La lecture de certaines informations défilantes en bas d’écran sur les chaines d’informations en continu peut plonger le téléspectateur dans un abime de perplexité. Le 26 mai, quelques lignes en incrustation avant et lors de l’émission « Face à l’info » ont retenu notre attention et suscité quelques interrogations.
Trois messages successifs ont donné aux téléspectateurs de CNews le 26 mai, entre 18 et 20 heures, notamment lors de Face à l’info une information pour le moins étonnante :
« Un homme a été interpellé ce matin à Limoges dans le cadre d’une enquête préliminaire pour association de malfaiteur terroriste (proche dossier/ CNews) » .
Jusqu’ici, pas d’étonnement. L’arrestation d’apprentis terroristes est fréquente et le fait qu’elle soit réalisée préventivement au passage à l’acte est plutôt rassurant pour la sécurité publique.
« Le suspect, ancien militaire, adhérait aux test ( ! NDLR) de l’ultra droite et antisémite. Il vantait le discours sur le grand remplacement ».
Les « tests » qui sont sans nul doute des thèses apportent des éléments nouveaux sur l’orientation idéologique de l’individu interpellé. On est dans le registre des convictions. L’individu qui exprime des propos antisémites peut être poursuivi en justice et condamné. Le message de CNews ne précise pas qu’il l’a fait. Si tel était le cas, on serait dans un délit de droit commun et la mobilisation du Parquet national antiterroriste, parfois peu prompt à s’emparer des affaires criminelles impliquant des islamistes, ne serait pas nécessaire.
Autre fait : « Il vantait le discours sur le grand remplacement ». Le journaliste de CNews et sa source ont-ils lu autre chose au sujet du livre « Le grand remplacement » que la fiche calomnieuse que Wikipédia lui consacre ? Et si plutôt que de lire ce qu’on dit sur le livre, on lisait enfin le livre de Renaud Camus, qui ne contient aucun appel à la violence. Bien au contraire, il vante les valeurs de civisme, de civilité, de civilisation, d’urbanité et de respect de la parole. Nous invitons le lecteur à lire l’article que l’écrivain et journaliste Olivier Maulin a consacré dans l’édition du 28 novembre 2019 de Valeurs actuelles à Renaud Camus à l’occasion de la réédition de six textes politiques. Aucune trace ni d’appel à la violence dans les propos que tient l’écrivain qui a eu son inspiration sur le concept de « grand remplacement » en voyant le changement de population dans le village de Lunel. Un village qui par la suite, rappelons-le, a été le lieu de départ de nombreux djihadistes pour l’Etat islamique, des terroristes islamistes bien réels.
Si comme le mentionne la fiche de Wikipédia, l’auteur de l’attentat à Christchurch en Nouvelle Zélande a invoqué après son acte la théorie du grand remplacement, ce fait suffit-il à disqualifier le livre et la théorie de Renaud Camus en pratiquant la disqualification par association, ce vieux procédé qu’utilisait le régime soviétique de l’URSS qui voyait des nazis partout ?
À titre de comparaison, mentionne-t-on après chaque acte terroriste islamiste que son auteur « vantait le Coran » ? La Fondation pour l’Innovation Politique a pourtant recensé entre 1979 et 2019, au moins 33 769 attentats islamistes – au nom de l’islam — dans le monde qui ont provoqué la mort d’au moins 167 096 personnes.
Dernière information au sujet de l’ancien militaire arrêté :
« Le Parquet national antiterroriste a ouvert une enquête préliminaire. L’individu a été placé en garde à vue (…). L’enquête devra déterminer si cet ancien militaire avait un projet d’action violente ».
On en déduit que le projet d’action violente n’est pas établi à ce stade par le Parquet national antiterroriste. On se demande à partir des informations dispensées sur le bandeau défilant de C News sur quelles bases l’ancien militaire a donc été arrêté. Sur ses convictions dont on n’est pas certain, en ce qui concerne l’antisémitisme, qu’il les a professées publiquement ?
C’est ainsi qu’à partir d’une bonne nouvelle, l’arrestation de quelqu’un qui s’apprêterait à commettre un acte terroriste, on en arrive à penser qu’on a arrêté quelqu’un non parce qu’il a eu des propos réprimés par la loi, mais simplement parce qu’il s’est rendu coupable de les penser, ce qui n’est à ce jour pas encore un délit…Par la même occasion, on salit l’essai d’un écrivain.
Nous suggérons au stagiaire qui a multiplié les fautes de syntaxe dans le message en bandeau défilant sur l’écran de CNews d’indiquer la prochaine fois des éléments plus probants de suspicion que la lecture d’un essai. D’autres éléments plus substantiels semblant exister selon le Huffpost.