Première diffusion le 31/08/2020
En mars de cette année, l’OJIM a consacré un article à un phénomène en pleine expansion dans les médias : celui de la délinquance de jeunes étrangers arrivés récemment en France. La lecture des médias de grand chemin nous apprend que ce phénomène non seulement ne faiblit pas, mais s’amplifie. Sa couverture médiatique a‑t-elle changé pour autant ? Les médias sont-ils passés du ponctuel au plus général et aux véritables problèmes que pose cette délinquance devant laquelle la police semble désarmée ? Revue de presse.
Un contexte propice aux arrivées de clandestins
En dépit des restrictions de circulation dues au coronavirus, l’immigration clandestine ne faiblit pas. Au contraire, elle redouble d’importance, comme nous l’apprend notamment Le Figaro le 17 août : « l’arrivée de migrants en Italie a augmenté de près de 150% au cours des 12 derniers mois ». Les migrants semblent ne pas vouloir rester en Italie : ils affluent en France, un afflux « non maitrisé » selon le député des Alpes maritimes Éric Ciotti interrogé par Nice-Matin le 16 août. Le député insiste sur le cas des jeunes étrangers :
« De jeunes clandestins rodent un nouveau processus détourné d’entrée sur le territoire national (…). Ces derniers se déclarent mineur pour faire obstacle à la reconduite à la frontière et afin d’être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, puis fuguent avant la mise en œuvre de l’évaluation de minorité ».
L’afflux de jeunes étrangers en France ne passe parfois pas inaperçu. Les médias, en particulier régionaux, nous informent que dans différentes villes de France, des bandes de jeunes maghrébins se livrent à de nombreux actes de délinquance plus ou moins violents et échappent à toute prise en charge tant par la justice que par les services sociaux.
Des voyous étrangers écument Paris et la banlieue
Le 19 août, Le Parisien nous informe que « les mineurs isolés continuent d’écumer l’Ile de France ». A la lecture des différents articles consacrés à ce phénomène, on apprend que les « mineurs isolés » sont étrangers et maghrébins. L’article apporte en effet des précisions sur les auteurs de cambriolages de pharmacies et de restaurants ainsi que de vols à l’arrachée. La liste de leurs méfaits est longue dans les Yvelines, dans le Val d’Oise et en Seine et Marne. Des policiers font part de leur lassitude face à « des réseaux organisés du nord de l’Afrique, basés en Seine-Saint-Denis et dans Paris XVIIIe », dont les petites mains restent en liberté malgré leur dangerosité.
Boulevard Voltaire consacre également le 21 août un article à ce phénomène en Ile de France et titre : « Cambriolages : faux mineurs isolés, vraies filières de malfrats ».
Mais les informations ont parfois du mal à filtrer. L’après finale du match Bayern de Munich-Paris Saint Germain a été houleuse dans le quartier des Champs Elysées dimanche 23 août : policiers blessés, voitures incendiées, magasins pillés. L’origine ethnique des émeutiers devait manifestement rester secrète. Le compte Twitter d’un syndicat de commissaires de police a été censuré pour avoir révélé qu’ « 1/3 des auteurs interpellés » lors des émeutes était « des mineurs, certains non accompagnés (donc des jeunes migrants) », nous informe le compte Twitter Fallait pas supprimer…
Rennes et les « harragas » marocains
Dans la ville bretonne, Le Télégramme est allé « sur la piste des jeunes migrants qui défraient la chronique. (…) Drogués et violents, parfois très jeunes, des adolescents marocains défraient la chronique judiciaire depuis des mois à Rennes. ». L’enquête parue le 26 juin est fouillée et évite tout misérabilisme. On y apprend notamment que « l’isolement » de ces jeunes dits « mineurs isolés étrangers » est tout relatif.
Ouest-France a rencontré le procureur de la République de Rennes. L’article paru le 22 août précise que « la part des mineurs non accompagnés dans les interpellations se situait entre 9 et 16 % entre janvier et mars 2020. Elle est passé entre 19 et 33 % entre mai et août ».
Si le procureur de la République affirme au journaliste que sa détermination est « entière », on apprend néanmoins par Actu.fr que « des ados cambriolent une pharmacie deux jours après être sortis de garde à vue ». L’article précise qu’il s’agit encore de trois « mineurs isolés étrangers ».
Le site d’information nous informe également le 24 juillet que le maire de Janzé, près de Rennes, a instauré un couvre-feu pour les mineurs. Il est bientôt suivi par le maire de Brie, apprend-on dans un article du 21 août.
Montpellier, vols à l’arrachée et squares privatisés
Plusieurs faits divers ont défrayé la chronique en Occitanie cet été, comme on dit par facilité de langage. Le 2 juin, Actu.fr nous apprend que « l’Esplanade Charles de Gaulle et le square derrière le kiosque Bosc à Montpellier, sont devenus la chasse gardée de groupes de mineurs non accompagnés ». Vols à l’arrachée, vols à l’étalage, armes blanches : on apprend à se familiariser avec les termes policiers…
« Deux mineurs non accompagnés cueillis par la BAC après un cambriolage », nous informe Actu.fr le 28 juillet. « C’était la troisième fois en quatre jours que ces deux mineurs non accompagnés étaient conduits au commissariat pour des vols. Ils ont été déférés au parquet de Montpellier ».
