« Démocratie sexuelle et de genre en danger en Pologne : libérez Margot ! », pouvait-on lire le 11 août dernier sur Médiapart en titre d’un appel signé par « un collectif d’intellectuels et d’artistes, parmi lesquels Paul B. Preciado, Judith Butler, Virginie Despentes et Antonio Negri », et également par une majorité de signataires polonais. Le nom de Judith Butler retient tout particulièrement l’attention puisqu’il s’agit de la philosophe américaine à l’origine de la théorie du genre. Il s’agit, comme expliqué en chapô, d’un « appel international à la libération de Margot, militante de genre non-binaire arrêtée vendredi 7 août à Varsovie. Cet appel international est aussi une initiative pour dénoncer le virage autoritaire du gouvernement polonais et la violence misogyne, homophobe, transphobe et raciste. »
C’est en vain que l’on cherchera dans ce billet une explication sur ce qu’est une « démocratie sexuelle et de genre », mais l’on y apprend en revanche que la Pologne a aujourd’hui « des gouvernements néolibéraux autoritaires » (un qualificatif original, les médias français préférant généralement celui de « nationalistes » ou « conservateurs », en y ajoutant éventuellement le préfixe « ultra ») et que « le communisme autoritaire et le néolibéralisme autoritaire visent tous deux à construire un corps normatif hétérosexuel purifié, qu’ils reconnaissent et revendiquent comme le seul citoyen souverain du pays ». En Pologne, en l’occurrence, « la défense de l’« enfance » ou de monuments est utilisée pour discriminer des organismes non hétérosexuels et non binaires ». « Puissance et amour pour Margot et pour tous les manifestants arrêtés », conclut l’appel.
Qui est Margot selon Médiapart, Le Monde et Libération ?
« Margot », cet « organisme non hétérosexuel et binaire », serait donc une « militante de genre non binaire », nous apprend Médiapart. « Elle est accusée d’avoir dégradé et détruit une camionnette de la campagne ‘Stop Pédophilie’ », nous expliquent encore les auteurs de cet appel international.
« Il y a un an et demi, en réaction à la campagne ‘Stop Pédophilie’, Margot et sa partenaire Lania ont fondé le collectif « Stop Bzdurom » pour lutter contre la propagande homophobe. Leur but était de combattre la honte, la passivité, la peur et la solitude des personnes queer, trans et de genre non-binaire en utilisant des drapeaux queer pour couvrir des bannières homophobes et pour décorer des monuments publics avec des signes de résistance. L’arrestation de Margot s’inscrit dans le cadre d’une opération plus vaste du gouvernement et de la police visant à réduire et à dégrader les droits des minorités sexuelles et de genre et à supprimer toute forme d’antagonisme critique. »
Le 9 août, dans un article intitulé « En Pologne, des milliers de manifestants après l’arrestation d’une militante LGBT », le journal Le Monde donnait une information supplémentaire sur ce qui est reproché à Margot : « Margot, dont l’arrestation vendredi a provoqué des bousculades avec la police, est accusée d’avoir endommagé un van portant des inscriptions homophobes à Varsovie en juin et d’avoir poussé une bénévole d’une fondation anti-avortement, propriétaire du van. Le van de l’association anti-avortement Fondation pro-droit à la vie circule fréquemment dans le centre de Varsovie, recouvert d’affiches mettant en lien homosexualité et pédophilie. »
Éclaircissement apporté par Libération, sous la forme d’une tribune publiée le 14 août par une auteure polonaise : « Le 7 août à Varsovie, Margot, une militante LGBT+ s’identifiant comme une personne non binaire, qui avait dégradé un van affichant des propos homophobes, a été placée en détention provisoire pour une durée de deux mois. Sur les enregistrements vidéo qui circulent sur Internet, on voit la police interpeller avec une extrême brutalité la petite foule venue s’opposer à son arrestation. » La tribune en question porte le titre « Margot ou le brutal retour en arrière de la Pologne », avec en chapô la thèse centrale de l’auteur : « L’arrestation d’une jeune militante LGBT+ à Varsovie le 7 août reflète l’accélération de la ‘contre-révolution’ voulue par le parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir. Femmes et LGBT en sont les premières victimes. » Plus loin, la Polonaise Agnieszka Żuk dont Libération a choisi de publier la tribune développe sa thèse, confortée à ses yeux par l’arrestation de « Margot » : « Les populistes de droite ainsi que leur principal allié, l’Église catholique, ne pourront pas se maintenir au pouvoir sans un brutal retour en arrière : museler les femmes et les minorités sexuelles en instaurant un climat de terreur. » Fichtre ! Mais ce n’est pas tout, car le PiS aujourd’hui en pouvoir en Pologne s’en prendrait aussi aux femmes, ainsi que le suggérait le chapô de l’article. Pourquoi ? Parce qu’« en retirant leurs droits aux femmes et en encourageant la violence à leur encontre, le PiS vise à neutraliser les électeurs les plus désobéissants et les citoyens les plus engagés dans la lutte pour la défense de la démocratie et des minorités sexuelles. »
Qui est vraiment « Margot » ?
