La Société des Lecteurs du Monde (SDL) détient 7,71% de la société Le Monde & Partenaires et associés, qui elle-même possède 14,39% de la Société Éditrice du Monde (SEM). Peu de choses sur le plan comptable, mais une influence réelle sur le plan moral à travers les lecteurs. Julia Cagé a essayé d’en exercer le contrôle, raté pour cette fois.
Julia Cagé, femme d’influence
Épouse de l’économiste (et chroniqueur occasionnel du journal) Thomas Piketty, Julia Cagé est professeur d’économie à Sciences Po, administratrice de l’AFP, soutien de François Hollande en 2012, membre de l’équipe de campagne de Benoït Hamon en 2017, auteur d’un livre remarqué et intéressant, Sauver les médias. Capitalisme, financement participatif et démocratie (Seuil) et de L’information à tout prix (ina) sur les changements induits par internet dans le monde médiatique ; elle compte dans le monde de la gauche institutionnelle et déborde un peu sur la gauche plus radicale. Elle préside également la SDL depuis le début 2020.
Son projet sur la SDL
Vous êtes un admirateur du Monde (je sais, je sais, mais tout existe) et vous achetez lors d’un appel à soutien quelques actions de la SDL… que vous oubliez immédiatement. Vos actions se trouvent en déshérence et dix ans plus tard elles sont considérées comme disponibles et remises en vente. C’est ainsi que 17.527 actions représentant 4,5% de la SDL étaient mises en vente en septembre 2020.
La valeur nominale de l’action (très théorique) est de 6,49 €, le prix proposé était de 3,25 € voire moins, une forte décote mais mieux que les 0,80 € en juin 2018 lorsque l’action était cotée (elle ne l’est plus depuis cette date). Pour une somme somme toute modique d’environ 57K€, Julia Cagé se proposait de reprendre ce bloc d’actions par son association Un bout du Monde qu’elle a créé en juin 2020 et qu’elle préside. Elle devenait alors de facto via son association un des premiers actionnaires de la SDL. Une position stratégique si la SDL devient un fonds de dotation. Bien vu.
Première manche perdue
Si l’assemblée générale de la SDL s’est bien tenue le 19 septembre, la vente aux enchères ne s’est pas passée comme prévue. Vente aux enchères bizarre avec un seul acquéreur et finalement annulée, elle aurait pu être contestée juridiquement. La campagne d’appel aux dons (sur kisskissbangbang) de l’association contrôlée par Julia Cagé a été contestée par… les journalistes qui s’exprimaient par la voix de la Société des Rédacteurs du Monde (SRM). Par ailleurs la grande proximité de Cagé avec Benoït Hamon pouvait laisser penser que l’indépendance du journal (assez réelle vis-à-vis des partis politiques, nulle par rapport aux intérêts matériels et moraux de l’idéologie libérale libertaire) pouvait être en danger. Partie remise ou partie perdue ? À suivre.
Voir aussi : le groupe Le Monde, infographie