Vendredi 11 décembre, à l’écart des médias de grand chemin, les directeurs de la publication de la revue Front populaire présentaient en direct le documentaire intitulé « Arménie, un choc des civilisations ». Nous revenons sur la soirée interactive de présentation de ce film qui a réuni plus de 60 000 personnes.
Ces dernières semaines, les médias de grand chemin nous ont parlé de nombreux sujets : les vaccins contre le coronavirus, l’affaire Zecler, le match du PSG annulé parce qu’un joueur a été appelé « noir », le trophée décerné à Assa Traoré, etc… La couverture médiatique de l’intervention armée de l’Azerbaïdjan au Haut-Karabakh a par contre été extrêmement discrète. La sortie du documentaire « Arménie, un choc des civilisations » est l’occasion d’y revenir et d’en mesurer les enjeux.
Arménie, un choc des civilisations, récit d’un reportage
À l’automne 2020, le réalisateur Alexandre Jonette et les créateurs de la revue Front populaire, Michel Onfray et Stéphane Simon, se sont rendus dans la région d’Artsakh, dans le Haut-Karabakh. Leur objectif : se rendre compte des événements qui ont à peine filtré en France, l’agression du Haut-Karabakh par l’armée azérie, épaulée par la Turquie qui aurait enrôlé pour l’occasion des djihadistes.
Le Haut-Karabakh est un petit territoire qui n’a jamais accepté son incorporation à l’Azerbaïdjan en 1921, au début de l’URSS. C’est aussi un pays qui n’a pas été reconnu par le « concert des nations » et qui est essentiellement peuplé de chrétiens, tout en étant entouré de populations musulmanes. Il est décrit dans le documentaire comme l’avant pointe du monde chrétien.
Le reportage d’une heure en accès libre permet de suivre Stéphane Simon et Michel Onfray dans leur périple et de mieux comprendre ce qui s’est passé dans la région entre le 27 septembre et le 9 novembre 2020.
Les images laissent transparaitre la brutalité de l’opération appelée « coup de poing », décrite comme une invasion organisée dans un silence assourdissant. Nous suivons l’équipe découvrir des traces de longue date de la présence arménienne dans le territoire. Les débris des armes utilisées, très souvent des drones parfois équipés de produits chimiques, sont filmés comme autant de preuves d’une volonté de blesser et de tuer. Les témoignages des habitants déplacés, qui préfèrent brûler leurs maisons plutôt que de les laisser aux futurs occupants, sont poignants.
Un reportage engagé
Tant lors du débat engagé sur Facebook à la suite de la projection du documentaire que dans le documentaire lui-même, Michel Onfray ne cache pas son point de vue engagé et sa vision du conflit. Il s’agit bien selon lui de la continuité de la politique d’extermination du peuple arménien engagée au début du XXe siècle. Le philosophe rejoint sans le citer Éric Zemmour qui rappelle plus souvent qu’à son tour le tragique de l’histoire, une dimension que nombre d’occidentaux ont oubliée.
Une histoire dont l’universitaire américain Francis Fukuyama avait prédit la fin avec la chute du mur de Berlin en 1989 et plus généralement celle des régimes communistes en Europe. Mais la prédiction de la dissolution des civilisations dans le grand marché s’est avérée erronée. Michel Onfray accrédite au contraire la thèse de Samuel Huntington du « choc des civilisations ». Si le président turc mène une politique belliciste, elle s’inscrit bien selon Onfray dans un projet de conquête islamiste mené par Erdogan. Elle s’inscrit aussi selon le philosophe dans la continuité de la politique d’extermination des Arméniens menée au début du XXe siècle. Stéphane Simon souligne plus largement au sujet de la politique expansionniste du président Erdogan que celui-ci dit ce qu’il va faire et fait ce qu’il dit, cela dans la plus grande indifférence.
FOG offensif
Invité lors de la soirée interactive, le directeur de l’hebdomadaire le Point, Franz Olivier Giesbert, très offensif, souligne la « diplomatie du caviar » organisée par le régime turc vis-à-vis de certains journalistes français, ce qui pourrait expliquer certains « publi-reportages » sur le conflit.
Michel Onfray évoque lors du débat le blackout médiatique sur cette opération militaire digne d’un « blitzkrieg ». Les chaines des médias de grand chemin sollicitées pour diffuser le documentaire auraient toutes déclinées la proposition. Les intérêts des grands patrons de presse et la volonté de ne pas froisser le président turc expliqueraient le silence des médias français à ce sujet, à quelques exceptions notables. Le Point et Le Figaro magazine (avec un reportage de Sylvain Tesson) sont cités pour avoir brisé l’omerta.
Le cercle des lanceurs d’alerte plus large que celui décrit par Michel Onfray
Le cercle des lanceurs d’alerte sur ce conflit est effectivement moins restreint que celui décrit par Michel Onfray. Plusieurs journaux et magazines ont consacré des articles à ce sujet. Certains ont dépêché des envoyés spéciaux sur place, parmi lesquels Valeurs actuelles et L’Incorrect, pour ne citer qu’eux. Néanmoins l’impression générale est que cette agression a été reléguée au rayon des conflits lointains qui nous concernent assez peu. Alors que comme le souligne Michel Onfray, cela nous concerne au premier chef.
Encore un effort camarade !
Michel Onfray salue lors du débat interactif organisé après la projection du documentaire le reportage de Sylvain Tesson au Haut-Karabakh intitulé « Les Arméniens, un peuple abandonné ». S’il salue cette initiative, il en souligne aussi le registre « littéraire » et appelle à passer à la vitesse supérieure.
On pourrait retourner la critique à la revue Front populaire et estimer que Michel Onfray ne tire pas tous les enseignements de ses constats. S’il y a effectivement un projet d’islamisation des pays européens dont l’Arménie serait la première victime, la façon d’aborder l’immigration dans Front populaire est pour le moins timorée.
Dans le premier numéro de la revue, la tribune offerte au représentant en France du parti conservateur britannique, Jeremy Stubbs, est un beau refus d’obstacle. Il se livre à un éloge de l’immigration choisie au Royaume-Uni et minore l’importance des flux, alors que ce pays connait une immigration massive depuis des années. Même constat dans « l’abécédaire du souverainisme », la définition de l’immigration est un modèle du genre « juste milieu », je n’en dis pas trop pour ne froisser personne.
Nous soulignions également en juin que la position de Michel Onfray sur le sujet lors d’une interview sur Thinkerview montrait toute la difficulté qu’il avait à conclure que la poursuite de l’immigration tant en raison de son nombre que de son origine est une pure folie qu’il faut arrêter toute séance tenante, car c’est devenu un enjeu civilisationnel.
Si Michel Onfray reconnait désormais de façon indéniable l’imprégnation de la culture française par le judéo-christianisme, il hésite à franchir le Rubicon en prônant une immigration zéro seule à même d’éviter la disparition de l’Occident dont il annonce depuis quelques temps la sombre – et fataliste – prédiction. Encore un effort camarade !
Le documentaire et le débat sont en accès libre sur le net.