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Censure du net : la grande hypocrisie

6 avril 2021

Temps de lecture : 5 minutes
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Censure du net : la grande hypocrisie

Temps de lecture : 5 minutes

Red­if­fu­sion. Pre­mière dif­fu­sion le 03/02/2021

À la suite de notre article sur les censures de Twitter sous la férule de Jack Dorsey et celui sur le retour de la loi Avia, nous reprenons la tribune d’Anne-Sophie Chazaud parue dans L’Antipresse du 17 janvier 2021. Les intertitres sont de notre rédaction.

Les citoyens premières victimes

Les réac­tions saines de con­damna­tion face à la cen­sure totale­ment décom­plexée qui s’abat sur les usagers dis­si­dents des grandes plate­formes du numérique, ne doivent pas mas­quer l’immense hypocrisie de la scène à laque­lle nous assis­tons et dont nous sommes, en tant que citoyens libres, d’ores et déjà les victimes.

Enten­dre Bruno Le Maire ou Cédric O pren­dre des airs de vierges effarouchées pour fustiger le pou­voir trop grand des géants du Net pour­rait don­ner envie de rire si ce n’était si grave.

Loi Avia bis

Rap­pelons donc une nou­velle fois ce fait essen­tiel : ce qui est en train de se pass­er n’est rien d’autre que l’application de ce que tous les par­lemen­taires, nom­breux, qui ont voté la loi Avia, rêvaient de met­tre en place.

Le pro­jet était et demeure bel et bien de trans­met­tre les clés de la cen­sure, par pure hypocrisie et pour ne pas trop se salir les mains, à ces géants d’internet avec lesquels les gou­verne­ments néolibéraux, mon­di­al­istes, antipop­ulistes et pro­com­mu­nau­taristes parta­gent toutes les car­ac­téris­tiques idéologiques.

C’est cette porosité idéologique qui per­met l’entente entre ces gou­ver­nances de rich­es geeks hip­sters cal­i­forniens et ces gou­verne­ments pro­fondé­ment lib­er­ti­cides qui n’ont qu’une obses­sion : musel­er l’expression libre et sou­veraine des peuples.

Depuis quelques jours, de nom­breux médias main­stream fusti­gent pareille­ment, en ahanant tous le même dis­cours con­venu, le «pou­voir des géants du net», sans jamais avoir le courage de remet­tre en cause la dimen­sion véri­ta­ble­ment poli­tique et per­mise par le pou­voir poli­tique, de cette censure.

Les médias prisonniers des GAFA

Nor­mal :  tout d’abord, la plu­part de ces médias touchent de grass­es sub­ven­tions et n’ont guère intérêt à se mon­tr­er trop cri­tiques à l’égard dudit pou­voir poli­tique. D’autre part, la plu­part d’entre eux touchent de l’argent directe­ment de la part des Gafa dans leur pseu­do chas­se aux pseu­do fake news : les check­news, decodex et com­pag­nie sont en cheville finan­cière­ment avec ces Gafa et ces sys­tèmes mal­sains ont été encour­agés et pro­mus par des pro­grammes de l’Union européenne lors des élec­tions européennes de 2019 (autant s’immiscer directe­ment dans les proces­sus élec­toraux, c’est plus clair) à grands ren­forts d’argent ver­sé pour cela par ces grandes entre­pris­es et autres inter­venants transat­lan­tiques y com­pris par la fon­da­tion Soros dont la rôle nocif, pro­pa­gan­diste, de décon­struc­tion des sou­verainetés pop­u­laires n’est plus à démontrer.

Il règne donc dans le traite­ment pub­lic de cette affaire de mac­carthysme néo­pro­gres­siste une immense hypocrisie : il s’agit d’une cen­sure poli­tique, souhaitée et ren­due pos­si­ble par le pou­voir poli­tique. Les Gafa n’ont que le pou­voir qu’on leur accorde. Et la veu­lerie du monde médi­a­tique pour dénon­cer la véri­ta­ble nature de cette cen­sure est immense.

Un exemple concret

J’ai, par exem­ple, été longue­ment inter­viewée, à sa demande, par un grand mag­a­zine nation­al que je ne nom­merais pas, il y a quelques jours, sur ce sujet. Ne voy­ant rien venir au bout d’un cer­tain temps, je suis allée aux nou­velles afin de savoir où était pub­lié cet inter­view. Il me fut répon­du, dans une gêne man­i­feste, que l’entretien s’était avéré «trop poli­tique», et qu’on aurait plutôt dû abor­der les choses de manière «tech­nique» (c’était le moment de ne pas rire…).

Hei­deg­ger et Bernard Stiegler ont dû se retourn­er dans leurs tombes : comme si la ques­tion était tech­nique. Comme si les tech­niques mis­es en place pour exercer la cen­sure n’étaient pas d’abord et avant tout décidées par des humains pour­suiv­ant des buts poli­tiques et idéologiques ! Et surtout, surtout, ne pas dénon­cer la grande hypocrisie poli­tique française sur le sujet non plus que la com­plic­ité active des prin­ci­paux médias main­stream dans toute cette affaire.

Dernier point : plus les heures passent et plus je con­state d’une part la fer­me­ture de comptes à tire-lar­ig­ot, mais aus­si la fuite volon­taire d’usagers dégoûtés par ces pratiques.

Une censure de trop ?

Il se pour­rait bien que cette cen­sure mas­sive soit l’erreur de trop, celle qui va en réal­ité mar­quer la fin du règne de ces Gafa. De plate­formes libres, ils sont devenus de sim­ples édi­teurs pro­pa­gan­distes comme les autres, et cela n’intéressera plus les citoyens qui iront désor­mais chercher leur lib­erté pro­gres­sive­ment ailleurs.

Enfin, je le redis, l’enjeu pour nous en France est le con­trôle de la libre expres­sion dans le cadre de l’élection prési­den­tielle de 2022. Cette cen­sure en cours représente peut-être une chance : celle pour les citoyens français de se pré­par­er à trans­fér­er leurs ago­ras de débat pub­lic ailleurs, là où ils se seraient sinon fait piéger.

Il se pour­rait bien, pour finir, que la vraie dis­si­dence trou­ve désor­mais à s’exprimer en revenant à la bonne vieille imprimerie et aux réu­nions de citoyens dans la vraie vie (pour peu qu’on parvi­enne à recon­quérir cette lib­erté qui a elle aus­si été con­fisquée sous pré­texte san­i­taire), laque­lle échappe à toutes les manip­u­la­tions technologiques.

En atten­dant, se servir de la force adverse pour avancer, ce sera la moin­dre de nos ironies.

Anne-Sophie Chaz­a­ud

Anne-Sophie Chaz­a­ud est essay­iste et chroniqueuse, auteur de Lib­erté d’inexpression, paru en sep­tem­bre 2020 aux édi­tions de l’Artilleur que nous avons présen­té ici.

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