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Patrick Eveno, déontologue et nouveau flic des journalistes ?

13 août 2020

Temps de lecture : 6 minutes
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Patrick Eveno, déontologue et nouveau flic des journalistes ?

Temps de lecture : 6 minutes

Red­if­fu­sion esti­vale 2020. Pre­mière dif­fu­sion le 30 mai 2020

Nous vous avons déjà parlé du CDJM, le quasi mort-né Conseil de déontologie journalistique et de médiation. C’est un papier particulièrement alacre que consacre à Patrick Eveno, pape (en retraite) auto-proclamé du CDJM, le journaliste Emmanuel Lemieux dans Marianne (version électronique) du 26 mai 2020. Quelques extraits sur celui qui est parfois surnommé plaisamment le « flic des paillassons ».


Conseil de déontologie

Patrick Eveno, le nouveau “flic” des journalistes ?

Par Emmanuel Lemieux

« Cet his­to­rien de la presse est le prési­dent du Con­seil de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique et de médi­a­tion, une nou­velle instance cen­sée éclair­er le pub­lic et les médias sur leurs pra­tiques défail­lantes. Mais quels sont ses objec­tifs et com­ment s’y prend-il ?

Entre dans ce tem­ple, Apolline de Mal­herbe. Dans le grand livre de l’histoire des médias, la jour­nal­iste de BFM aura le droit à une notule. On y lira qu’elle aura été la pre­mière représen­tante de la pro­fes­sion à avoir été épinglée, le 20 mai 2020, par le tout nou­veau Con­seil de déon­tolo­gie jour­nal­is­tique et de médi­a­tion (CDJM). En cause, son inter­view de l’avocat Juan Branco…

Le grand livre de l’histoire des médias aura peut-être une autre entrée à la let­tre « E » cette fois. « E » pour « Eveno, Patrick », his­to­rien de la presse, 73 ans, prési­dent du CDJM. Sur le site même du Con­seil déon­tologique, celui-ci prend la plume pour le défendre (« Le CDJM n’est ni un tri­bunal, ni un con­seil de l’ordre ») et riposter con­tre ce « cher Daniel ». Com­pren­dre : Daniel Schnei­der­mann, le patron d’Arrêt sur images, qui, à peine les pre­miers avis mis en ligne, délivrait, comme Mar­i­anne, son bil­let cri­tique à l’égard de cet instance.

L’intéressé pré­cise sa pen­sée lorsqu’on l’appelle : « Je com­prends que Daniel soit dans la panique, cela fait des années qu’il fait com­merce de ce que nous faisons bénév­ole­ment dans une asso­ci­a­tion loi 1901… Surtout, Daniel n’a pas vrai­ment fait son boulot. Vous, à Mar­i­anne, vous l’avez fait même si vous n’êtes pas d’accord. Au moins, vous avez lu nos noti­fi­ca­tions, pas sur­volé le com­mu­niqué de presse », défouraille Patrick Eveno, qu’on imag­i­nait plus diplomate.

C’est que « Patrick » con­naît très bien « Daniel », mais aus­si « Plenel » qui « s’oppose à nous par cal­cul poli­tique ». Edwy Plenel l’ingrat alors que l’historien avait rédigé en per­son­ne 1 052 mots le con­cer­nant dans L’Encyclopædia Uni­ver­salis. En 1983, Patrick Eveno est entré au Monde, où offi­ci­aient déjà les deux jour­nal­istes. Le pro­fesseur agrégé qui s’ennuyait ferme au lycée de Bondy y a réal­isé sa thèse, « Le Monde vu comme une entre­prise », celle qui par la suite l’a plongé dans le déli­cieux aquar­i­um des médias. « En 1984, j’ai vu une rédac­tion de gens cul­tivés et intel­li­gents se trans­former en une meute stu­pide et féroce et éjecter de son siège le directeur de l’époque, André Lau­rens. Je me suis dit que la presse valait mieux que ça », se sou­vient le thésard.