Quittons donc le domaine des émotions pour revenir aux faits. « Margot » est le surnom que se donne cet « organisme non hétérosexuel et non binaire » (dixit Médiapart). Ce surnom renvoie au prénom féminin Małgorzata (Marguerite) également utilisé par « l’organisme » en question. Le vrai nom de Margot, c’est Michał (Michel) Szutowicz. Ainsi qu’on peut le lire sur le site Visegrád Post dans l’article « Après l’arrestation en Pologne d’un militant LGBT pour des faits de violence, la gauche s’enflamme », « l’arrestation de Michał Sz. le vendredi 7 août (non plus pour une simple garde à vue mais cette fois pour deux mois) au siège d’une organisation LGBT où il se trouvait, a provoqué la colère d’autres militants LGBT qui ont rameuté les troupes et ont insulté et bousculé les policiers, leur crachant au visage et causant des dégâts aux véhicules de police. Les policiers ont donc dû procéder à d’autres arrestations : 48 manifestants en tout, qui ont ensuite été relâché mais qui vont avoir à répondre de faits d’outrage à agent et de violence contre les forces de l’ordre. » Face aux accusations, la police polonaise a d’ailleurs publié des vidéos de l’arrestation de « Margot », comme ici sur son compte Twitter officiel.
Margot/Michal est bien l’agresseur
L’arrestation de Margot avait été ordonnée par un tribunal, sur demande du parquet, pour une agression commise le 27 juin dernier. Explication du Visegrád Post : « L’agression a eu lieu le 27 juin dernier rue Wilcza à Varsovie. Un groupe de militants LGBT a alors encerclé une fourgonnette de l’organisation pro-vie Pro-Prawo do Życia. Parmi eux, Michał Sz., qui semblait entraîner les autres. Le conducteur de la fourgonnette a filmé l’incident, tandis que le passager est descendu et a cherché à calmer les esprits, les pneus du véhicule ayant de toute façon été crevés par les agresseurs. Un des militants LGBT a cherché à le renverser sans y parvenir, mais il a rapidement été aidé par Michał Sz. qui l’a fait tomber à terre avant de lui assener quelques coups puis de le laisser, repartant accompagné de ses acolytes. Aujourd’hui, sur la base des vidéos en possession du parquet, Michał Sz. est aussi accusé d’être un des auteurs des dommages causés à la fourgonnette (pneus et bâche de la remorque lacérés au couteau, rétroviseur cassé, plaques d’immatriculation arrachées…), et il a en outre appelé ultérieurement, sur les réseaux sociaux, à commettre d’autres agressions physiques du même type contre la fourgonnette de Pro-Prawo do Życia. » On notera au passage que « la bénévole » qui aurait été « poussée » par Margot (dixit Le Monde) est en fait un bénévole, un homme que Michał Szutowicz alias Margot a attaqué physiquement en le frappant et en le mettant à terre.
La compagne de Michał Szutowicz, Łania Madej (qui se dit lesbienne puisque son compagnon Michał/Małgorzata serait en réalité une femme enfermée dans un corps d’homme, même si ce dernier se dit aussi « non binaire », c’est-à-dire, dans le langage de la théorie du genre, ni vraiment homme ni vraiment femme), dévoilait le 11 août dans Vogue ce qu’était leur collectif « Stop Bzdurom » (stop aux idioties) créé « pour lutter contre la propagande homophobe » (dixit Médiapart) : « Nous sommes le mouvement queer anarchiste polonais. Notre espace, c’est la rue, et notre objectif c’est la lutte contre toute manifestation d’homophobie, de transphobie, et de queerphobie dans notre pays. (…) Nous n’avons pas peur d’avoir une approche plus radicale. (…) Nous avons toutes les deux une expérience militante. Avant de lancer Stop Bzdurom nous avons milité dans d’autres organisation, y compris des organisations anarchistes ».
Ainsi, après vérification, ce n’est pas la démocratie qui serait en danger en Pologne comme le prétendent Médiapart, Le Monde et Libération, mais plutôt l’anarchie trans, queer et non binaire. Aux fous ?