Le 18 août, ce sont selon Actu.fr trois mineurs non accompagnés qui s’invitent dans un appartement dont le propriétaire avait eu la mauvaise idée de s’absenter une semaine.
À Bordeaux, les attaques aux couteaux se multiplient
À Bordeaux, les attaques au couteau se multiplient. On en dénombrait récemment une cinquantaine, nous apprend BFM TV le 30 juillet. Un syndicaliste policier affirme à la chaine d’information en continu : « ces agressions sont généralement l’œuvre de mineurs non accompagnés dont le nombre serait croissant à Bordeaux ». L’article mentionne que les syndicats de police réclament 30 renforts de plus que ceux annoncés par le Préfet.
À l’occasion d’un guet-apens tendus contre des policiers, France 3 a interrogé des syndicalistes policiers. Leurs témoignages sont résumés dans un article mis en ligne le 24 juillet. La chaine régionale rappelle que début juillet, une de ses journalistes « avait recueilli le témoignage rare de policiers bordelais qui se sentaient abandonnés par leur hiérarchie alors que sur le terrain ils font face à un nouveau type de délinquance, des groupes de mineurs non accompagnés armés ».
On aurait pu faire un tour de France plus complet au travers des articles de presse. Mais il parait à ce stade important de s’arrêter sur la situation à Mayotte, qui pourrait apparaitre comme annonciatrice de ce qui pourrait arriver en métropole.
La poudrière à Mayotte !
France Info nous apprend le 30 mai que « près de 1 000 mineurs délinquants (ont) été suivis par la protection judiciaire de la jeunesse en 2019 ». Ces jeunes délinquants à Mayotte « ont eu des conditions de vie difficiles ». On attend vainement un peu de compassion pour leurs victimes dans l’article de la chaine d’information affiliée à l’Etat français…Leur prise en charge par la PJJ n’empêche pas le Parisien de faire le constat le 21 août que « Mayotte est en proie à des bandes de jeunes qui sèment la terreur ». On y apprend que les jeunes délinquants, dont les parents étrangers ont souvent été expulsés, sont plusieurs milliers, que leurs méfaits sont nombreux et parfois sanglants et que des citoyens organisent des milices face à l’impuissance de la police. Un gendarme déplore la suppression des « cadis », les juges musulmans. Une solution pour la métropole quand « l’ordre » républicain n’est plus qu’un vain mot ? Le récent « cessez le feu » à Dijon entre maghrébins et tchétchènes nous montre peut être le chemin..
Les jeunes étrangers vus comme des victimes
Les éléments de contexte concernant l’afflux de jeunes africains en France ont souvent un angle juridique et social. Ce phénomène est avant tout présenté comme un problème dont les autorités françaises ont la responsabilité.
Le Petit Journal présente le 16 juin l’encadrement des mineurs non accompagnés :
« Les mineurs non accompagnés sont protégés par la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Il ne peut donc pas être exclu du territoire français comme un adulte. Lors de son arrivée sur le territoire, il est accueilli, quel que soit son pays d’origine. C’est ensuite aux Services Départementaux d’aide sociale à l’Enfant (ASE), qui prend le relais ».
Le site d’information turque TRT consacre le 23 août un article au « traitement illégal des mineurs non accompagnés pointé par Human Right Watch ». L’article souligne que certains jeunes (ou moins jeunes) ne sont pas pris en charge.
La défense des jeunes migrants concerne aussi ceux qui ont été considérés comme majeurs par les services départementaux de l’aide sociale à l’Enfance. MSF se réjouit le 14 août dans ses pages « Actualités » que les jeunes occupant illégalement une place à Paris ont été évacués et logés, « une première étape avant une prise en charge plus pérenne ». L’association y voit une première et souhaite que partout en France, les jeunes étrangers qui contestent l’évaluation de leur âge soient pris en charge.
Certains jeunes étrangers ne recherchent pas une prise en charge mais veulent rester dans la délinquance. Cela n’empêche pas le ministre de la justice et plusieurs spécialistes d’être toujours dans une démarche sociale et « pédagogique ». « L’enjeu n’est pas de durcir la justice des mineurs, mais de l’améliorer pour que les jeunes concernés puissent être remis dans le droit chemin et réintégrés à la société », affirme péremptoirement J.M. Arnaud dans les colonnes de Contrepoints le 12 août.
La position du ministre de la justice est particulièrement importante : il a sous son autorité la protection judiciaire de la jeunesse, qui prend en charge les mineurs délinquants.