Prenez un frère aîné, Bernard, qui fut le PDG de l’AFP mais aus­si un grand seigneur de l’édition chez Viven­di, une longue car­rière d’historien d’entreprise, et un por­trait de pois­son pilote de l’influence s’esquisse. « Il fait par­tie, avec d’autres, de ces appa­ratchiks uni­ver­si­taires un peu flous de l’univers médi­a­tique, dégoise cet autre spé­cial­iste des médias (dont nous ne livrerons nulle­ment l’identité par souci de pro­tec­tion des sources, le CDJM ne nous en tien­dra donc pas rigueur…). Du plus loin que je me sou­vi­enne, je l’ai tou­jours vu dans ces milieux, entre col­lo­ques, direc­tions de rédac­tions et instances min­istérielles. Et du plus loin que je me sou­vi­enne, il racon­te tou­jours les mêmes his­toires. » Bref, la prési­dence de la CDJM a été un long chemin.

En novem­bre 2019, des rédac­tions s’affichent vent debout con­tre ce nou­veau gad­get lancé — con­sécra­tion — par Édouard Philippe. Mar­i­anne aus­si voit d’un très mau­vais œil la créa­tion d’une telle instance et le fait savoir. D’autres au con­traire comme Lau­rent Jof­frin pour Libéra­tion, mais égale­ment Ouest-France, les syn­di­cats SNJ et CFDT, des asso­ci­a­tions socio­pro­fes­sion­nelles, veu­lent y voir une réelle avancée…

Mais retour aux travaux du CDJM et à son organ­i­sa­tion. Celui-ci compte trois col­lèges : les jour­nal­istes, les édi­teurs et le sacro-saint pub­lic. Sur ce dernier, c’est plus coton. « Pour l’instant, nous ne sommes pas au com­plet, seule­ment 47 mem­bres sur 60 prévus. » La « société civile » a été coop­tée par les car­nets d’adresses des uns et des autres. Les places à pour­voir se fer­ont sur let­tres de moti­va­tion. Les critères restent flous. Des représen­tants d’associations ont été recalés comme celui du site Boule­vard Voltaire, mais d’autres se sont retirés telles l’Acrimed, « mais eux voulaient faire du CDJM un tri­bunal pop­u­laire des médias », assure Patrick Eveno, tou­jours aus­si peu diplomate.

Dans le flux nia­garesque de l’info, com­ment s’attarder sur tel ou tel sujet ? Le CDJM est donc saisi. « Nous avons reçu 23 saisines sur cette inter­view de BFM. Elles prove­naient essen­tielle­ment de sym­pa­thisants de La France insoumise », nous apprend son prési­dent. Com­ment l’avis « Mal­herbe-Bran­co » a‑t-il été rédigé ? « Nous avons vision­né l’interview, et les réac­tions ont été unanimes. Une triplette com­posée d’un jour­nal­iste, d’un édi­teur et d’un citoyen se sont chargés de l’enquête et de la rédac­tion. » « Enquête » ? « Nous avons cher­ché à con­tac­ter par mail BFM mais ils ne nous ont pas répon­du. » Reste que la rédac­tion des noti­fi­ca­tions relève plus du papi­er d’humeur que d’une analyse sour­cilleuse aux critères clairs et nets. « Nous ne souhaitions aucun for­mal­isme, car on nous l’aurait reproché », explique Eveno qui sem­ble donc admet­tre une cer­taine sub­jec­tiv­ité pour les mem­bres-enquê­teurs du CDJM…

Notre homme se donne un an ou deux avant de détel­er de la prési­dence, et de revenir à ses chères études. « Patience ! D’ici là, nous aurons un retour d’expérience, nous améliorerons nos procé­dures et les médias français s’habitueront à cet exa­m­en qui n’a rien à voir avec la cen­sure. Nous nous situons dans cette zone grise avant le droit, avant que tout ne soit trop tard et que ça finisse au tribunal. »

Il y a les derniers recours. Le CDJM se pose donc, lui, en pre­mier recours. Mais sans moyens et sans aucun pou­voir de sanc­tion, il ne mobilise pas d’autres savoirs qui per­me­t­traient de mieux com­pren­dre la fab­rique de l’info. Il évac­ue le con­texte économique, social, man­agér­i­al des rédac­tions. Il est surtout le révéla­teur de l’époque débor­dée par une pro­fu­sion de médias et l’explosion des réseaux soci­aux : l’information est dev­enue une immense source d’insécurité et de défiance. »

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