Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
M6 consacre un reportage à la fraude sociale, satisfecit, ma non troppo

23 janvier 2021

Temps de lecture : 4 minutes
Accueil | Veille médias | M6 consacre un reportage à la fraude sociale, satisfecit, ma non troppo

M6 consacre un reportage à la fraude sociale, satisfecit, ma non troppo

Temps de lecture : 4 minutes

En début d’année 2021, nous avons souligné que la fraude sociale était un sujet majeur en France mais pourtant largement passé sous silence dans les médias de grand chemin. M6 a consacré un reportage à la fraude sociale lors de l’émission Capital du 17 janvier. Une initiative louable que nous mentionnons par soucis d’équité mais qui n’échappe pourtant pas à certaines critiques.

Dénoncer la fraude sociale, un sujet glissant

Le mois de sep­tem­bre de l’année 2020 a été mar­qué par trois paru­tions impor­tantes sur la fraude sociale en France : un rap­port de la cour des comptes, le livre « Car­tel des fraudes » écrit par le mag­is­trat Charles Prats et un rap­port par­lemen­taire com­por­tant de nom­breuses pré­con­i­sa­tions en la matière.

En dépit de ces travaux, le sujet de la fraude sociale est peu traité dans les médias de grand chemin.

Pour­tant, après avoir mené une longue enquête sur le sujet, Charles Prats a estimé dans son essai que la fraude sociale avait en France une ampleur con­sid­érable, qui pour­rait avoisin­er 50 mil­liards d’euros par an. Quand il est inter­viewé par des jour­nal­istes, il se défend d’assimiler les béné­fi­ci­aires d’aides sociales aux fraudeurs et il juge cette asso­ci­a­tion insultante.

Rien n’y fait, la dénon­ci­a­tion de la fraude sociale appa­rait tou­jours pour une par­tie du clergé médi­a­tique comme une « chas­se aux pau­vres ». Autre accu­sa­tion courante : la sures­ti­ma­tion des sommes en jeu.

Pour ne citer qu’un exem­ple, le jour­nal­iste Dominique Seux n’a pas pu s’empêcher dans une chronique en sep­tem­bre 2019 sur France inter de min­imiser le phénomène de la fraude sociale. Il est vrai que par­ler de ce sujet est rel­a­tive­ment infamant. D’ailleurs « Marine Le Pen et Nico­las Dupont-Aig­nan s’emparent du sujet, repren­nent les chiffres, dénon­cent un scan­dale ». On est donc loin du cer­cle de la respectabil­ité et des sujets que l’on peut traiter entre gens de bonne compagnie.

Mal en a pris à Dominique Seux. Se bas­ant sur un com­mu­niqué du sénat, il affir­mait dans sa chronique que la perte finan­cière liée aux usurpa­tions d’identité et aux faux doc­u­ments serait min­ime, tout au plus 117 à 139 mil­lions d’euros. Un épiphénomène en somme…De récentes enquêtes accrédi­tent pour­tant le car­ac­tère mas­sif de la fraude sociale. Selon le rap­port de la cour des comptes paru en sep­tem­bre 2020, il y aurait un écart de 8,2 mil­lions d’assurés soci­aux entre le pop­u­la­tion française et le nom­bre de béné­fi­ci­aires de la sécu. Le mag­is­trat Charles Prats n’a pour­tant pas vu Dominique Seux faire amende hon­or­able et met­tre à jour sa posi­tion à ce sujet.

La fraude sociale, un sujet à part entière

Il faut donc saluer l’initiative de la chaine M6 de con­sacr­er un reportage à la fraude sociale lors de l’émission du dimanche 17 jan­vi­er, même si 2 autres sujets étaient au som­maire de l’émission Cap­i­tal sur le « grand gaspillage ».

Pre­mier éton­nement : l’ampleur du phénomène de la fraude sociale éval­ué par Charles Prats à près de 50 mil­liards d’euros aurait pu jus­ti­fi­er une émis­sion dédiée à part entière à ce sujet. Mais ne boudons pas notre plaisir dans le con­texte d’indifférence général­isé de nom­breux médias.

Deux­ième éton­nement : la brièveté du pas­sage de Charles Prats lors de l’émission.

Cela fait réa­gir sur Twit­ter Le loge­ment vous appauvrit 

Troisième éton­nement. C’est Charles Prats lui-même qui réag­it sur Twit­ter sur les coupures au mon­tage de ses inter­ven­tions lors du tour­nage de l’émission :

Qua­trième éton­nement : pas un mot n’est dit dans le reportage sur l’instauration de la carte vitale bio­métrique qui selon cer­tains spé­cial­istes per­me­t­trait de lut­ter effi­cace­ment con­tre une par­tie de la fraude sociale. Il est vrai que les députés LREM ont rejeté cette propo­si­tion récemment.

En résumé, un courageux choix édi­to­r­i­al de traiter ce sujet, sachant que Charles Prats fait depuis ses révéla­tions l’objet de men­aces. Mais un reportage trop court et un maniement un peu trop fréné­tique du ciseau au mon­tage, qui en lim­ite la portée….

Nous lais­serons la con­clu­sion à Fraude sociale sur Twit­ter, qui reprend les ter­mes employés par Cap­i­tal, le jour­nal cette fois :

« L’augmentation mas­sive des déficits avec la crise du #Covid19 va provo­quer des choix fis­caux douloureux. A moins d’accepter enfin de traiter la ques­tion des 50 mil­liards d’euros de fraudes aux presta­tions sociales…». Un vrai sujet de société… et de reportage à venir ?

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés