Avec Laurent Mouchard alias Joffrin de son nom de plume et Libération, c’est la politique des allers retours. Un mouvement pendulaire entre le quotidien et l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur (devenu l’Obs) qui s’achève en 2020.
La politique du yoyo
Vous avez certainement joué au yoyo quand vous étiez petit, ce jeu pendulaire où un galet monte et descend le long d’une cordelette. Laurent Joffrin devait en être friand car sa carrière se résume largement, en-dehors d’un passage à l’AFP, à un mouvement perpétuel entre les deux journaux emblématiques d’une certaine France urbaine CSP+ libérale libertaire, qu’on en juge :
1981/1988 : Libération où il crée le service économie à un moment où le quotidien ne se passionnait pas pour ce secteur. Il prend ensuite le service société et d’autres fonctions élargies.
1988/1996 : Premier passage au Nouvel Observateur.
1996/1999 : Directeur de la rédaction de Libération.
1999/2006 : Retour au Nouvel Observateur.
2006/2011 : Le nouveau propriétaire de Libération, Édouard de Rotschild, le bombarde directeur de la publication.
2011/2014 : Rebelote au Nouvel Observateur.
2014 : Atout et dix de der, revient à Libération.
Juillet 2020 : Fin de partie, il quitte le journal pour la politique avec en ligne de mire la préparation de l’élection présidentielle de 2022.
Vous trouverez son portrait ici.
Poussé vers la sortie ?
Patrick Drahi a décidé de laisser tomber Libération en confiant le journal à une « Fondation » dont nous avons évoqué les contours très incertains. Surtout, il a nommé Denis Olivennes pour piloter l’opération et les relations Joffrin-Olivennes ne sont pas des plus cordiales. Pire, l’ancien directeur du quotidien israélien Haaretz (une sorte de Monde en Israël) a été recruté pour un audit dont on imagine volontiers qu’il ne sera pas favorable à Laurent Joffrin qui cumule en diverses périodes 21 ans de présence au journal. D’où sa démission des postes de cogérant, directeur de la publication et directeur délégué de la rédaction du journal. Il a annoncé souhaiter conserver son éditorial, soulevant la colère des salariés du quotidien. Restera-t-il administrateur de la toute nouvelle fondation créée par Patrick Drahi ?
La politique Monsieur, la politique
In fine Laurent Joffrin a toujours mené une politique libérale libertaire depuis ses débuts. Entré au PS à 20 ans, partisan d’un capitalisme éclairé, ancien Young Leader de la French American Foundation et atlantiste bon teint, suivant les modes du moment de l’anti-racisme à l’écologie, il épouse les contours du temps avec habileté. Demeuré très proche de François Hollande (dont il a été parfois le nègre littéraire), certains voient la patte de ce dernier dans la manœuvre, pour préparer son retour à la faveur de l’élection présidentielle de 2022. Une hypothèse que dément fermement Laurent Joffrin, désireux de créer un mouvement ni vert (comprenez EELV) ni rouge (comprenez LFI) mais à la fois un peu vert et un peu rouge. Un espace qui semble relativement étroit avec un PS affaibli, un PC en voie d’attrition et une foultitude de petits clubs et mouvements où les egos (Hamon, Glucksmann) sont inversement proportionnels aux effectifs des troupes.