Première diffusion le 09/12/2020
C’est la loi des séries et des mauvais coups. Des mauvais coups peut-être dus au fait que vous êtes de plus en plus nombreux à nous suivre (plus de cent mille visiteurs en novembre 2020). Après Twitter qui a suspendu (puis rétabli, le tout sans explications) notre compte pendant six semaines, c’est Radio France qui envoie un huissier à notre hébergeur web. Pièce en quatre actes, plus un épilogue.
Premier acte, Radio France envoie un huissier
Un huissier envoyé le 3 décembre, non pas à l’Observatoire du journalisme mais directement à OVH notre hébergeur, pour se plaindre de « contenus illicites » (les liens suivent après ce paragraphe) qui pourraient conduire, nous citons : « À défaut d’intervention de votre part et conformément à nos termes contractuels, nous pourrions être contraints de procéder à la suspension de votre service d’hébergement ». Autrement dit la mort digitale et la mort tout court de l’Observatoire du journalisme. Nous avons contesté immédiatement le caractère illicite des articles en soulignant leur caractère humoristique.
Les liens vers les articles supposés « illicites » concernant le militantisme LGBT++ à Radio France :
- Radio France, la cage aux folles
- Changement(s) de sexe à Radio France
- Plus que deux jours pour être élu Rôle Modèle LGBT+ de Radio France
Deuxième acte, réponse de notre avocat
Nous donnons un extrait du courrier du 4 décembre de notre avocat à OVH :
…Des termes de l’article 6, I, 2 et 3 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « loi LCEN », votre responsabilité d’hébergeur n’est susceptible d’être engagée, tant sur le plan civil que sur le plan pénal, qu’en présence d’un contenu « manifestement illicite ».
Or, aucun des trois articles signalés ne présente le moindre caractère illicite.
RADIO FRANCE, du reste, parait bien en peine de déterminer la qualification qui leur serait applicable puisqu’elle indique, pêle-mêle, qu’ils constitueraient une infraction de provocation à la discrimination « ou à tout le moins » une infraction d’injure publique…
Troisième acte, la réponse d’OVH
Le 5 décembre « …En l’état et après analyse complémentaire, nous considérons que les éléments rapportés ne présentent pas un caractère manifestement illicite. En l’absence d’éléments nouveaux, nous considérons qu’il ne nous appartient pas de suspendre votre hébergement mais renvoyons vers les juridictions compétentes pour apprécier la nature de ces contenus… »
Notre bonne foi est reconnue mais il est question de « juridictions compétentes », de lourds nuages s’annoncent à l’horizon.
Quatrième acte, notre courrier à Radio France
Le 8 décembre notre avocat envoie un courrier recommandé avec A/R à Madame Sibyle Veil, PDG de Radio France, copie à la direction juridique de l’institution, dont nous mettons ici un extrait :
…L’OJIM s’étonne, en premier lieu, qu’une entreprise comme la vôtre, a priori soucieuse de la liberté d’expression et du droit à l’information, ainsi qu’elle l’a encore proclamé en septembre dernier en se joignant au mouvement #DéfendonsLaLiberté, ait pu se livrer à une telle démarche auprès de la S.A.S. OVH.
D’autre part, ainsi que l’OJIM a pu directement l’expliquer à la S.A.S. OVH, aucun des trois articles signalés ne présente le moindre caractère illicite ni, a fortiori, « manifestement illicite » au sens de loi n° 2004–575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dite « loi LCEN », de telle sorte que sa responsabilité n’est pas susceptible d’être engagée.
Enfin, l’OJIM s’étonne que vous n’ayez jamais cherché à le contacter pour réagir à ces articles, par exemple dans le cadre de l’exercice d’un droit de réponse.
L’OJIM perçoit, en conséquence, votre démarche de « notification d’un contenu illicite » auprès de son hébergeur, par le ministère d’un Huissier de Justice, alors que c’est à la seule autorité judiciaire, après un débat contradictoire, qu’il revient de se prononcer sur le caractère éventuellement illicite de tel ou tel propos, comme une tentative d’intimidation.
L’OJIM me demande, dans ce cadre, de vous rappeler les termes de l’article 6, I, 4 de la loi LCEN :
« 4. Le fait, pour toute personne, de présenter aux personnes mentionnées au 2 un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende. »
À défaut d’une renonciation expresse de votre part, sous huitaine et avec copie à la S.A.S. OVH, à votre « notification d’un contenu illicite » du 3 décembre 2020, l’OJIM vous poursuivra sur le fondement de ce texte…
Épilogue
Au-delà des péripéties juridiques inéluctables, nous nous posons quelques questions. Notre style est engagé mais il n’est jamais militant. Nous analysons, nous décryptons, nous nous moquons parfois, mais nous n’avons jamais la bave aux lèvres, ce que certains appellent un « discours de haine ». Alors ? Nos analyses dérangent à ce point les intérêts matériels et moraux du monde libéral libertaire ? Veut-on nous contraindre à nous faire héberger ailleurs ? Aux États-Unis ou en Russie ? Ou plus simplement veut on nous faire taire en nous épuisant sous les procédures ? Nous laissons chacun libre de sa réponse.
De notre côté, nous adoptons la devise des cavaliers : En avant, calme et droit.
Claude Chollet
Président de l’Observatoire du journalisme (Ojim)