Le magazine allemand Junge Freiheit a mis en lumière une nouvelle tendance au sein des entreprises en Allemagne dans le milieu artistique, la lutte « contre les discriminations ». Visite guidée.
Toujours plus de « minorités »
Un article paru le 26 novembre 2020 révèle la nouvelle politique sociale de l’UFA, société de production cinématographique allemande. Le projet est simple : « mettre d’avantage l’accent sur les minorités devant et derrière la caméra ». Ce mot minorité est défini dans l’article comme le groupement social composé des « personnes handicapées », des « personnes d’origine étrangère et les partisans LGBTQ ». Cette mesure a été annoncée par son directeur Nico Hofmann, qui souhaite mettre en place un plan de recrutement des personnes issues des minorités. C’est sous le patronyme de « cercle de diversité » que s’établit cette mesure. Pourquoi ces minorités en particulier ? « Les minorités seraient souvent présentées selon certains clichés », estime Tyron Ricketts, chef de la société partenaire d’UFA, les personnes issues des minorités sont obligatoirement des personnes présumées « défavorisées. »
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Éduquer le public
Le but d’UFA est ambitieux. Tout d’abord montrer au sein de l’entreprise et à l’écran une image « miroir » de la société actuelle. Et ensuite prendre sa « responsabilité » selon les dires de Joachim Kosak, pour « lutter de manière décisive contre les tendances discriminatoires, définir des thèmes appropriés et les rendre visibles dans nos programmes. »
Le cinéma allemand n’est pas le seul touché par cette volonté de se faire l’écho d’une certaine mouvance mondiale. Un autre article de Junge Freiheit révèle une mesure similaire, mais cette fois-ci dans le milieu de la danse : « La directrice par intérim du Ballet d’État de Berlin, Christiane Theobald, a annoncé des cours de formation à la lutte contre le racisme pour tous les employés ». Une « danseuse à la peau sombre » aurait subi des discriminations liées à sa couleur de peau. Chloé Lopes Gomes, la danseuse en question, s’est vue obligée de se maquiller en blanc et s’est vue refuser par un « maître de ballet » un voile blanc lors d’une répétition car « vous êtes noire ».
Ce fait particulier, se résumant à un léger incident, a été une véritable aubaine pour le groupe Black lives Matter qui « a finalement convaincu Lopes Gomes de rendre les événements publics ». L’article révèle que le contrat de la danseuse n’étant pas renouvelé, celle-ci s’est autorisée quelques déclarations en plus de la révélation des faits. « Pour moi, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Le problème, c’est l’institution, la tradition. Il y a encore des gens qui voient le ballet comme une forme d’art élitiste et blanche. J’espère que les autres danseurs se sentiront désormais encouragés à défendre leurs droits.”
Traquer l’ennemi
Ces deux articles suivent la même ligne : annoncer d’abord une mesure nouvelle au sein d’une entreprise. Puis révéler ce qui a valu la décision d’une telle mesure : que ce soit des « modèles de rôles restrictifs dépassés », des « tendances discriminatoires » ou l’obligation de « se maquiller en blanc », ces faits sont présentés comme loin d’être anodins. Les mesures ainsi mises en place ne cachent pas leurs ambitions réelles. Au ballet comme au cinéma, c’est bien d’une « lutte contre » dont il s’agit. Les mesures sont appréhendées comme un combat, une sorte de révolution contre le mal. Mais qui est l’ennemi ? L’article sur la danseuse de ballet le désigne sans ménagement : « l’institution, la tradition » et même si les faits se déroulent en Allemagne une précision permet d’identifier plus précisément l’ennemi « une forme d’art élitiste et blanche ». Si les articles adoptent des tons neutres, les révélations contenues démontrent une réelle volonté de changer en profondeur certaines choses dans la société allemande ; à commencer par la population ?
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Ces mesures prises dans ces entreprises donnent au lecteur l’impression que les évènements justifiant ces mesures ne sont pas qu’une expérience désagréable isolée, mais plutôt l’illustration d’une généralité dont il n’a pas encore pris conscience. Cette façon de présenter, même avec le ton le plus neutre possible, tend à conférer une certaine exemplarité pour ceux et celles qui adoptent de telles prises de décision au sein de leur entreprise. Le message est simple : là où la majorité des gens côtoyaient sans s’en apercevoir le racisme au quotidien, le pratiquant peut être eux-mêmes, certaines personnes « responsables » doivent proposer des « cercles de diversité » afin de changer la société.
Coup dur pour ceux qui aimaient le cinéma d’antan
À l’instar d’Hollywood qui a mis en place un plan de représentation des personnes issues de la diversité comme le révèle un article dans Le Monde, le cinéma et le ballet allemand, revêtent d’une dimension morale leurs mesures sociales, justifiant ainsi le fait de recruter des personnes sur leur apparence à telle ou telle communauté. Il semble aujourd’hui immoral que des personnes banalement blanches, ni handicapées et ni LGBTQ+ soient omniprésentes dans la représentation artistique. C’est ainsi qu’une mouvance mondiale, dont Black Lives Matter fait partie, incite à changer le modèle de recrutement jusqu’alors utilisé.
UFA, affirme vouloir recruter non plus sur des capacités ou des mérites, mais en priorité sur des critères d’appartenance. Allant plus loin pour ce qui est du cinéma, la créativité est redéfinie « Chez UFA, la diversité est une condition préalable absolue à tout type de créativité ». Il semblerait donc que le cinéma d’avant, dépeint comme comprenant « les modèles de rôles restrictifs dépassé » manquait de génie. Un cinéma ne mettant pas en scène ces personnes issues des « minorités » est un mauvais cinéma, puisque manquant à son essence première qu’est la créativité, elle-même fille de la « diversité ». CQFD.
Les amateurs de cinéma peuvent être ravis : le meilleur de la créativité cinématographique resterait à venir. À moins que ce ne soit le contraire…