En cette fin d’été 2020, c’est une histoire à la fois banale et révoltante qui est arrivée à un couple de retraités lyonnais. Banale, car les exemples d’occupations illégales de logements abondent dans les médias locaux. Révoltante parce qu’en dépit de descriptions sans pathos excessif, le lecteur ne peut s’habituer à ces situations où l’ordre est le désordre, l’injustice la règle. Revue de presse.
Une retraite qui commence mal
Le séjour à Théoule-sur-Mer, dans les Alpes maritimes, d’un couple originaire de la région lyonnaise, a bien mal commencé. La Dépêche nous informe le 4 septembre qu’« un couple de retraités a eu la mauvaise surprise de découvrir sa maison secondaire, située dans les Alpes-Maritimes, occupée. La serrure avait même été changée. Depuis, c’est le parcours du combattant pour récupérer cette maison de vacances ».
L’édition du 8 septembre du Figaro comporte quelques précisions supplémentaires :
« La famille qui occupe illégalement la maison d’un couple de retraités aurait un logement en région parisienne (…) ».
Les propriétaires du logement commentent la situation : les squatters « se sont servis de leurs enfants comme de boucliers ». Le journal fournit d’autres informations sur le couple de retraités :
« Ils viennent de vendre leur domicile lyonnais. Évincés par des squats, les voilà sans domicile fixe. Le couple a dormi sa première nuit dans sa voiture, en regardant les intrus diner sur leur terrasse (…). Selon le maire, ils habitent en région parisienne, mais ont quitté leur domicile à cause de problèmes de voisinage ».
La technique des squatters semble éprouvée. Jean-Marc Morandini nous informe que « la famille qui a pris possession de leur maison a changé les serrures et le contrat d’électricité ».
On en conclut que cela demande finalement peu d’efforts de prendre le bien d’autrui et d’en jouir sans entrave…
Sur la chaine CNews, le propriétaire de la maison donne le 7 septembre une information probablement sans importance : « les squatters sont de la communauté maghrébine ».
Joelle Dago fait un constat amer sur RMC « Certains s’organisent pour bénéficier d’un logement gratuit pendant près de 3 ans… Ça en devient presque des organisations mafieuses ! ».
Dans plusieurs médias, Sud Radio, Yahoo sports, Mieux vivre votre argent, etc. , on apprend que déloger des squatters nécessite d’engager une procédure longue et couteuses pour… les propriétaires.
Un problème national
La lecture des médias locaux permet de constater que ce fait divers n’est pas isolé. Pour ne citer que quelques exemples, à Montpellier, ce sont deux SDF et un « mineur non accompagné » (traduire un jeune étranger) qui ont été interpellés mercredi soir dans une maison qu’ils squattaient. Actu.fr nous apprend le 6 septembre que « lors de l’interpellation des trois squatters, deux couteaux ont été trouvés sur eux ». Peut-être en vue d’un camp scout ?
Le 1er septembre, à Bordeaux, une personne « rentre à son domicile et trouve des squatters. Elle n’a pas pu entrer chez elle et a appelé la police, qui a trouvé quatre personnes dans le logement, où des dégradations ont été commises » selon Sud-Ouest.
Les squats ont lieu également dans les sous-sols des immeubles et peuvent avoir un caractère moins « durable ». La Nouvelle République nous informe le 7 septembre qu’à Poitiers, « face aux réunions en sous-sol qui leur pourrissent la vie, les habitants d’un immeuble se sont mobilisés hier soir ». « La réunion pacifique contre les squatters tourbe au vinaigre », nous précise le quotidien. On pourrait multiplier les exemples des occupations illégales dont font fréquemment état les médias locaux…
Les occupations illégales, un fervent combat de certaines associations
Si les propriétaires sont désorientés et peu aidés en cas d’occupation illégale de leur logement, certains squatters sont aidés par des responsables associatifs.
À Nantes, Ouest-France nous apprend le 24 août qu’« une maison appartenant à Nantes métropole a été murée mardi 18 août au matin. Des collectifs de soutien aux mal (et non) logés s’opposent à la procédure d’expulsion ». On en déduit que dans certaines circonstances, il faut murer son bien pour éviter que des squatters y pénètrent. Le demandeur d’asile qui occupait illégalement la maison se plaint au quotidien régional : « Tous mes documents pour ma démarche de demande d’asile sont dans cette maison, à laquelle je n’ai plus accès ».
À Nîmes, « une trentaine d’occupants résident actuellement (dans deux immeubles) depuis un peu moins d’un an, dont plusieurs familles sans titre de séjour. Les deux immeubles avaient été réquisitionnés par la branche gardoise de l’association Droit au Logement, qui milite pour défendre le droit au logement des sans-papiers », selon France Bleu le 26 août. La chaine publique affiliée à l’État français ne s’étonne même pas que des clandestins occupent illégalement des logements. Le début d’un parcours d’insertion en France ?
On en déduit que des logements peuvent être « réquisitionnés » illégalement, tandis que le propriétaire lésé doit saisir les tribunaux pour récupérer son bien.
