Après l’irruption « amicale » de Marc Ladreit de Lacharrière et de Bolloré dans son capital, après les révélations sur les salaires extravagants du groupe, un nouveau venu de poids embarque sur le bateau Lagardère bien secoué : Bernard Arnault via son groupe.
Arnault et Arnaud, copains jusqu’à quand ?
L’opération est à double détente : Arnault prend 25% des parts de LCM la holding personnelle de Lagardère. LCM qui détient 7,26% des actions de Lagardère SCA (Hachette, Relay, les boutiques voyages, les médias JDD, Paris Match, Europe1). LCM qui détient aussi le contrôle du groupe via la commandite Arjil-Arco. Dans un communiqué lénifiant, Arnault précise que « Mon amitié avec Jean-Luc Lagardère a lié nos familles et j’ai le plus grand respect pour le groupe qu’il a construit. Je me réjouis que nous soyons aux côtés d’Arnaud Lagardère, un actionnaire de long terme de la société qui porte son nom ».
Pas si aimable que cela ce communiqué. D’une part Arnault salue le travail du père pour « le groupe qu’il a construit », on pourrait ajouter mezzo voce « et que son fils est en train de détruire ». D’autre part Arnaud Lagardère est cité non comme manager mais comme un « actionnaire de long terme » d’une société qui — un peu comme par hasard — « porte son nom ». On a connu plus amène. Sibyllin, Arnaud ajoute « Ce rapprochement va permettre de renforcer la structure et les capacités financières de LC & M. Les groupes familiaux de MM. Bernard Arnault et Arnaud Lagardère agiront de concert vis-à-vis de Lagardère SCA. »
Nicolas Sarkozy Monsieur bons offices
Tout ce remue-capital n’aurait pas été possible sans l’intervention de Nicolas Sarkozy, nouveau membre du conseil de surveillance de Lagardère SCA, la structure opérationnelle du groupe. Proche de Bolloré et de Arnault, il a pu les inciter à venir secourir l’autre Arnaud, responsable sur ses deniers des dettes de LCM, sa holding personnelle. LCM qui ne publie plus ses comptes depuis 2009 et dont on sait qu’avant l’irruption de Bernard Arnault, ses dettes étaient supérieures à ses actifs, en état de faillite virtuelle. Ce qui ne sera plus le cas avec les 100M€ apportés par Bernard Arnault.
Et maintenant, que vais-je faire ?
Entretemps Bolloré via Vivendi, monté à 16,48% du capital, devient le deuxième actionnaire du groupe derrière le fonds américain Amber (18%). Et bientôt le premier puisqu’il a annoncé son intention de monter à 20%. Au 26 mai 2020 la répartition simplifiée du capital de LSCA est la suivante :
Amber | Vivendi | Qatar | Arjil-Arco | Ladreit | CDC |
---|---|---|---|---|---|
18% | 16,5% | 13% | 7,26% (permet la commandite) | 3,5% | 3,35% |
Qui mangera qui ? Arnault et Bolloré pourraient s’affronter, le premier ayant un pied dans la commandite, le second devenant le premier actionnaire dans la structure opérationnelle. On les voit plutôt s’arranger discrètement dans un jeu complexe de poker menteur. Des hypothèses ? Arnault reprend les lucratives opérations de travel retail de LSCA pour les fusionner avec DFS sa filiale du même secteur, il deviendrait ainsi le premier mondial dans ce métier. Bolloré avec Editis pourrait croquer un bon morceau d’Hachette, ou sa totalité. Quant aux médias d’influence Paris-Match, le JDD, Europe 1, ils intéresseraient tout le monde. Arnault est présent dans la presse (Les Echos, Le Parisien) et dans la radio, rajouter le JDD ferait sens et Europe1 garde une belle image. Bolloré est déjà présent dans la télévision (C News, Canal+) pourquoi pas aussi Europe1 ? Ladreit de Lacharrière est devenu le troisième opérateur de médias numériques en France, il dispose de sa danseuse La Revue des deux mondes, il pourrait rajouter Paris Match qui intéresse aussi les deux autres. Arnaud Lagardère perdrait sa commandite, pourrait obtenir en compensation quelques centaines de millions d’euros (on évoque le chiffre de 200M€) pour jouir enfin d’une retraite anticipée et dorée sur tranche.
NB : Monsieur Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, a porté plainte contre Claude Chollet, directeur de la publication de l’Ojim pour « injures publiques ». Cette plainte n’influence en rien les articles que nous consacrons au groupe Lagardère, propriétaire de médias (Paris Match, JDD, Europe 1). Voir notre article sur la plainte de M. Ramzi Khiroun.