Les plus beaux cadeaux de Noël se préparent toujours un minimum à l’avance. Le journal Libération pourrait ne pas avoir cette année dérogé à la tradition en offrant ce qui s’apparente à un cadeau de Noël de 4 millions d’Euros à une rédaction amie, Charlie Hebdo, et peut-être au passage quelques bénéfices à des réseaux périphériques.
Un article paru dans Libération le 29 novembre, sous le titre Sécurité privée, le légionnaire, le général et le préfet Gardère, aurait en effet presque pu passer inaperçu si l’une des personne visée par cet article, désigné comme « le légionnaire » par Libé, effectivement un ancien Légionnaire devenu président et fondateur d’une société de sécurité qui fut chargée, après les attentats de 2015, d’assurer la sécurité armée du journal Charlie Hebdo, n’avait pas vivement réagi à cette parution sur les réseaux sociaux (voir les liens vers Facebook et Twitter). Le président de la société LPN y accuse notamment Libé d’avoir employé contre lui les mêmes méthodes que celles qui avaient cours dans ce journal dans les années 70 et 80, quand Libération prenait la défense des réseaux pédocriminels. Dans un article paru quelques jours plus tard dans un blog de sécurité privée, on en apprend un peu plus sur cette curieuse affaire.
Une série de fausses informations pouvant peser sur un jugement rendu le 30 novembre
Dans son article, Libération semble participer au recel du secret de l’instruction potentiellement violé au sujet de la mise en examen du préfet Gardère, pour une suspicion de corruption à l’époque où il dirigeait le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Dans ce dossier, le président de LPN a été également mis en examen pour avoir offert en 2015 deux caisses de vin de la marque Puyloubier, à 8 euros la bouteille (soit un total de 96 euros), pour remercier le CNAPS d’un travail de conseil effectué par ses experts, en vertu des prérogatives de cet établissement public. Le Puyloubier est un vin produit par la Légion Étrangère dont les bénéfices sont entièrement reversés aux invalides et aux blessés de cette institution militaire. Le geste du président de la société visait donc surtout à promouvoir l’image de son ancien corps, la Légion, et de ses blessés. Le juge d’instruction semble avoir également examiné le contenu d’une conversation téléphonique dans laquelle le président fondateur du groupe LPN encourageait le préfet Gardère à aller voir, en Hongrie, son pays d’origine, comment se passait la mise en place des agents de sécurité armés alors que ce processus était relativement nouveau en France. Le préfet Gardère n’ayant effectué aucun déplacement dans ce pays, on comprend vite que les faits mis en lumière par l’article de Libération apparaissent dérisoires et permettront difficilement à la justice d’inquiéter le président de ce groupe.
Libé semble dans son article s’employer, un peu comme à l’époque où ce journal assurait la défense des réseaux pédophiles, à charger un peu le dossier, quitte à recourir à des éléments en partie mensongers. En effet, larticle de Libé laisse croire que la société LPN aurait « manœuvré » pour obtenir l’autorisation d’armer ses agents de sécurité mis en place pour la sécurisation de Charlie Hebdo.
Après enquête, voici ce que nous avons appris. Le contrat liant LPN à Charlie Hebdo a été mis en place de la manière suivante : le ministère de l’intérieur a présélectionné plusieurs sociétés et Charlie Hebdo, après avoir étudié chacune des sociétés candidates, a choisi de contracter avec la société LPN. Ce n’est qu’après la signature de ce contrat que le président de LPN s’est mis en relation avec le CNAPS (dirigé alors par le préfet Gardère) pour armer ses agents de sécurité dans le respect du cadre légal. La société de sécurité s’est donc rapprochée du CNAPS en conformité avec la mission de conseil et d’assistance aux métiers de la sécurité privée qui fait clairement partie des prérogatives de cet établissement public (article L632 du Code de sécurité intérieure), afin de pouvoir obtenir du préfet territorialement compétent, ici le préfet de police de Paris, l’autorisation officielle de mettre en place des agents de sécurité armés.
Libé affirme pourtant que les agents de la société LPN n’auraient pas possédé « des bons agréments leur permettant de solliciter un port d’armes à titre exceptionnel », ignorant visiblement que la totalité des agents mis en place par LPN étaient d’anciens policiers ou militaires qui disposaient déjà d’une carte professionnelle ou qui en ont fait l’acquisition au titre de l’arrêté du 19 juillet 2007 relatif à la reconnaissance aux militaires et fonctionnaires du ministère de la défense de la qualification et de l’aptitude professionnelles à exercer dans les agences de recherche privées. Cette disposition règlementaire, en vigueur en 2015, a été confirmée par l’arrêté du 11 juillet 2017 relatif à la reconnaissance aux militaires pour la détention de la carte professionnelle. Ignorant toujours ces dispositions règlementaires, Libé affirme également que le président de la société aurait obtenu « à titre dérogatoire et contre tous les usages », l’autorisation de pouvoir lui-même effectuer de la surveillance armée.
Un cadeau de Noël de 4 millions d’euros pour Charlie Hebdo ?
L’article de Libé affirme enfin, dans son dernier paragraphe, que la société LPN a été « écartée de Charlie Hebdo en septembre 2016 à la demande du ministère de l’intérieur ». Or, s’il est vrai que Charlie Hebdo a rompu son contrat avec LPN en 2016, rien ne permet de dire que cette rupture a eu lieu à la demande de la place Beauvau… Considérant que cette rupture de contrat était abusive, la société était justement en procès en appel contre Charlie Hebdo à qui elle réclamait 4 millions d’euros de dommages et intérêt et de préjudice moral pour la rupture d’un contrat d’une durée déterminée de cinq ans. L’article de Libé n’ayant aucun lien apparent avec l’actualité du moment, tout laisse donc penser que cet article visait à porter assistance à la défense du journal Charlie Hebdo, la veille du rendu du jugement d’un procès en appel, privant ainsi la partie adverse de toute possibilité de droit de réponse, puisque le droit de la presse ne l’impose que dans un délai de trois jours.
Des réseaux concurrents en fond de tableau ?
Un personnage supplémentaire apparaît dans l’article de Libération, au point de sembler être un des principaux informateurs d’Emmanuel Fansten (rédacteur de l’article) sur ce sujet : Alain Bauer. Or, peu de temps avant que la société LPN ait été écartée par Charlie Hebdo, un directeur de la sureté proche d’Alain Bauer venait d’être recruté au moment des faits par ce journal, après avoir été exclu de l’INHESJ pour harcèlement sexuel. Sur le marché en devenir de la sécurité armée, Alain Bauer pourrait donc avoir pris soin d’écarter très tôt les concurrents potentiels en employant des méthodes peu académiques. Au moment où le CNAM, où Bauer exerce son activité professionnelle, vient de se voir autoriser à assurer la formation d’agents privés de sécurité armés, au prix d’un accommodement un peu étonnant avec les règles de la concurrence compte-tenu du statut du CNAM. Cet article mettant en cause un concurrent potentiel, puisque le groupe LPN est aujourd’hui considéré comme pionnier en matière de formation d’agents de sécurité armés, n’est sans doute pas totalement anodin de ce point de vue là non plus.