Autour de Noël, c’était « complotisme partout » dans nombre de médias. La grande peur des bien-pensants étaient entre autres que les familles s’écharpent autour de sujets liés au covid, mais pas seulement. Ce fut l’occasion d’un déferlement de mises en garde et de témoignages larmoyants. Premier exemple : Le Monde.
Ce que les médias de grand-chemin appellent « complotisme » ou « théorie du complot », conceptions qui ont effectivement une existence bien réelle aujourd’hui, parfois assimilables à des bouffées délirantes, est bien souvent une façon de dénigrer et de refuser d’autorité des manières de pensée et de comprendre le monde autrement que selon la doxa voulue par ces mêmes médias. La notion de « complotisme », dans le contexte actuel, réfère à une conception binaire du monde, de type front contre front, où chacun est le complotiste de l’autre. Dans ce cadre, les médias officiels poussent parfois le bouchon du complot un peu loin, comme ce fut le cas autour de Noël.
Les « théories du complot » menaceraient la paisible vie des familles, preuves à l’appui dans Le Monde. Ou plutôt, témoignages à l’appui. Le Monde, comme nombre de ses confrères, s’en est fait une spécialité : le témoignage tend à remplacer le fait, la preuve, la démonstration, la réalité concrète. Ce fut le cas dans l’édition datée du 23 décembre 2020.
Mamie embrigadée
Le titre et l’accroche : « Mes enfants ne passeront pas Noël avec mamie, qui est embrigadée » : les fêtes de fin d’année à l’épreuve du complotisme. À la faveur de la crise sanitaire due au Covid-19, les discours complotistes ont pris une ampleur sans précédent, mettant parfois à mal les relations familiales et amicales. »
« Embrigadée », le mot n’est pas anodin. Il réfère immédiatement aux systèmes sectaires ou totalitaires. L’accusation de « complotisme » ou la nouvelle forme modernisée de la reductio ad hitlerum ? Ce fameux point Godwin voulant qu’à un certain moment d’une conversation politique les interlocuteurs en viendraient à se jeter des noms d’oiseau en provenance des Années 30 du siècle passé. Aujourd’hui, les noms d’oiseau sont tous liés au mot « complot ». Qu’est-il donc arrivé à « mamie », selon Le Monde ?
Pour le savoir, Le Monde a lancé un appel à témoignages et fonde son article sur « une centaine » de réponses de personnes « dont les profils sont d’une hétérogénéité rare ». Autrement dit, et malgré le flou de ce panel, voilà un ensemble de témoignages qui aurait presque valeur de sondage. De l’art du sous-entendu.
Plus de sous-entendus ensuite mais des citations finement choisies pour démontrer combien penser autrement que la doxa du Monde sur certains sujets équivaudrait à perdre son esprit critique, détruire sa famille, connaître l’isolement, être piégé comme dans une secte… Sombrer, en somme.
Florilège des menaces
- Noël est « à haut risque », « les conflits sont inévitables ».
- Même dans un « milieu favorisé », « très cultivé », la menace pèserait sur tout un chacun.
- Les sujets ? « Hydroxychloroquine, port du masque, confinement : la crise sanitaire constitue une source inépuisable de théories du complot », selon l’article. Le fait que le professeur Raoult gère l’un des principaux centres hospitaliers de France ou que Sibeth N’Diaye ait pu considérer que les masques sont inutiles et impossibles à utiliser ne semble pas mériter d’être évoqué dans cet article.
- Les amis, les membres de la famille sont devenus « complotistes », et les témoins l’apprennent, stupéfaits, « au détour d’une conversation ». Pire, l’un des témoins dit que son fils avait rejoint le mouvement complotiste QAnon, une nébuleuse conspirationniste pro-Trump, et qui a connu un puissant regain à la faveur de la pandémie ».
- Les témoins sont « inondés » de messages de leurs proches, sur les réseaux sociaux. Et même par des « textos individualisés ». Un vrai « harcèlement».
- Bien sûr, ils ont tenté de réagir, se sont informés, en particulier sur des sites sérieux n’est-ce pas, celui du Monde par exemple et de son décodeur. En vain. La « paranoïa » règne, les échanges sont « stériles ». Les proches et les amis sont devenus comme « des témoins de Jéhovah » (comprendre secte, même si cette organisation religieuse n’est plus considérée ainsi par la République française).
- Précisions « Ma fille n’est pas vraiment heureuse. Quand on est bien dans sa peau, ce genre de discours laisse de marbre. Ces discours engendrent la suspicion, le rejet de l’autre, le racisme. Donc, forcément, j’ai peur ».
- Résultats : nombre de témoins rompent avec les membres de leur famille trop proches de « la fachosphère conspirationniste ».
Deux points remarquables : selon Le Monde, s’interroger sur la vaccination suffit à définir un complotiste. Et pour les soins, Le Monde a la solution. Il faut donner de « l’amour » aux complotistes.
Les médias de Grand-chemin, décidément, c’est de plus en plus Pravda partout, informations sérieuses nulle part. Dis, Le Monde, tu te souviens de ce jour (5 février 2003, discours de Colin Powell, secrétaire d’Etat de Bush) où les Etats-Unis présentaient des armes de destruction massives irakiennes à l’ONU et au monde entier ? Mettre cela en doute était alors complotiste. Dis-moi, Le Monde, où sont-elles passées ces armes de destruction massive ? Et ton esprit critique ? Répondre sur le site de l’Observatoire, merci et bonne année.