre de conseils d’administration. Elle l’est de celui de Reporters sans frontières, ONG dont Christophe Deloire, qu’elle a remplacé en 2012 à la tête du CFJ, est secrétaire général depuis… 2012.
Elle est aussi membre des conseils d’administration de la Conférence des grandes écoles, de la Conférence des écoles de journalisme, du médiaClub’Elles, et enfin, elle est membre du comité directeur du LabEx Tepsis, laboratoire de recherche en “sciences historiques et sociales du politique”, adossé à l’EHESS.
Bien plus récemment, Joly a fait son entrée au “Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes” de Radio France, en tant que “personnalité indépendante”. Cette nomination a été approuvée par le Conseil d’administration de Radio France le 24 avril 2020. Elle y siégera pendant 3 ans et remplace Monica Maggioni, une journaliste italienne, vice-présidente de l’Union européenne de Radiotélévision.
Sa nébuleuse
Dans sa nébuleuse, on peut mentionner Ludovic Blecher, avec lequel elle occupe les postes les plus importants de l’École W depuis sa création. Ce dernier n’est pas n’importe qui puisqu’après 6 années chez Libération, il a été le directeur de l’ancien fonds pour “l’innovation numérique de la presse” (FINP) ou, “fonds Google”, pendant 2 ans (2013–2015). Ensuite, il est passé à la tête du Digital News Innovation Fund de Google, qu’il dirige toujours, en parallèle du programme Innovation de la Google News Initiative qu’il a rejoint en 2018. Des accointances qui laissent présager que le CFJ et l’École W ne seront pas en première ligne pour permettre au journalisme de s’affranchir de l’emprise des GAFA.
Blecher a aussi fait un tour du côté des politiques publiques en étant nommé au Conseil national du numérique de 2013 à 2016.
Ce qu’elle gagne
Non renseigné.
Elle l’a dit
“La première cause qu’un journaliste doit défendre, c’est l’information, pas les bébés phoques. Même si nous avons tous nos convictions, il faut qu’un journaliste trouve plus de plaisir à faire comprendre une information qu’à défendre sa cause.” Le Figaro, 5 mai 2019.
Au sujet de la Ligue du LOL : c’est un “comportement de meutes de cyber-délinquants”, “en partie structurel, lié à la profession de journaliste et au caractère de ses étudiants”. “Que les journalistes aiment plus que d’autres s’exprimer, parler et échanger est assez logique, c’est même l’ADN de leur métier. Mais le fait qu’on demande aux étudiants en journalisme et en communication d’être sans arrêt sur les réseaux sociaux crée une hypersollicitation pour communiquer en petits groupes, où les échanges sont bien plus virulents que dans la réalité, explique-t-elle. C’est une délinquance avec un usage détourné de nos propres armes que sont ces réseaux.” Le Figaro, 22 février 2019.
Pour justifier la suppression des épreuves écrites d’admission au CFJ : “Nous nous sommes rendu compte que tous les ans, parmi les 130 candidats admissibles, les meilleurs n’étaient pas pris à l’école car ils n’avaient pas les qualités humaines nécessaires telles que la curiosité, l’ouverture au monde ou l’empathie.” Le Figaro, 9 mars 2018.
“Ces plateformes [NDLR, Google et Facebook] ont un impact considérable sur la distribution de contenu, la réception, la qualité, leur hiérarchisation. Cela influe sur la position du journaliste, du communicant… Où se situe-t-on, si tout ce que les gens publient est reçu au même niveau ? Ce duopole ouvre un paradoxe effrayant qu’il nous faudra bien dépasser : jamais l’accès au savoir n’a été aussi ouvert, et jamais les menaces d’aveuglement n’ont été aussi grandes. Ces plateformes changent aussi profondément notre manière de travailler. Et c’est encore plus vrai pour les plus jeunes. Comme les former quand ils pensent tout savoir ou tout trouver sur Google. Que fait-on de la mémoire, de l’échange physique, de la vérité ? W et le CFJ ne sont pas financés par les GAFA, mais les deux écoles sont membres du Google News Lab University Network.” Story Jungle, 22 décembre 2017
“Des défauts, ils [NDLR, les journalistes] en ont, c’est certain. La poignée de bien-pensants, de mégalos, de francs-tireurs ou de médiocres continuera longtemps d’exaspérer l’opinion, et avec elle l’ensemble de la profession. Depuis sa création en 1946, toute l’ambition du CFJ est précisément de les combattre et de porter toujours plus haut l’exigence de rigueur, d’objectivité et d’indépendance des détenteurs de la si prestigieuse carte de presse.” Site de la Conférence des grandes écoles, 3 septembre 2012.
Photo : capture d’écran vidéo “Regards croisés sur l’alternance” (Afdas), via YouTube