La chose n’est pas nouvelle : le bourgeois aime s’encanailler. En ce début de 21e siècle, le rap est pour une partie de la classe médiatique un genre de musique qu’il convient de promouvoir. Pour le meilleur (parfois ?), mais surtout pour le pire.
Le gansta rap a gagné
Les plus anciens ont connu l’évolution tourmentée du rap, constamment tiraillé entre un modèle dominant, le « gansta rap » (rap de gangster) et un rap accordant de l’importance aux textes et parfois même à la mélodie (MC Solar, Arrested development, etc.).
Le rap de rue collectionnant les stéréotypes les plus éculés – homme bodybuildé, fille sexy, grosse bagnole – et empruntant de nombreux symboles aux délinquants des cités, permet à une frange de bourgeois bohèmes de s’accoquiner à bon compte avec les voyous.
L’appel à la violence va crescendo
En 2016, un certain Jo le Pheno se défoulait dans une « chanson » : « Je baiserai la France jusqu’à ce qu’elle m’aime. Il faut se défouler sur la flicaille. Ce qu’on veut c’est la guerre, pas la bataille ».
Peu après, Nick Conrad appelait en 2018 à « pendre les blancs », ce qui lui a valu …une amende avec sursis. Il y a deux ans, l’OJIM soulignait la violence des paroles d’une chanson de Médine, qui prétendait faire un concert au Bataclan, probablement pour y chanter : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha ».
On pensait donc avoir tout vu et surtout tout entendu dans le domaine de l’abject, étonnement toléré ou très faiblement condamné par la justice. Alors que dans le même temps, les condamnations pleuvent contre Renaud Camus, Christine Tasin, etc.. Une asymétrie que souligne le documentaire « le djihâd judiciaire » dont l’OJIM a interviewé le réalisateur récemment.
Le business de Freeze Corleone
Chacun aura compris que le rap est un business et que la provocation, ça rapporte. Ça rapporte d’autant plus quand les paroles des chansons versent dans l’abject. Un certain Freeze Corleone a commis récemment une de ses œuvres. Apologie du nazisme, éloge du terroriste islamiste Mollah Omar, etc. Le quotidien pour un rappeur qui veut gagner sa vie honnêtement.
Jusqu’ici, rien d’étonnant. Ce qui l’est plus, c’est l’attention portée par certains médias à l’« œuvre » de cet « artiste ».
Très tôt, les albums de Freeze Corleone ont suscité l’intérêt des Inrocks. Ce journal qui n’a de cesse de nous faire la morale, sur l’accueil des migrants, la diversité, le respect des LGBT, etc. soulignait en 2017 qu’il s’agissait d’ « une autre idée du rap français ». En 2018, le journal nous invitait à plonger dans son « univers cinglé ».
Le Mouv a véritablement plongé dans l’univers cinglé du rappeur. La radio affiliée à l’État français, payée donc par vos impôts, diffuse comme un robinet d’eau tiède une certaine « culture jeune ».
Le nouvel opus de Freeze Corleone « ne déçoit pas » pour la radio publique. La radio souligne dans un article du 14 septembre que « la Track List est riche » (oublions le français sur le service public) et que « le nouvel album de Freeze Corleone réalise des ventes considérables ». Voilà un argument qui à lui seul mérite que la radio publique en fasse la promotion…
Pour se justifier de faire la promotion d’un album dont certaines paroles sont pour le moins troublantes, la radio a répondu sur Twitter à Clément Weill-Raynal qui l’a interpellé :
« Merci de citer notre article. Ne pas parler d’un artiste, n’est pas la solution. Mais par contre, citer l’intégralité du passage nous parait être la bonne solution. ».
Suivent des explications alambiquées sur les « métaphores » et les « name dropping » (vous êtes bien sur la radio publique) dans la discographie du rappeur.
L’affaire en serait restée là si, pour une raison qui nous est inconnue, des parlementaires ne s’étaient pas saisis de l’affaire. Dans un communiqué de presse, de nombreux députés demandent que « l’auteur de ce clip abject soit puni ».
Quasiment immédiatement après, Voici nous apprend le 17 septembre que « le gouvernement saisit la justice pour apologie du nazisme et antisémitisme ».
En conclusion, la Sauce réagit sur Twitter, dans un commentaire oscillant entre cynisme et amusement :
« Freeze Corleone il va prendre son disque d’or, faire quelques dates, amasser une maxi kichta et retourner à Dakar, il en a strictement rien à foutre de l’avis des Jean Pierre DeLaFrance ».
Une affaire rondement menée…