Rediffusion estivale 2020. Première diffusion le 13 juillet 2020
Les lecteurs rassis du supposé conservateur Le Figaro doivent avaler bien des couleuvres. Derrière l’exutoire du Figaro Vox qui permet à une partie du lectorat de se défouler, nombre d’articles ne sont guère différents de ce que l’on peut lire dans Libération. Un exemple avec la critique de cinéma tenue par un certain Robin Cannone, parue le 7 juillet 2020 sous le titre « Le cinéma français a‑t-il peur du Noir ? ». Petite visite guidée du conformisme bourgeois, métissé, métisseur et métissant.
Le tabou, mon bon Monsieur, le tabou
Non, ce n’est pas le nom de la célèbre boîte de nuit sise au 33 rue Christine et fermée en 1962. Non, c’est la « question noire » qui « reste un tabou dans le monde du septième art ». D’ailleurs ce « manque de diversité dans le cinéma hexagonal » avait été dénoncé en février 2020 lors de la 45e cérémonie des César. Et l’ami Robin ne peut que constater avec regret « la force des préjugés » qui infecte le cinéma.
Alors, on se métisse quand ?
Pourtant la solution existe, elle est à portée de main comme le dit un comédien camerounais en parlant de l’industrie du cinéma : « elle ne s’adapte pas à l’évolution de la société et reste dans un entre-soi qui fait que le métissage qu’on observe dans les rues n’est pas représenté à l’écran ». Il suffisait d’y penser, que le cinéma (puis le théâtre, l’art, l’université, les pouvoirs publics, Romorantin et in fine la France toute entière) ressemble au 9–3 alias le 9 cube où il fait si bon vivre.
La couleur est une construction sociale
Dans tout article qui veut faire sérieux, il faut un sociologue, mieux une sociologue, encore mieux une sociologue dont on devine qu’elle est d’origine africaine ou proche de l’Afrique. Marie-France Malonga est une « sociologue spécialiste des minorités » et explique-t-elle doctement « le problème du stéréotype, c’est qu’on l’intériorise » il s’inscrit « dans nos imaginaires et nos représentations sociales… il s’agit en fait d’une construction sociale ». Tout bien réfléchi et en retournant le propos, si Robin Cannone est blanc (supposition de notre part) c’est par construction sociale et il pourrait jouer avantageusement le rôle de Béhanzin roi d’Abomey (1845–1906).
Secret de polichinelle
Un lourd secret pèse sur le cinéma français, Robin le révèle au lecteur effaré, un acteur noir n’est « pas assez rentable pour une agence ». La réalisatrice (de talent) Claire Denis l’a entendu dire, « un rôle principal tenu par un homme ou une femme noire pouvait être un handicap pour un film ». Elle exonère un peu sa profession de cette lourde responsabilité, la renvoyant à la France entière : « Il faut poser la question aux Français : comment se sentent-ils dans leur pays ? ». Une question sympathique mais peut-être naïve, voire dangereuse à un moment où ces derniers ont parfois l’impression d’habiter un pays étranger.
Heureusement « les choses changent au pays des Lumières », Omar Sy va jouer Arsène Lupin au ravissement du Cannone de service. « Il ne reste plus qu’à faire passer le message au reste de l’industrie cinématographique ». Allons plus loin, il y a vraiment trop de visages pâles dans la rubrique cinéma du Figaro. Robin, un bon geste : démissionne et fais-toi remplacer par une jeune consœur noire. C’est pour la cause, on compte sur toi.