À Bordeaux, selon Médiapart le 30 juin, « le Collectif MIE Gironde (Mineurs Isolés Étrangers) (…) soutient un nouveau squat rue Camille-Godard à Bordeaux. 15 jeunes et 4 demandeurs d’asile habitent désormais dans cette ancienne maison départementale de la solidarité. Les associations sont venus « appuyer l’action des ouvreuses et ouvreurs de squats, qui permettent ainsi à de nouveaux migrants d’être hébergés ».
On ne doute pas que les « ouvreuses et ouvreurs de squats » ont de nombreux trophées à leur actif…
« Pas de défaillance de la loi », selon la ministre du logement
En dépit du caractère scandaleux de ces occupations, qui foulent au pied la propriété privée, Valeurs actuelles nous informe à l’occasion de la spoliation des deux retraités lyonnais que « victime de squatteurs, un retraité accuse la ministre du Logement de “prendre les gens pour des cons”. Celle-ci estime que cette occupation « ne montre pas de défaillance de la loi ».
Mais la ministre chargée du Logement n’est pas insensible à la détresse humaine. Elle a annoncé que « le gouvernement va s’employer» pour que deux retraités puissent rapidement récupérer leur bien occupé par des squatteurs », nous apprend Boursorama.
« Une bonne nouvelle pour ces retraités car, en règle générale, ces procédures durent plusieurs mois, les squatteurs ne se privant pas de les faire traîner «(…) » précise Me Romain Rossi-Landi, avocat à la cour de Paris au site d’information économique.
La ministre du Logement s’empresse d’ajouter : « S’il y a des enfants qui sont potentiellement à la rue, on trouvera un moyen de les héberger.
Les enfants dont il s’agit, ce sont ceux des squatters issus de la région parisienne, rassurez-vous.
Justement, l’avocate de la famille de squatters s’apitoie le 8 septembre sur la « détresse sociale » de ses clients au micro de BFMTV : les parents ont déjà un enfant d’un et demi, un autre de 7 mois madame est enceinte de 2 mois.
Ce qui amène Alphonsine à faire ce commentaire sut Twitter :
« C’est pas un logement qu’il faut lui trouver c’est un toubib pour lui ligaturer les trompes ! »
La tentation de la réappropriation expéditive de son bien
Tous les propriétaires ne sont pas aussi patients que le couple de lyonnais. Tous ne bénéficient pas de la sollicitude du gouvernement, qui semble liée à la médiatisation du squat dans les Alpes maritimes.
En début d’année 2018, à Garges-lès-Gonesse, le propriétaire d’un logement a vu celui-ci occupé par plusieurs Roms. Le Parisien nous apprend que des habitants du quartier de la Lutèce sont intervenus « pour évacuer la maison de Youcef, impuissant face au squat d’un groupe de Roms depuis novembre ». Devant de nombreux Roms qui sont venus soutenir les occupants illégaux, « toute la cité est venue. » « les jeunes évoquent leurs propres moyens d’intimidation : fusil à pompe, Tokarev, chiens. L’un d’eux exhibe une photo de lui prise armes à la main (…). On dit qu’à cause de la cité, il n’y a pas de sécurité, mais c’est grâce à la cité qu’il a récupéré sa maison ! ».
Face à des lois qui protègent plus les occupants illégaux que les propriétaires, certains sont donc tentés de se faire justice eux-mêmes. C’est ce qui ressort également d’un sondage effectué par le collectif Damoclès. Confrontée à ce genre de situation, la grande majorité des participants a choisi son mode d’action : « j’entre par la force ».
Des logements « réquisitionnés » par des clandestins, des citoyens de plus en plus tentés de se faire justice eux-mêmes, au risque d’appliquer la loi de la cité, comme à Garges-lès-Gonesse, la médiatisation comme seul espoir pour que la procédure d’expulsion ne traine pas trop, entre trêve hivernale, droit opposable au logement et tutti quanti, des lois qui protègent peu les propriétaires et beaucoup les occupants illégaux, des enfants utilisés comme « bouclier » social, de nombreuses associations qui soutiennent les squatters, les propriétaires obligés d’engager des procédures couteuses, une ministre du logement qui ne trouve pas la réglementation actuelle insatisfaisante : le lecture des médias sur ce sujet est fort instructive.
Quant au couple de retraités lyonnais, un concours de circonstances a précipité les événements : le Figaro nous informe le 8 septembre que « le squatteur de Theoule sur mer a été arrêté pour violence », à l’occasion d’une dispute conjugale. « La femme et les enfants ont été placés en foyer ». Nous apprenons avec soulagement par TV Libertés que « la maison squattée par une famille est désormais vide, après la garde à vue de l’homme pour violence ». Les occupants illégaux de la maison de Théoule sur mer n’auront profité que brièvement de l’arrière-saison sur la côte dans la maison des retraités. Un épilogue heureux pour combien de situations qui s’enveniment…