Sputniknews nous informe le 14 juillet que M. Dupond-Moretti a visité un centre éducatif fermé. Ses propos plaisent à un élu de la France insoumise, Éric Coquerel, présent lors de la visite. On ne sait pas si c’est bon signe…
Ouest-France reprend le 20 juillet certaines déclarations du ministre de la justice lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale : « Dupond-Moretti veut mieux encadrer les mineurs et moins les enfermer ». Il se prononce pour l’instauration d’un « service civil », pour lequel le député Éric Ciotti avait déposé une proposition de loi en 2011. Mais le ministre choisit ses interlocuteurs :
« Si la répression était la solution, il y a des siècles que nous le saurions, a‑t-il fait valoir, assurant vouloir discuter avec tout le monde, mais pas avec les populistes ».
Les jeunes étrangers ne sont pas des enfants sans défense…
Certains clandestins ont de la ressource pour rester en France et exiger une prise en charge. Le juriste Régis de Castelnau relate sur son compte Facebook sa conversation avec une directrice d’un service départemental d’aide sociale à l’enfance. Celle-ci a été saisi d’une demande d’hébergement par un jeune africain qui a essayé de percevoir des prestations sociales en Espagne, puis de se faire prendre en charge dans un département du Sud-Est de la France, puis du grand-Est, où son âge a enfin été déterminé : 41 ans. Mais cela ne l’empêche pas de faire un recours contre le refus de sa prise en charge et d’exiger avec l’aide de la Ligue des droits de l’homme d’être hébergé jusqu’à la décision finale…
La gestion des jeunes étrangers délinquants n’est pas simple non plus. En 2013, lors d’une audition parlementaire, le général Soubelet présentait sans fards les directives du parquet :
« Si vous interpellez un mineur d’origine étrangère, libérez-le immédiatement. Pour moins de 300€ volés lors d’un cambriolage, pas de garde à vue, libérez-le. Donc bien sûr ces délinquants peuvent continuer tranquillement leurs activités ». La réponse pénale ne semble donc pas avoir beaucoup changé avec le nouveau ministre, en dépit du « sévère constat d’un général » selon le Figaro dans un article paru en janvier 2014.
L’essayiste et enseignante Barbara Lefebvre donne une explication culturelle au sentiment d’impunité des jeunes étrangers ou d’origine étrangère. Répondant à une interviews du site d’information Atlantico le 19 août, elle fait le constat qu’« au Sénégal, au Mali ou en Côte d’Ivoire, les jeunes délinquants de nos « quartiers populaires » ne se permettraient pas le quart de ce qu’ils font en bas de chez eux, et qui pourrit la vie de la collectivité. Non pas parce qu’ils ont davantage de respect pour autrui là-bas, mais parce que le contrôle social de la violence y est à la fois plus strict et plus dilué ».
Le Figaro donne la parole au pédopsychiatre Maurice Berger lors d’une interview publiée le 26 août. Le professionnel du soin aux enfants analyse la violence et le sentiment d’impunité des jeunes délinquants. Il fait le constat que les jeunes étrangers délinquants embolisent les établissements pénitentiaires. Il est bien seul à esquisser des solutions : rétablir de véritables sanctions, « se retirer temporairement de la Convention européenne des Droits de l’Homme sur un certain nombre de points », ce qui permettrait de prononcer une obligation de quitter le territoire français.
La lecture des différents articles mentionnés nous apprend que les faits divers dans lesquels les jeunes étrangers sont impliqués se multiplient, qu’ils bénéficient d’une quasi impunité pénale, qu’il est impossible, dans l’état actuel du droit, d’expulser des jeunes qui sont venus pour commettre des méfaits ou profiter du système social français. On apprend également que le ministre de la justice veut une politique tournée vers l’éducation et moins d’incarcérations.
Aucun média de grand chemin ne souligne que son refus de dialoguer avec les « populistes », mentionné par Ouest France, est une façon de reconnaitre qu’il refuse de sortir du cadre étroit qui a montré son échec jusqu’à maintenant. A l’instar du ministre de la justice, aucun média de grand chemin, à l’exception du Figaro qui a interviewé le pédopsychiatre Maurice Berger, n’évoque la possibilité d’expulser des jeunes dont la dangerosité sociale et le refus de toute démarche éducative ne sont plus à prouver.
Ironie de l’histoire, alors qu’à Rennes, la délinquance des jeunes étrangers progresse dangereusement, Le Télégramme nous informe le 21 août que le gouvernement va organiser la « relocalisation » de 350 migrants mineurs présents en Grèce en France, dont le premier groupe va rejoindre… Rennes.
Pas un média ne souligne que l’on fait venir des jeunes étrangers alors que les autorités apparaissent complètement inaptes à gérer la situation actuelle, à Rennes comme ailleurs. Le rapprochement de ces deux informations a une valeur symbolique que pas un journaliste mainstream n’a l’outrecuidance de mettre en avant. Il faut chercher l’impertinence sur les réseaux sociaux, notamment le commentaire d’Olivier Marteau sur la relocalisation de jeunes migrants en France :
« Encore 350 mineurs migrants de + vont être amenés en France depuis la Grèce. Alors que chaque jour il y a des faits divers sanglants avec eux. Alors qu’on ne peut jamais les expulser. Alors que chaque mineur coûte 50 000 € par an en logement & services sociaux ».
Un résumé clair, un peu lapidaire, que chacun appréciera…qui ne se retrouve pas sur les médias de grand chemin.