Lundi 11 mai 2020, après deux mois d’occupation par le coronavirus, la France et les Français sont progressivement déconfinés, la zone libre de virus ayant priorité sur la zone rouge et sa frontière avec l’Allemagne. Qu’en disent les quotidiens ? Petite revue des Unes du 11 mai.
Le ton général de l’ensemble des médias est simple comme un élément de langage gouvernemental : les Français vont pouvoir sortir, grâce à l’efficacité de la politique de confinement menée par des ministres chaque matin dans les studios des matinales des radios et chaque jour sur le front des chaînes de télévision en continu. Ils vont souffler, les Français, par la bénédiction particulière de la réouverture des écoles, sauf celles où les enseignants sont encore une fois un peu grognons du fait d’un protocole sanitaire digne d’une guerre non terminée. En tout cas, un fait est sûr : plus aucun quotidien n’interroge les causes de la fermeture des écoles et du confinement (les enfants étaient alors un des vecteurs de la pandémie et de possibles victimes). Du coup, quelles sont les informations mises à la une ? Tour d’horizon du 11 mai.
La Croix
La Croix, qui s’était illustrée par son soutien vivace aux musulmans durant le ramadan, après avoir oublié l’existence du carême, s’interroge sur « Ce que nous en retiendrons » en donnant la parole démocratiquement à cent personnes.
Trois extraits de témoignages mis en avant : « la valeur de la vie humaine », « une aventure absolument incroyable », « moins de projets, plus de vie ».
Les croyants chrétiens ayant perdu des proches sans les revoir, les enterrer, tout en étant interdit de culte apprécieront cette couverture du principal quotidien dit catholique de France.
Aujourd’hui en France
Aujourd’hui en France fait le même choix éditorial de témoignages mais avec comme titre : « Si on redémarre c’est grâce à eux ».
Le quotidien donne ainsi la parole aux soignants, avec raison, le président ayant déclaré la guerre, ils étaient sur le front médical. Il donne aussi la parole à des témoins des autres métiers qui ne se sont pas arrêtés, souvent métiers de ceux dont il était dit qu’ils « ne sont rien ».
Une partie de la France qui se lève tôt n’est en effet pas partie faire la grasse matinée tous les jours, le télétravail ne correspondant pas à certains métiers. Elle ne le dit pas encore mais des sources provinciales font remonter que l’idée gouvernementale de leur supprimer les vacances cette année va mal passer.
Le Figaro
Le Figaro fait dans la variété avec des titres d’égale importance ou presque : « Comment le télétravail s’impose dans nos vies », « Le trumpisme au révélateur du coronavirus », « coronavirus, les Français champions de la défiance envers leurs gouvernants » (dont il faut rappeler qu’ils voulurent enfermer tous les dangereux enfants avant de les libérer pour cause de menace non avérée ; qu’ils refusèrent de masquer ces Français, les masques n’ayant pas, ici, de fonction protectrice a contrario de ce qui se vit au quotidien dans toute l’Asie du sud-est ; qu’ils mirent en place une plateforme de l’information autorisée…).
Ce sont les trois principales accroches. Le quotidien de la droite libérale a l’imagination un peu en berne.
Les Échos
Les Échos ose titrer, avec en fond une photo de l’Arc de Triomphe, « Une nouvelle ère ». L’hyper-libéralisme se caractérise aussi par son humour involontaire.
Six sous-thèmes : risque pour le gouvernement, seconde vague pandémique, entreprises, transports, écoles, dettes européennes.
Deux autres accroches : « Le plan d’Air France pour réduire rapidement ses effectifs » (façon libérale libertaire de dire « fiche des vies par terre ») et « L’arsenal des banques françaises face à un choc sans précédent » (ce qui s’appelle « Une nouvelle ère » pour Les Échos, celle des banques à sauver). L’éditorial ne s’en cache pas : « L’État a fait le job, à nous de prendre le relais ».
Dans les pages des Échos, il n’y a aucun doute : un autre monde n’est pas possible.
Libération
Libération continue de s’amuser avec la France coupée en rouge et vert, illustration appuyée par un titre à la Libération : « Déconfinement : retour à l’anormal ».
La rédaction n’a pas osé “paranormal”.
Comme dans d’autres quotidiens, Libération est « allé sonder l’état d’esprit du pays, soulagé mais toujours inquiet… ».
C’est un enseignement important de la situation médiatique française durant la crise sanitaire : radios, télévisions et presse donnent tant la parole à une population choisie avec « finesse » que le journalisme réel et l’information ont disparu.
Le Monde
Le Monde, daté du 12 mai quant à lui, quotidien du soir oblige, met en couverture une accroche rassurante : « La nouvelle phase d’une crise appelée à durer ».
Comme le dit un proche du quotidien, Emmanuel Macron, il va y avoir de profondes « évolutions sociales », ce que le président nomme « réinventions ».
La photographie prise dans le métro ne manque pas d’humour : deux femmes asiatiques masquées, station Franklin-Roosevelt.
Au cœur du peuple, Le Monde se prendrait-il à rêver de démocraties à l’asiatique ?
L’Opinion
L’Opinion fait semblant de s’inquiéter, sans doute par volonté d’être au diapason de ses quelques centaines de lecteurs : « Les Français déconfinés mais défiants ».
L’éditorial de Marie-Catherine Beuth ne le cache d’ailleurs pas, il y a malheureusement « une petite musique » qui en appelle aux « chimères du monde d’après ».
Après avoir appelé le gouvernement à réformer à tout va depuis 2017, L’Opinion fustige ceux qui voudraient réformer sous peu.
Une ligne éditoriale en forme de pensée complexe.
L’Humanité
L’Humanité poursuit son travail de refondation en appelant à « penser un homme nouveau », concept qui pourra laisser pantois les personnes d’un certain âge ayant survécu au stalinisme puis aux EHPAD.
Le principal titre est d’ailleurs en forte contradiction avec l’histoire du communisme, sous la forme défendue par le quotidien tout au long de son histoire : « en liberté surveillée ».
De mauvaises langues pourraient se demander si ce n’est pas la Une d’un journal clandestin hongrois des années 50 du siècle passé.
Un élément n’aura échappé à personne dans toutes ces Unes : la critique du gouvernement et de son action ou inaction, de son incompétence, ne fait plus les gros titres.